Entrer dans la Trinité
Il y a quelque chose que nous pouvons faire à l’égard de la Trinité de plus heureux encore que la contempler et l’imiter : c’est d’entrer en elle ! Nous ne pouvons pas embrasser l’océan, mais nous pouvons y entrer ; nous ne pouvons pas embrasser le mystère de la Trinité avec notre esprit, mais nous pouvons y entrer !
Le Christ nous a laissé un moyen concret pour le faire, l’Eucharistie. Dans l’icône de Roublev, les trois anges sont disposés en cercle autour d’une table ; sur cette table, il y a une coupe et dans la coupe, on entrevoit un agneau. On ne pouvait dire de manière plus simple et plus efficace que la Trinité nous donne rendez-vous chaque jour dans l’Eucharistie. Le banquet d’Abraham au chêne de Mambré représente ce banquet. La visite des Trois à Abraham se renouvelle pour nous chaque fois que nous nous approchons de la communion.
Là aussi, c’est-à-dire à propos de l’Eucharistie, la doctrine de la péricorèse trinitaire nous illumine. Elle nous dit que là où il y a une personne de la Trinité, il y a aussi les deux autres, unies de manière inséparable. Au moment de la communion se réalise au sens strict la parole du Christ : « Moi en eux et toi en moi » ; « Qui me voit, voit le Père » (cf. Jn 14, 9) ; qui me reçoit, reçoit le Père. Nous n’arriverons jamais à estimer à sa juste valeur la grâce qui nous est offerte. Compagnons de la Trinité !
Saint Cyrille d’Alexandrie a formulé avec sa rigueur théologique habituelle cette vérité qui relie de manière indissoluble Trinité et Eucharistie. Il dit : « Nous sommes consommés dans l’unité avec Dieu le Père par le Christ. Recevant en nous en effet corporellement et spirituellement ce que le Fils est par nature, nous participons et nous nous unissons à toute la nature suprême[6]. » La même personne dont j’ai partagé le témoignage au début me confiait, en une autre occasion, une expérience qu’elle a faite plus tard de la Trinité. Je me permets de partager celle-ci aussi parce qu’elle nous dit que l’Église n’est pas seulement ce que les gens voient ou disent d’elle. Elle disait :
« L’autre soir, l’Esprit m’a introduite dans le mystère de l’amour trinitaire. Le passionnant échange de donner et de recevoir s’est également opéré à travers moi : du Christ à qui j’étais unie, vers le Père et du Père vers le Fils. Mais comment exprimer l’inexprimable ? Je ne voyais rien, mais c’était bien davantage que de voir et mes paroles sont impuissantes à traduire cet échange dans la jubilation, qui se répondait, se pressait, se recevait et se donnait. Et de cet échange coulait une vie intense de l’Un à l’Autre, comme le lait tiède qui coule du sein de la maman à la bouche de l’enfant attaché à ce bien-être. Et j’étais cet enfant, c’était toute la création qui participe à la vie, au Royaume, à la gloire, ayant été régénérée par le Christ. Ô Sainte et vivante Trinité ! Je suis restée comme en dehors de moi pendant deux ou trois jours et, encore aujourd’hui, cette expérience reste profondément imprimée en moi. »
La Trinité n’est pas seulement un mystère et un article de notre foi, c’est une réalité vivante et palpitante. Comme je le disais en commençant, le Dieu vivant de la Bible que nous recherchons n’est autre que la Trinité vivante. Que l’Esprit nous y introduise nous aussi et nous fasse goûter sa douce compagnie.