Vénérables frères, c'est avec une grande joie que Nous vous voyons rassemblés autour de Nous, pour cette rencontre que Nous avons vivement désirée et dont il Nous est consenti à présent, grâce à Votre amabilité, de goûter la douceur et le réconfort. Nous avons en effet ressenti l'urgent besoin, non seulement de vous exprimer à nouveau Notre gratitude pour le choix — qui, en vérité, ne cesse de Nous surprendre et de Nous confondre — que vous avez fait de Notre humble personne, mais aussi de vous témoigner la confiance que Nous avons dans votre collaboration fraternelle et assidue. Le poids que le Seigneur, dans les desseins impénétrables de sa providence, a voulu poser sur Nos fragiles épaules, Nous apparaîtrait vraiment trop lourd si Nous ne savions pouvoir compter, non seulement sur la force toute-puissante de sa grâce, mais également sur la compréhension affectueuse et sur la solidarité opérante de frères d'une telle renommée quant à la doctrine et quant à la sagesse, d'une telle expérience dans le gouvernement pastoral, et aussi pénétrés des choses de Dieu et des choses des hommes.
Nous profitons donc de cette circonstance pour déclarer que Nous comptons surtout sur l'aide de ces cardinaux, qui resteront à Nos côtés, dans cette Cité bien-aimée, à la direction des divers dicastères, dont se compose la Curie romaine. Les charges pastorales, auxquelles la providence divine Nous a appelé jour après jour, au cours des années passées, ont toujours été exercées loin de ces organismes complexes, qui offrent au Vicaire du Christ la possibilité concrète d'accomplir le service apostolique, dont il est redevable à toute l'Eglise, et assure de cette manière l'articulation organique des autonomies légitimes, dans l'indispensable respect de cette unité essentielle non seulement de discipline mais aussi de foi, pour laquelle le Christ a prié à la veille même de sa passion (Jn 17, 11 ; 21-23). Nous n'avons aucune peine à reconnaître Notre inexpérience dans un secteur aussi délicat de la vie ecclésiale. Nous Nous proposons donc de faire trésor des suggestions qui Nous seront faites par des collaborateurs d'une telle valeur, en Nous faisant, si l'on peut dire, élève de ceux qui, en raison des mérites acquis dans un service d'une telle importance, ont droit à Notre pleine confiance et à Notre reconnaissante estime.
Nous pensons ensuite à ceux d'entre vous, vénérables frères, qui se préparent à retourner à leurs sièges épiscopaux, pour reprendre la charge pastorale des Eglises, que l'Esprit leur a confiée (cf. At 20, 28), et qui anticipent déjà dans leur âme la joie de la rencontre avec un grand nombre de leurs fils, qu'ils connaissent bien et aiment tendrement. C'est là une joie qui ne Nous sera pas concédée. Le Seigneur connaît le regret que ce renoncement suscite en Notre cœur. Mais, dans sa bonté, il peut tempérer l'amertume du détachement par la perspective d'une paternité plus vaste. En particulier, il Nous réconforte par le don inestimable de votre cordiale et sincère dévotion, dans laquelle il Nous semble que vibre la dévotion de tous les évêques du monde, unis à ce Siège apostolique par les liens fermes d'une communion, qui franchit les espaces, ignore la diversité de races, s'enrichit des valeurs authentiques présentes dans les diverses cultures, et fait des peuples distants l'un de l'autre en raison de leur situation géographique, linguistique ou de mentalité, une grande et unique famille. Comment ne pas se sentir envahis par une vague de confiance rassérénante face à ce spectacle merveilleux, qui est offert à l'absorbante contemplation de l'esprit, et qui, par votre présence, est destiné à s'étendre en direction des cinq continents, dont vous êtes les représentants particulièrement significatifs et dignes ?
Votre splendide assise évoque à Nos yeux une image éloquente de l'Eglise du Christ, dont l'unité catholique avait déjà ému le grand Augustin, et le poussait déjà à mettre en garde les « petits rameaux » de chaque Eglise particulière afin qu'ils ne se détachent pas de « ce grand arbre qui étend ses rameaux au monde entier » (lettre 185 ad Bonifacium n. 8, 32). Nous sommes conscients d'être constitués signe et instrument de cette unité (cf. Const. Dogm. Lumen Gentium, n. os 22, 2 ; 23, 1) ; et Nous voulons consacrer toute Notre énergie à lui assurer sa défense et son essor, encouragés par la conscience de pouvoir faire confiance à l'action éclairée et généreuse de chacun d'entre vous. Nous ne voulons pas rappeler ici les grandes lignes de Notre programme, que vous connaissez déjà. Nous aimerions seulement réaffirmer en ce moment, avec vous tous, l'engagement d'une disponibilité totale aux inspirations de l'Esprit pour le bien de l'Eglise, que chacun parmi nous, au moment de son élévation à la pourpre cardinalice, a promis de servir « jusqu'à l'effusion du sang ».
Vénérables frères, samedi dernier, quand Nous Nous sommes trouvés face au péril de la décision d'un « oui » qui aurait posé sur Nos épaules le poids formidable du ministère apostolique, un d'entre vous Nous a murmuré, à l'oreille des paroles qui invitaient à la confiance et au courage. Qu'il Nous soit permis, maintenant, constitué à présent Vicaire de Celui qui donna à Pierre le mot d'ordre « confirme tes frères » (Lc 22, 32), qu'il Nous soit permis de vous adresser, à vous qui vous préparez à reprendre vos charges ecclésiales respectives, l'encouragement de garder confiance avec une fermeté virile, même au milieu des troubles de l'heure présente, dans l'immanquable aide du Christ, qui Nous répète également aujourd'hui, les paroles prononcées quand les ténèbres de la Passion se concentraient déjà sur Lui et sur le premier noyau des croyants : « Ayez confiance, j'ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).
Au nom du Christ et en gage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous donnons avec une particulière émotion, à Vous, à vos collaborateurs et à toutes les âmes qui sont confiées à votre charge pastorale, les prémices de Notre bénédiction apostolique propitiatrice.