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  Lettre encycliques Laudato si/Pape François/21/

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coeurtendre
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 Lettre encycliques Laudato si/Pape François/21/ Empty
MessageSujet: Lettre encycliques Laudato si/Pape François/21/    Lettre encycliques Laudato si/Pape François/21/ Icon_minitimeMer 6 Oct - 10:46

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II. La Globalisation  du paradigme technocratique 




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106. Le problème fondamental est autre, encore plus profond : la manière dont l’humanité a, de fait, assumé la technologie et son développement avec un paradigme homogène et unidimensionnel. Une conception du sujet y est mise en relief qui, progressivement, dans le processus logique et rationnel, embrasse et ainsi possède l’objet qui se trouve à l’extérieur. Ce sujet se déploie dans l’élaboration de la méthode scientifique avec son expérimentation, qui est déjà explicitement une technique de possession, de domination et de transformation. C’est comme si le sujet se trouvait devant quelque chose d’informe, totalement disponible pour sa manipulation. L’intervention humaine sur la nature s’est toujours vérifiée, mais longtemps elle a eu comme caractéristique d’accompagner, de se plier aux possibilités qu’offrent les choses elles-mêmes. Il s’agissait de recevoir ce que la réalité naturelle permet de soi, comme en tendant la main. Maintenant, en revanche, ce qui intéresse c’est d’extraire tout ce qui est possible des choses par l’imposition de la main de l’être humain, qui tend à ignorer ou à oublier la réalité même de ce qu’il a devant lui. Voilà pourquoi l’être humain et les choses ont cessé de se tendre amicalement la main pour entrer en opposition. De là, on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues. Cela suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la “ presser ” jusqu’aux limites et même au-delà des limites. C’est le faux présupposé « qu’il existe une quantité illimitée d’énergie et de ressources à utiliser, que leur régénération est possible dans l’immédiat et que les effets négatifs des manipulations de l’ordre naturel peuvent être facilement absorbés ».[86]




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107. On peut dire, par conséquent, qu’à l’origine de beaucoup de difficultés du monde actuel, il y a avant tout la tendance, pas toujours consciente, à faire de la méthodologie et des objectifs de la techno-science un paradigme de compréhension qui conditionne la vie des personnes et le fonctionnement de la société. Les effets de l’application de ce moule à toute la réalité, humaine et sociale, se constatent dans la dégradation de l’environnement, mais cela est seulement un signe du réductionnisme qui affecte la vie humaine et la société dans toutes leurs dimensions. Il faut reconnaître que les objets produits par la technique ne sont pas neutres, parce qu’ils créent un cadre qui finit par conditionner les styles de vie, et orientent les possibilités sociales dans la ligne des intérêts de groupes de pouvoir déterminés. Certains choix qui paraissent purement instrumentaux sont, en réalité, des choix sur le type de vie sociale que l’on veut développer.



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108. Il n’est pas permis de penser qu’il est possible de défendre un autre paradigme culturel, et de se servir de la technique comme d’un pur instrument, parce qu’aujourd’hui le paradigme technocratique est devenu tellement dominant qu’il est très difficile de faire abstraction de ses ressources, et il est encore plus difficile de les utiliser sans être dominé par leur logique. C’est devenu une contre-culture de choisir un style de vie avec des objectifs qui peuvent être, au moins en partie, indépendants de la technique, de ses coûts, comme de son pouvoir de globalisation et de massification. De fait, la technique a un penchant pour chercher à tout englober dans sa logique de fer, et l’homme qui possède la technique « sait que, en dernière analyse, ce qui est en jeu dans la technique, ce n’est ni l’utilité, ni le bien-être, mais la domination : une domination au sens le plus extrême de ce terme ».[87] Et c’est pourquoi « il cherche à saisir les éléments de la nature comme ceux de l’existence humaine ».[88] La capacité de décision, la liberté la plus authentique et l’espace pour une créativité alternative des individus, sont réduits.



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109. Le paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur l’économie et la politique. L’économie assume tout le développement technologique en fonction du profit, sans prêter attention à d’éventuelles conséquences négatives pour l’être humain. Les finances étouffent l’économie réelle. Les leçons de la crise financière mondiale n’ont pas été retenues, et on prend en compte les leçons de la détérioration de l’environnement avec beaucoup de lenteur. Dans certains cercles on soutient que l’économie actuelle et la technologie résoudront tous les problèmes environnementaux. De même on affirme, en langage peu académique, que les problèmes de la faim et de la misère dans le monde auront une solution simplement grâce à la croissance du marché. Ce n’est pas une question de validité de théories économiques, que peut-être personne aujourd’hui n’ose défendre, mais de leur installation de fait dans le développement de l’économie. Ceux qui n’affirment pas cela en paroles le soutiennent dans les faits quand une juste dimension de la production, une meilleure répartition des richesses, une sauvegarde responsable de l’environnement et les droits des générations futures ne semblent pas les préoccuper. Par leurs comportements, ils indiquent que l’objectif de maximiser les bénéfices est suffisant. Mais le marché ne garantit pas en soi le développement humain intégral ni l’inclusion sociale.[89] En attendant, nous avons un « surdéveloppement, où consommation et gaspillage vont de pair, ce qui contraste de façon inacceptable avec des situations permanentes de misère déshumanisante » ;[90] et les institutions économiques ainsi que les programmes sociaux qui permettraient aux plus pauvres d’accéder régulièrement aux ressources de base ne se mettent pas en place assez rapidement. On n’a pas encore fini de prendre en compte les racines les plus profondes des dérèglements actuels qui sont en rapport avec l’orientation, les fins, le sens et le contexte social de la croissance technologique et économique.



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110. La spécialisation de la technologie elle‑même implique une grande difficulté pour regarder l’ensemble. La fragmentation des savoirs sert dans la réalisation d’applications concrètes, mais elle amène en général à perdre le sens de la totalité, des relations qui existent entre les choses, d’un horizon large qui devient sans importance. Cela même empêche de trouver des chemins adéquats pour résoudre les problèmes les plus complexes du monde actuel, surtout ceux de l’environnement et des pauvres, qui ne peuvent pas être abordés d’un seul regard ou selon un seul type d’intérêts. Une science qui prétendrait offrir des solutions aux grandes questions devrait nécessairement prendre en compte tout ce qu’a produit la connaissance dans les autres domaines du savoir, y compris la philosophie et l’éthique sociale. Mais c’est une habitude difficile à prendre aujourd’hui. C’est pourquoi de véritables horizons éthiques de référence ne peuvent pas non plus être reconnus. La vie est en train d’être abandonnée aux circonstances conditionnées par la technique, comprise comme le principal moyen d’interpréter l’existence. Dans la réalité concrète qui nous interpelle, divers symptômes apparaissent qui montrent cette erreur, comme la dégradation de l’environnement, l’angoisse, la perte du sens de la vie et de la cohabitation. On voit ainsi, une fois de plus, que « la réalité est supérieure à l’idée ».[91]



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111. La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. Autrement, même les meilleures initiatives écologiques peuvent finir par s’enfermer dans la même logique globalisée. Chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial.



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112. Cependant, il est possible d’élargir de nouveau le regard, et la liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral. La libération par rapport au paradigme technocratique régnant a lieu, de fait, en certaines occasions, par exemple, quand des communautés de petits producteurs optent pour des systèmes de production moins polluants, en soutenant un mode de vie, de bonheur et de cohabitation non consumériste ; ou bien quand la technique est orientée prioritaire- ment pour résoudre les problèmes concrets des autres, avec la passion de les aider à vivre avec plus de dignité et moins de souffrances ; de même quand l’intention créatrice du beau et sa contemplation arrivent à dépasser le pouvoir objectivant en une sorte de salut qui se réalise dans le beau et dans la personne qui le contemple. L’authentique humanité, qui invite à une nouvelle synthèse, semble habiter au milieu de la civilisation technologique presque de manière imperceptible, comme le brouillard qui filtre sous une porte close. Serait-ce une promesse permanente, malgré tout, jaillissant comme une résistance obstinée de ce qui est authentique ?



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113. D’autre part, les gens ne semblent plus croire en un avenir heureux, ils ne mettent pas aveuglément leur confiance dans un lendemain meilleur à partir des conditions actuelles du monde et des capacités techniques. Ils prennent conscience que les avancées de la science et de la technique ne sont pas équivalentes aux avancées de l’humanité et de l’histoire, et ils perçoivent que les chemins fondamentaux sont autres pour un avenir heureux. Cependant, ils ne s’imaginent pas pour autant renoncer aux possibilités qu’offre la technologie. L’humanité s’est profondément transformée, et l’accumulation des nouveautés continuelles consacre une fugacité qui nous mène dans une seule direction, à la surface des choses. Il devient difficile de nous arrêter pour retrouver la profondeur de la vie. S’il est vrai que l’architecture reflète l’esprit d’une époque, les mégastructures et les maisons en séries expriment l’esprit de la technique globalisée, où la nouveauté permanente des produits s’unit à un pesant ennui. Ne nous résignons pas à cela, et ne renonçons pas à nous interroger sur les fins et sur le sens de toute chose. Autrement, nous légitimerions la situation actuelle et nous aurions besoin de toujours plus de succédanés pour supporter le vide.



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114. Ce qui arrive en ce moment nous met devant l’urgence d’avancer dans une révolution culturelle courageuse. La science et la technologie ne sont pas neutres, mais peuvent impliquer, du début à la fin d’un processus, diverses intentions et possibilités, et elles peuvent se configurer de différentes manières. Personne ne prétend vouloir retourner à l’époque des cavernes, cependant il est indispensable de ralentir la marche pour regarder la réalité d’une autre manière, recueillir les avancées positives et durables, et en même temps récupérer les valeurs et les grandes finalités qui ont été détruites par une frénésie mégalomane.
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