SYNODE DES ÉVÊQUES
XVème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
LES JEUNES, LA FOI
ET LE DISCERNEMENT VOCATIONNEL
Document final
27 octobre 2018
Cité du Vatican
1. INTRODUCTION
L’événement synodal que nous avons vécu
1. « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes auront des visions et vos vieillards des songes » (Ac 2, 17 ; Jl 3, 1). C’est l’expérience que nous avons faite au cours de ce Synode, en cheminant ensemble et en nous mettant à l’écoute de la voix de l’Esprit. Il nous a stupéfaits par la richesse de ses dons, il nous a comblés de son courage et de sa force pour porter au monde l’espérance.
Nous avons marché ensemble, avec le Successeur de Pierre, qui nous a confirmés dans la foi et nous a revigorés dans l’enthousiasme de la mission. Bien que provenant de contextes très différents du point de vue culturel et ecclésial, nous avons ressenti, dès le début, une harmonie spirituelle, un désir de dialogue et une véritable empathie. Nous avons travaillé ensemble, en mettant en commun ce qui nous tenait le plus à cœur, en faisant part de nos préoccupations, sans cacher nos difficultés. De nombreuses interventions ont suscité en nous émotion et compassion évangélique : nous avons senti que nous formions un seul corps qui souffre et se réjouit. Nous désirons partager avec tous l’expérience de grâce que nous avons vécue et transmettre à nos Églises et au monde entier la joie de l’Évangile.
La présence des jeunes a constitué une nouveauté : à travers eux, la voix de toute une génération a résonné au Synode. En cheminant avec eux, pèlerins sur la tombe de Pierre, nous avons expérimenté une proximité qui crée les conditions pour faire de l’Église un espace de dialogue et un fascinant témoignage de fraternité. La force de cette expérience surpasse la fatigue et la faiblesse. Le Seigneur continue de répéter : "Ne craignez pas, je suis avec vous".
Le processus de préparation
2. Les contributions des épiscopats et l’apport de pasteurs, de religieux, de laïcs, d’experts, d’éducateurs et de beaucoup d’autres nous ont été d’un grand profit. Dès le début, les jeunes ont été impliqués dans le processus synodal : le Questionnaire en ligne, de nombreuses contributions personnelles et surtout la Réunion présynodale en sont le signe éloquent. Leur apport a été essentiel, comme dans le récit des poissons et des pains : Jésus a pu accomplir ce miracle grâce à la disponibilité d’un garçon qui a généreusement offert ce qu’il avait (Jn 6, 8-11).
Toutes les contributions ont été résumées dans l’Instrumentum laboris, qui a constitué la base solide des débats durant les semaines de l’Assemblée. Maintenant le Document final rassemble le résultat de ce processus et le relance vers l’avenir : il exprime ce que les Pères synodaux ont reconnu, interprété et choisi à la lumière de la Parole de Dieu. Le Document final de l’Assemblée synodale
3. Il est important de clarifier la relation entre l’Instrumentum laboris et le Document final. Le premier représente le cadre de référence d’unité et de synthèse apparu au cours des deux années d’écoute ; le second est le fruit du discernement effectué et rassemble les thèmes sur lesquels les Pères synodaux se sont concentrés avec une intensité et une passion particulières. Nous reconnaissons donc la diversité et la complémentarité de ces deux textes. Le présent Document est offert au Saint-Père (François, Episcopalis communio, n° 18 ; Instruction, art. 35 § 5) et à toute l’Église comme fruit de ce Synode. Comme le parcours synodal n’est pas encore terminé et prévoit une phrase de mise en œuvre (Episcopalis communio, nos 19-21),le Document final constitue un plan pour orienter les prochains pas que l’Église est appelée à accomplir.* Dans ce document le terme “ Synode ” désigne selon le cas l’ensemble du processus synodal en cours ou l’Assemblée générale qui s’est déroulée du 3 au 28 octobre 2018. PRÉAMBULE
Jésus en chemin avec les disciples d’Emmaüs
4. Nous avons reconnu dans l’épisode des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) un texte paradigmatique pour comprendre la mission ecclésiale en relation avec les jeunes générations. Cette page exprime bien ce que nous avons expérimenté au Synode et ce que nous voudrions que nos Églises particulières puissent vivre par rapport aux jeunes. Jésus marche avec les deux disciples qui n’ont pas compris le sens de ce qui est arrivé et ils s’éloignent de Jérusalem et de la communauté. Pour demeurer en leur compagnie, il parcourt le chemin avec eux. Il les interroge et se met patiemment à l’écoute de leur version des faits pour les aider à reconnaître ce qu’ils sont en train de vivre. Puis, de façon affectueuse et énergique, il leur annonce la Parole, en les amenant à interpréter les événements qu’ils ont vécus à la lumière des Écritures. Il accepte leur invitation à s’arrêter avec eux, à la tombée de la nuit : il entre dans leur nuit. En l’écoutant, leur cœur se réchauffe et leur esprit s’illumine ; à la fraction du pain, leurs yeux s’ouvrent. Ce sont eux qui choisissent de reprendre sans tarder le chemin dans la direction opposée, pour retourner vers la communauté et partager avec elle l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité.
En continuité avec l’Instrumentum laboris, le Document final est divisé en trois parties qui rythment cet épisode. La première partie est intitulée « Il faisait route avec eux » (Lc 24, 15) et cherche à éclairer ce que les Pères synodaux ont reconnu du contexte dans lequel les jeunes sont insérés, en mettant en relief les points forts et les défis. La deuxième partie, « Leurs yeux s’ouvrirent » (Lc 24, 31), est interprétative et fournit plusieurs clefs de lecture fondamentales du thème synodal. La troisième partie, intitulée « Ils partirent sans tarder » (Lc 24, 33), expose les choix en vue d’une conversion spirituelle, pastorale et missionnaire. Ière PARTIE
« IL FAISAIT ROUTE AVEC EUX »
5. « Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux » (Lc 24, 13-15).Dans ce passage, l’évangéliste photographie le besoin des deux pèlerins de chercher un sens aux événements qu’ils ont vécus. Il souligne l’attitude de Jésus qui se met en chemin avec eux. Le Ressuscité souhaite faire route avec chaque jeune, en accueillant ses attentes, même déçues, et ses espérances, même inappropriées. Jésus chemine, écoute, partage.
Chapitre I
Une Église à l’écoute
Écouter et voir avec empathie
La valeur de l’écoute
6. L’écoute est une rencontre de liberté, qui requiert humilité, patience, disponibilité à comprendre et engagement à élaborer les réponses d’une façon nouvelle. L’écoute transforme le cœur de ceux qui la vivent, surtout lorsqu’on se place dans une attitude intérieure d’harmonie et de docilité à l’Esprit. Il ne s’agit donc pas simplement de recueillir des informations, ni d’une stratégie pour atteindre un objectif, mais c’est la forme par laquelle Dieu lui-même entre en relation avec son peuple. Dieu, en effet, voit la misère de son peuple et il écoute sa plainte, il se laisse toucher intérieurement et descend le libérer (Ex 3, 7-. Ainsi l’Église, grâce à l’écoute, entre dans le mouvement de Dieu qui, dans le Fils, vient à la rencontre de chaque être humain. Les jeunes veulent être écoutés
7. Les jeunes sont continuellement appelés à faire des choix qui orientent leur existence ; ils expriment le désir d’être écoutés, reconnus, accompagnés. Beaucoup se rendent compte que leur voix n’est considérée ni comme intéressante ni comme utile dans les milieux sociaux et ecclésiaux. Dans certaines situations, on ne fait guère attention à leur cri, en particulier à celui des plus pauvres et des exploités, et peu d’adultes se montrent disponibles et capables de les écouter.
L’écoute dans l’Église
8. Il ne manque pas dans l’Église d’initiatives ni d’expériences consolidées à travers lesquelles les jeunes peuvent faire l’expérience de l’accueil, de l’écoute et faire entrendre leur voix. Le Synode reconnaît toutefois que la communauté ecclésiale ne sait pas toujours rendre évidente l’attitude que le Ressuscité a eue envers les disciples d’Emmaüs quand, avant de les éclairer par la Parole, il leur a demandé : « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » (Lc 24, 17). La tendance prévaut alors d’apporter des réponses toutes faites et de proposer des recettes toutes prêtes, sans laisser émerger les questions des jeunes dans leur nouveauté ni saisir ce qu’elles ont de provocantes.
L’écoute rend possible un échange de dons, dans un contexte d’empathie. Elle permet aux jeunes d’apporter quelque chose à la communauté, en l’aidant à percevoir des sensibilités nouvelles et à se poser des questions inédites. En même temps, elle pose les conditions d’une annonce de l’Évangile qui atteigne vraiment le cœur, de façon percutante et féconde.
L’écoute des pasteurs et de laïcs qualifiés
9. L’écoute constitue un moment valorisant du ministère des pasteurs et, en premier lieu, des évêques qui, souvent, sont surchargés et ont dû mal à trouver le temps nécessaire à cet indispensable service. Beaucoup ont relevé le manque de personnes expertes qui se consacrent à l’accompagnement. Croire à la valeur théologique et pastorale de l’écoute implique de revoir et de rénover les formes par lesquelles s’exprime ordinairement le ministère presbytéral, ainsi qu’un discernement de ses priorités. En outre, le Synode reconnaît la nécessité de préparer des personnes consacrées et des laïcs, hommes et femmes, qui soient qualifiés pour l’accompagnement des jeunes. Le charisme de l’écoute, que l’Esprit Saint fait surgir dans les communautés, pourrait aussi recevoir une forme de reconnaissance institutionnelle en vue du service ecclésial.
Et demandons à la Vierge Marie de prier avec nous et pour nous le Père céleste, afin qu’il répande sur tous les croyants l’Esprit Saint, feu divin qui réchauffe les cœurs et nous aide à être solidaires avec les joies et les souffrances de nos frères.