coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13252 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Saint-Augustin/La Parole de Dieu (Jc 1,19-22)/ Lun 24 Oct - 18:56 | |
|
La Parole de Dieu nous impose deux devoirs, celui de l'écouter et celui de la pratiquer. I. Il est bien plus sûr d'écouter la parole de Dieu que de l'annoncer, et saint Augustin envie le bonheur de ceux qui n'ont qu'à l'entendre. Ce bonheur n'est-il pas comparable à celui de Marie assise aux pieds de Jésus? Les oeuvres auxquelles se livre Marthe passeront, quoique la récompense méritée par elle ne doive pas passer. Mais l'occupation même de Marie ne passera pas; elle ne fera que se perfectionner. II. Quant au devoir de pratiquer la divine parole, il pèse sur les prédicateurs comme sur les auditeurs, et tous doivent l'accomplir intérieurement et extérieurement; intérieurement par la pureté d'intention, extérieurement par la pureté de la vie et sa conformité aux divins commandements. Ecouter la sainte parole sans la pratiquer, c'est bâtir sur le sable; l'écouter et la pratiquer, c'est bâtir sur le roc; ne faire ni l'un ni l'autre, c'est ne pas même bâtir, c'est rester, sans aucun abri, exposé à tous les dangers. Il faut donc pratiquer, pratiquer sans s'inquiéter des défauts et des vices mêmes qui se peuvent rencontrer dans le prédicateur.
1. Le bienheureux Apôtre Jacques s'adresse aux auditeurs assidus de la parole divine et leur dit: «Pratiquez cette parole, sans vous contenter de l'écouter; ce serait vous tromper vous-mêmes». Vous-mêmes, et non pas celui qui vous envoie cette parole, ni celui qui vous l'annonce. Cette pensée jaillit de la source même de la vérité, et nous est présentée par la bouche infaillible d'un Apôtre. A notre tour donc, nous nous en emparons avec confiance pour en faire le sujet de cette exhortation; mais en vous l'adressant nous n'aurons garde de nous oublier nous-mêmes. A quoi servirait de prêcher extérieurement la parole de Dieu, si d'abord on ne l'écoutait dans son coeur? Sommes-nous assez étrangers à l'humanité et à toute réflexion sérieuse, pour ne comprendre pas les dangers que nous courons en annonçant aux peuples la sainte parole? Une chose pourtant nous encourage, c'est le secours que nous assurent vos prières au milieu de nos périlleuses fonctions. Mais pour vous montrer, mes frères, combien, à la place que vous occupez, vous êtes plus en sûreté que nous, je vous citerai une autre pensée du même Apôtre: «Que chacun de vous, dit-il, soit prompt à écouter et lent à parler». Par égard donc à cette recommandation d'être prompts à écouter et lents à parler, un mot d'abord du devoir que nous accomplissons; et après vous avoir dit pourquoi nous prêchons si souvent, je reviendrai au premier objet de ce discours. 2. Notre devoir est de vous exciter, non-seulement à écouter la parole de Dieu, mais encore à la pratiquer. Quel est pourtant l'homme qui ne nous juge, lorsque peu frappé de cette obligation il lit ces mots sacrés: «Que chacun soit prompt à écouter et lent à parler?» N'est-ce pas d'ailleurs votre ferveur qui nous force à n'observer pas cette recommandation? Mais quand je me jette ainsi au milieu des dangers, c'est pour vous une nécessité nouvelle de nous soutenir par vos prières.Toutefois, mes frères, je vais vous faire un aveu auquel je vous demande d'ajouter foi, puisque vous ne pouvez lire dans mon coeur. Pour obéir aux ordres de mon seigneur et frère, votre évêque, ainsi que pour faire droit à vos instances, je vous parle fréquemment: ma joie solide n'est pourtant pas de prêcher, mais d'écouter. Oui, je le répète, ma joie solide est de pouvoir écouter, non pas de prêcher. (128) Quand j'écoute, en effet, ma joie ne court aucun danger, je ne suis pas exposé à l'orgueil; car on n'a pas à craindre de tomber dans cet abîme, lorsqu'on s'appuie sur le roc inébranlable de la vérité. Voulez-vous une preuve de ce que je vous dis? Écoutez ces paroles: «Vous me donnerez, si je vous écoute, la joie et l'allégresse». Ainsi mon bonheur est d'entendre. Le Prophète ajoute aussitôt: «Et mes ossements humiliés tressailleront de plaisir (Ps 50,10)». C'est donc être humble que d'écouter, tandis que pour ne pas tomber, en prêchant, dans une vaine complaisance, il faut se comprimer. Si je ne m'enfle point alors, j'y suis exposé; au lieu qu'en écoutant, je jouis d'un bonheur aussi sûr qu'il est secret. A ce bonheur n'était pas étranger l'ami de l'Époux quand il disait: «L'Époux est celui à qui appartient l'épouse; pour l'ami de l'Époux, il est debout et l'écoute»; et s'il est debout, c'est qu'il écoute. Aussi le premier homme resta-t-il debout, tant qu'il écouta Dieu, tandis qu'il tomba dès qu'il eut prêté l'oreille au serpent. Il est donc bien vrai que «l'ami de l'Époux est debout et l'écoute, et que de plus il est transporté de joie parce qu'il entend la voix de l'Epoux (Jn 3,29)». Non pas sa propre voix à lui, mais la voix de l'Époux. Jean toutefois ne cachait pas publiquement aux peuples cette voix de l'Époux qu'il entendait secrètement. 3. C'est le bonheur dont Marie également avait fait choix, pendant qu'elle laissait sa soeur vaquer aux soins nombreux du service, pour demeurer assise aux pieds du Seigneur et entendre en repos sa parole. Si Jean était debout et Marie assise, Marie n'en était pas moins debout dans son coeur et Jean assis dans son humilité, car l'attitude de Jean est le symbole de la persévérance, comme celle de Marie, l'indication de l'humilité. Pour vous convaincre que l'attitude de Jean désigne la persévérance, souvenez-vous que le démon ne persévéra point et qu'il est écrit de lui: «Il a été homicide dès le commencement et n'est point resté debout dans la vérité (Jn 8,44)». Pour vous convaincre aussi que la position de Marie symbolise l'humilité, voici ce que dit un psaume à propos de la pénitence: «Levez-vous après avoir été assis, vous qui mangez le pain de la douleur (Ps 126,2)». Pourquoi se lever après avoir été assis? C'est que «celui qui s'humilie sera élevé (Lc 14,11)». Maintenant, le Seigneur nous dira lui-même, en parlant de Marie assise à ses pieds et recueillant sa parole, quel bonheur il y a à l'entendre. Pendant que sa soeur était surchargée des préparatifs du service, elle se plaignait à Jésus même de n'être pas secondée par elle, et Jésus lui répondit: «Marthe, Marthe, à combien d'occupations tu te livres! Il n'y a pourtant qu'une chose nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, laquelle ne lui sera point ôtée (Lc 10,38-42)». Y avait-il du mal dans ce que faisait Marthe? Eh! qui de nous pourrait exalter suffisamment le mérite immense de donner l'hospitalité à des saints? Mais s'il y a tant de mérite à être hospitalier envers les saints, quel mérite bien plus considérable à pratiquer cette vertu envers le Chef même des saints et ses principaux membres, envers le Christ et ses apôtres? Vous tous qui aimez à exercer cette vertu, ne dites-vous pas, en entendant parler de ce que faisait Marthe: Oh! qu'elle était heureuse, qu'elle était favorisée de recevoir le Seigneur même et d'avoir pour hôtes ses apôtres pendant qu'ils vivaient sur la terre? Ne te décourage pourtant point de ne pouvoir, comme Marthe, accueillir dans ta demeure le Seigneur avec ses apôtres; lui-même te rassure: «Ce que vous avez fait à l'un des derniers d'entre les miens, dit-il, vous me l'avez fait à moi (Mt 25,40)». L'Apôtre donc nous prescrit quelque chose de bien grand, de bien important, quand il dit: «Partagez avec les saints qui sont dans le besoin, aimez à exercer l'hospitalité (Rm 12,13)». Puis, louant cette vertu dans l'Épître aux Hébreux: «C'est elle, dit-il, qui a mérité à plusieurs d'abriter des anges à leur insu (He 12,2)». Quel service magnifique! quelle insigne faveur! «Marie pourtant a choisi la meilleure part», en demeurant assise, en repos et en écoutant, tandis que sa soeur allait et venait, se fatiguait et pensait à tant de choses. 4. Le Seigneur montre néanmoins ce qui rendait meilleure la part de Marie. Après avoir dit: «Marie a choisi la meilleure part», il ajoute aussitôt et comme pour répondre à notre désir d'en savoir la raison: «Laquelle ne lui sera point ôtée». Que voir là, mes frères? Si la raison pour laquelle la part de Marie est préférable, est que cette part ne lui sera point ôtée, il s'ensuit sûrement que l'autre (129) part choisie par Marthe ne lui sera pas conservée toujours. Oui, quiconque fournit aux saints ce qui est nécessaire à la vie corporelle, ne le fera pas toujours; il n'aura pas toujours à leur rendre ces services. Pourquoi les leur rend-on en effet, sinon parce qu'ils sont faibles? Pourquoi encore, sinon parce qu'ils sont mortels? Pourquoi, sinon parce qu'ils ont faim et soif? Mais qu'éprouveront-ils de tout cela, lorsque ce corps corruptible sera revêtu d'incorruptibilité, et que ce corps mortel sera devenu immortel? Quel service à rendre au besoin, lorsqu'il n'y aura plus de besoin? Alors donc il n'y aura plus de travail, mais on en aura la récompense. Comment donner à manger, quand nul n'aura faim? à boire, quand personne n'aura soif? A qui offrir l'hospitalité, quand il n'y aura point d'étranger? C'était afin de pouvoir récompenser de la pratique de la charité, que le Seigneur daignait se laisser dans le besoin avec ses apôtres. S'il avait faim et soif, ce n'était point par nécessité, c'était par bonté. Il était bon que le Créateur de toutes choses fût dans le besoin; car c'était un moyen de rendre heureux qui l'assisterait. De plus, quand on assistait ainsi le Sauveur, que lui donnait-on? qui lui donnait? où prenait-on pour lui donner? et à qui donnait-on? Que donnait-on? A manger au pain même. Qui lui donnait? Celui qui voulait recevoir de lui bien davantage. Où prenait-on? Chacun donnait-il de ce qui lui appartenait? Mais que possédait-on qu'on ne l'eût reçu? A qui enfin donnait-on? N'est-ce pas à Celui qui avait créé tout à la fois, et ce qu'on lui donnait, et celui qui lui donnait? Quel noble service! quel emploi magnifique! quelle immense faveur! Et pourtant «Marie a choisi la meilleure part, laquelle ne lui sera point ôtée». Ainsi donc la part de Marthe passe; mais, je le répète, sa récompense ne passe point.
5. La part même de Marie ne passe point. Voici comment. D'où venait, dites-moi, la joie de Marie en écoutant? Que mangeait-elle? Que buvait-elle? Savez-vous ce qu'elle mangeait, ce qu'elle buvait? Demandons-le au Seigneur même; demandons-lui quel banquet il prépare à ses amis. «Heureux, dit-il, ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés (Mt 5,6)». - C'est à cette fontaine, c'est dans ce grenier que puisait Marie les quelques miettes qu'elle mangeait avec avidité aux pieds du Seigneur. Le Seigneur lui donnait bien alors autant qu'elle pouvait prendre; mais ni ses disciples, ni ses apôtres mêmes n'étaient alors capables de recevoir autant qu'il donnera un jour au céleste festin. Aussi leur disait-il: «J'ai encore beaucoup de choses à vous enseigner; mais vous ne sauriez les entendre encore (Jn 16,12)». Je demandais donc d'où venait le bonheur de Marie; ce qu'elle mangeait, ce qu'elle buvait dans son coeur avec une avidité si soutenue. C'était la justice, la vérité. La vérité faisait ses délices, elle écoutait la vérité; elle aspirait à la vérité, soupirait après elle; elle en avait faim et elle la mangeait; soif et elle la buvait; elle se rassasiait ainsi sans rien retrancher à ce qui lui servait de nourriture. Quelles étaient les délices de Marie? Que mangeait-elle? Je m'arrête à cette idée, parce qu'elle fait mes délices à moi-même. Je l'ose donc déclarer, elle mangeait Celui qu'elle entendait. Elle mangeait la vérité; mais n'a-t-il pas dit: «Je suis la Vérité (Jn 95,16)?» Que dire encore? Lui se laissait manger, comme étant un pain, car il a dit aussi: «Je suis le pain descendu du ciel (Jn 6,14)». Voilà, voilà le pain qui nourrit sans s'épuiser. 6. Je prie votre charité de se rendre ici fort attentive. Servir les saints, leur préparer à manger, leur offrir à boire, pour eux dresser la table, préparer un lit, leur laver les pieds et les recevoir dans sa demeure, tout cela, disons-nous, doit passer. Mais qui oserait avancer que si maintenant nous vivons de la vérité, nous n'en vivrons plus, une fois parvenus à l'immortalité? N'est-il pas vrai que nous ne pouvons aujourd'hui recueillir que des miettes et qu'alors nous serons assis à la table de Dieu même? C'est de ces aliments spirituels que parlait le Sauveur, lorsque faisant l'éloge de la foi du centurion, il disait: «En «vérité je vous le déclare, je n'ai pas trouvé dans Israël une foi aussi grande. Aussi, je vous l'annonce, beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident et prendront place, avec Abraham, Isaac et Jacob, au festin du royaume des cieux (Mt 8,10-11)». Loin de nous la pensée de comparer ces aliments célestes à ceux dont il est question dans ce passage de l'Apôtre: «La nourriture est pour l'estomac, et (130) l'estomac pour la nourriture; mais Dieu détruira l'un et l'autre (1Co 6,13)». Il détruira? C'est qu'on ne ressentira plus la faim. Mais la nourriture qu'on prendra alors durera toujours. C'est la récompense qu'il promet de donner à ses saints dans son royaume: «En vérité je vous le déclare, dit-il, il les fera mettre à table; lui-même passera et les servira (Lc 12,37)». Que signifie: «Il les fera mettre à table», sinon: Il les fera reposer, reposer complètement? Et: «Il passera lui-même et les servira?» Qu'il les servira après avoir passé ici, car le Christ a passé ici, et il nous faudra le rejoindre dans ce séjour où il ne passe plus. Le mot Pâque en hébreu signifie passage; à quoi fait allusion le Sauveur, ou plutôt son Evangéliste, lorsqu'il dit: «L'heure étant venue pour lui de passer de ce monde à son Père (Jn 13,1)». Or, si dès maintenant il nous sert, et quelle nourriture! à quoi ne devons-nous pas nous attendre alors? La part choisie par Marie devait donc croître plutôt que de passer. Eh! quand le coeur humain jouit de la lumière de la vérité, de l'abondance de la sagesse; quand surtout ce coeur humain est un coeur fidèle et saint, à quelles délices comparer ce qu'il ressent? D'aucune autre satisfaction on ne saurait même dire qu'elle est moindre; ce serait comme laisser croire qu'en augmentant elle pourra égaler ces divines délices. Ici donc point de degré moindre, point de comparaison à établir les joies sont de nature trop différente. Pourquoi en ce moment êtes-vous tous si attentifs, si appliqués? Pourquoi cette émotion et ce plaisir quand vous voyez la vérité? Que voyez-vous alors? Que saisissez-vous? Quelle couleur brillante a frappé vos regards? Quelle forme, quelle figure a passé devant vous? Quelle en était la grandeur, quels en étaient les membres, quelle en était la beauté corporelle? Rien de tout cela; et pourtant vous aimez; applaudiriez-vous ainsi, si vous n'aimiez pas? Or, aimeriez-vous, si vous ne voyiez rien? Oui, sans que je vous montre ni formes corporelles, ni couleurs, ni contours, ni mouvements cadencés, sans que je vous montre rien de tout cela, vous voyez, vous aimez, vous applaudissez. Ah! si maintenant la vérité a tant de charmes, que n'aura-t-elle point alors? «Marie a choisi la meilleure part, laquelle ne lui sera point ôtée» 7. Autant que je l'ai pu et que le Seigneur a daigné m'en faire la grâce, j'ai montré à votre douce, charité combien vous êtes plus en sûreté en restant debout pour écouter, que nous en prêchant. Ne faites-vous pas aujourd'hui ce que tous nous ferons plus tard? Dans la patrie en effet il n'y aura plus personne pour porter la parole; le Verbe se portera lui-même. Mais aujourd'hui votre devoir est de pratiquer et le nôtre de vous y exciter, puisque vous êtes auditeurs, et nous prédicateurs. Tous néanmoins nous sommes auditeurs, auditeurs dans cette partie secrète de nous-mêmes où ne pénètre aucun regard humain, auditeurs dans le coeur, dans l'intelligence où vous parle Celui qui vous porte à applaudir; car je ne fais, moi, qu'un bruit extérieur de paroles; c'est Dieu qui émeut votre âme, et c'est là que nous devons tous écouter. Mais tous aussi nous devons pratiquer et extérieurement et intérieurement en présence de Dieu. Comment pratiquer intérieurement? «Parce que quiconque voit une femme pour la convoiter a déjà commis avec elle l'adultère dans son coeur (Mt 5,28)». On peut donc être coupable de ce crime sans qu'aucun homme s'en aperçoive, mais non sans que Dieu châtie. Quel est alors celui qui pratique intérieurement? Celui qui ne voit pas pour convoiter. Et celui qui pratique extérieurement? «Romps ton pain pour celui qui a faim (Is 58,7)». Le prochain te voit alors: Dieu seul distingue cependant quelle est l'intention qui t'anime. «Observez» donc «la parole», mes frères, «sans vous contenter de l'entendre, ce qui serait vous séduire vous-mêmes»; vous-mêmes et non pas Dieu ni celui qui prêche. Ni aucun prédicateur ni moi ne lisons dans votre coeur; nous ne pouvons juger ce que vous faites par le travail intérieur de vos pensées. Mais si l'homme ne peut voir cela, Dieu le distingue, le coeur humain ne peut avoir pour lui de replis cachés. Il voit avec quelle intention tu écoutes, ce que tu penses, ce que tu retiens, combien tu profites de ses grâces, avec quelle insistance tu le pries, comment tu lui demandes ce que tu n'as pas et comment tu lui rends grâce de ce que tu possèdes: Lui qui doit te demander compte de tout, connaît tout cela. Nous pouvons bien, nous, distribuer les richesses dû Seigneur; lui-même viendra les réclamer, car il a dit: «Mauvais serviteur, tu devais mettre mon argent à la banque, et je l'aurais en venant réclamé avec les intérêts (1)». 8. Prenez donc garde, mes frères, de vous séduire vous-mêmes; car il ne vous suffit pas d'être venus avec empressement entendre la parole de Dieu; il faut, sans vous relâcher, mettre en pratique ce que vous écoutez. S'il est beau d'entendre, n'est-il pas bien plus beau d'accomplir? En n'écoutant pas, en négligeant de le faire, tu ne bâtis rien. Ecouter sans pratiquer, c'est préparer un renversement. Voici la comparaison frappante qu'a faite Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même pour expliquer cette vérité: «Celui, dit-il, qui entend ces paroles que je publie et qui les accomplit, je le comparerai à l'homme sage qui bâtit sa maison sur la pierre. La pluie est descendue, les fleuves sont débordés, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle n'est pas tombée». Pourquoi? «Parce qu'elle était fondée sur la pierre». Ainsi écouter et pratiquer, c'est bâtir sur la pierre, puisqu'écouter c'est bâtir. «Mais, poursuit le Sauveur, celui qui entend ces paroles que je publie et qui ne les accomplit pas, je le comparerai à un insensé qui bâtit». Lui donc aussi bâtit. Que bâtit-il? «Il bâtit sa maison». Mais comme il n'accomplit pas ce qu'il entend, il ne fait en entendant que «bâtir sur le sable». Ainsi donc écouter sans pratiquer, c'est bâtir sur le sable; écouter et pratiquer, c'est construire sur la pierre; mais n'écouter même pas, c'est ne bâtir ni sur la pierre ni sur le sable. Et qu'arrive-t-il? «La pluie est descendue, les fleuves sont débordés, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle s'est écroulée et sa ruine a été grande (2)». Quel triste spectacle! 9. Quelqu'un sans doute me dira: Ai-je besoin d'écouter ce que je ne dois pas accomplir, puisque en écoutant sans pratiquer je ne bâtirai que des ruines. N'est-il pas plus sûr de n'écouter pas? - Le Seigneur n'a point voulu, dans sa comparaison, toucher à ce point de la question; il a pourtant donné la solution à entendre. Dans cette vie, en effet, la pluie, les vents et les fleuves sont toujours en mouvement. Quoi! C'est pour n'être pas renversé
par eux que tu ne bâtis pas sur la pierre? C'est pour qu'ils ne renversent pas ta demeure dans leur course que tu ne bâtis pas même sur le sable? Tu veux donc, en n'écoutant pas, rester sans abri. Voici la pluie, voici les vents; cours-tu moins de dangers, pour être enlevé, dépouillé de tout? Eh! quel sort ne te prépares-tu point? Non, détrompe-toi, tu ne te mets pas en sûreté en n'écoutant pas; sans abri et sans vêtements, tu seras inévitablement abattu, emporté et submergé. Or, si c'est un mal de bâtir sur le sable, un mal encore de ne bâtir pas, c'est qu'on ne fait bien qu'en bâtissant sur la pierre. Oui, c'est mal de n'écouter pas; mal aussi d'écouter sans pratiquer; il n'y a donc qu'à écouter et à pratiquer. «Accomplissez la parole, sans vous contenter de l'entendre; ce qui serait vous tromper vous-mêmes». 10. N'est-il pas à craindre qu'en vous excitant ainsi je ne vous fasse tomber dans le désespoir, au lieu de vous encourager par mes paroles? Peut-être en effet que dans cette assemblée si nombreuse, quelqu'un, deux ou plusieurs se disent: Je voudrais savoir si celui qui nous parle de la sorte fait lui-même ce qu'il entend ou ce qu'il adresse aux autres. Je lui réponds: «Peu m'importe d'être jugé par vous ou par un tribunal humain». Sans doute, je puis savoir en partie ce que je suis aujourd'hui; j'ignore ce que je serai demain. Pour toi qui t'inquiètes ainsi de moi, sois tranquille sous ce rapport; Dieu le veut. Si je fais ce que je dis ou ce que j'entends, «soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ (1)». Si au contraire je prêche sans pratiquer, écoute cette recommandation du Sauveur: «Faites ce qu'ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu'ils font». Concluons que si tu me loues pour avoir bonne idée de moi, et que si tu m'accuses pour en penser mal, tu ne te justifies pas. Eh! comment te justifierais-tu en lançant l'accusation contre un prédicateur indigne de la vérité qui t'annonce la parole de Dieu et qui vit mal; puisque ton Seigneur, ton Rédempteur, puisque Celui qui a répandu son sang pour te racheter, pour t'enrôler sous ses drapeaux et de toi, son serviteur, faire son propre frère, te défend de me mépriser et te crie: «Faites ce qu'ils disent, mais gardez-vous de faire ce qu'ils font; car ils disent et ne font pas (1)?» Ils disent bien et font mal; pour toi écoute le bien et te garde de faire mal.Tu objecteras. Comment un homme mauvais peut-il m'enseigner à être bon? «Cueille-t-on des raisins sur des épines (1)? » Cette objection n'est pas résolue ici. Elle l'est précédemment. serm. 46, n. 22 CL, n. 10. | |
|