doucecolombe
Nombre de messages : 25779 Age : 67 Réputation : 13 Date d'inscription : 07/05/2008
| Sujet: ''Il n'y a pas de hasard Ven 23 Mar - 22:25 | |
| ''Il n'y a pas de hasard : tout vient de la divine Providence'' La tempête passait en ouragan dans une étroite vallée d'Amérique. Elle semblait s'acharner surtout sur la vieille église qui se dressait à l'écart, mais l'édifice sacré en avait vu d'autres et résistait fort bien. Le vent ne réussit qu'à faire un trou derrière l'autel en arrachant du mortier encore humide. C'était un grave contretemps, car Noël approchait. Il fallait réparer la brèche, sinon elle attirerait plus les regards de l'assistance que la crèche.
Le curé de la paroisse a l'idée d'aller à une vente aux enchères qui se fait au profit des oeuvres de jeunesse. Le priseur offre une nappe de quatre mètres, ornée de dentelles de Bruxelles, artistiquement faite, de couleur or ivoire. Autrefois cette nappe a dû orner une table seigneuriale, mais ici, dans ce quartier pauvre, qui donc apprécierait ce chef-d'oeuvre fait à la main? Personne ne saurait qu'en faire, même s'il se trouvait une table assez grande. Il n'y eut donc que peu d'enchères sur cette nappe. Une idée traversa l'esprit du prêtre : ce dessus de table ne serait-il pas la tenture rêvée pour boucher le malencontreux trou de l'autel?L'Abbé achète la nappe à un prix très modéré et la met derrière l'autel. Son idée avait été bonne : La tenture donna un bel éclat à l'église.
La veille de Noël le prêtre se rend à l'église dans la matinée. À l'arrêt de l'autobus une femme attend dans le froid. ''Voulez-vous entrer à l'église et vous réchauffer? lui dit l'abbé, l'autobus ne passe que dans trois quarts d'heure.''
Elle entre et s'agenouille, fait sa prière et se précipite soudain vers l'autel où l'abbé arrange les plis de la tenture, et s'écrie : ''C'est ma nappe. Mon mari me l'a fait faire à Bruxelles. Voyez ici notre monogramme.''
Puis elle raconte son drame, semblable à tant d'autres. Elle habitait Vienne avec son époux. Sous la domination des Nazis les deux avaient dû fuir. Ils allèrent vers la Suisse. Elle put franchir la frontière, mais son mari, croit-elle, est mort au camp de concentration.
L'abbé offre de lui rendre la tenture, mais elle refuse. ''Elle est bien mieux ici que dans ma mansarde. Je suis résignée à ne pas sortir de ma misère. Chaque fois que je me propose comme gouvernante, comme je l'ai fait ce matin encore, on me répond que je suis trop vieille. À la messe de minuit les fidèles ont plaisir à voir le choeur bien orné qui attire les regards dès l'entrée. L'éclat des cierges met la tenture en relief.
Après l'office un fidèle attend l'abbé à la sortie. C'est le bijoutier-horloger de la ville. ''C'est étrange, dit-il, Il y a longtemps, ma femme et moi nous possédions la même nappe. Quand nous habitions Vienne, ma femme ne mettait cette nappe que lorsque Monseigneur l'évêque était notre hôte.'' L'abbé raconte au bijoutier ce qui s'est passé le matin et lui parle de la pauvre femme qui vient elle aussi de Vienne et qui a reconnu sa nappe. ''Voulez-vous me la décrire?'' dit le bijoutier tout agité. ''Se pourrait-il que ce soit elle? Serait-elle encore en vie?'' L'abbé et le bijoutier se mettent à la recherche de la pauvre femme. C'est l'épouse du bijoutier. Le soir de Noël les deux époux se retrouvent après de douloureuses années de séparation. L'Enfant-Dieu avait fait un miracle de bonté. Ou n'était-ce qu'un hasard?
''Remarquez combien de hasards ont dû converger dans ce cas. Notre idée est qu'il n'y a pas de hasard : tout vient de la divine Providence.''''Retour/Les 35 blogs de Michel Bernatchez au pseudonyme de Coeurtendre | |
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