doucecolombe
Nombre de messages : 25779 Age : 67 Réputation : 13 Date d'inscription : 07/05/2008
| Sujet: Citation 20/ Encyclique sur la miséricorde/Saint-Jean-Paul1 Sam 7 Nov - 15:46 | |
| La description précise de l'état d’âme de l'enfant prodigue nous permet de comprendre avec exactitude en quoi consiste la miséricorde divine. Il n'y a aucun doute que, dans cette simple mais pénétrante analogie, la figure du père de famille nous révèle Dieu comme Père. Le comportement du père de la parabole, sa manière d'agir, qui manifeste son attitude intérieure, nous permet de retrouver les différents aspects de la vision vétéro-testamentaire de la miséricorde dans une synthèse totalement nouvelle, pleine de simplicité et de profondeur. Le père de l'enfant prodigue est fidèle à sa paternité, fidèle à l'amour dont il comblait son fils depuis toujours. Cette fidélité ne s'exprime pas seulement dans la parabole par la promptitude de l'accueil, lorsque le fils revient à la maison après avoir dilapidé son héritage; elle s'exprime surtout bien davantage par cette joie, par cette fête si généreuse à l'égard du prodigue après son retour qu'elle suscite l'opposition et l'envie du frère aîné qui, lui, ne s'était jamais éloigné de son père et n'avait jamais abandonné la maison. La fidélité à soi-même de la part du père - un aspect déjà connu par le terme vétéro-testamentaire «hesed» - est en même temps exprimée d'une manière particulièrement chargée d'affection. Nous lisons en effet que le père, voyant l'enfant prodigue revenir à la maison, « fut pris de pitié, courut se jeter à son cou et l'embrassa tendrement » . Il agit évidemment poussé par une profonde affection, et cela peut expliquer aussi sa générosité envers son fils, générosité qui indignera tellement le frère aîné. Cependant, les causes de cette émotion doivent être recherchées plus profondément: le père est conscient qu'un bien fondamental a été sauvé, l'humanité de son fils. Bien que celui-ci ait dilapidé son héritage, son humanité est cependant sauve. Plus encore, elle a été comme retrouvée. Les paroles que le père adresse au fils aîné nous le disent: « Il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé! ». Dans le même chapitre XV de l'Evangile selon saint Luc, nous lisons la parabole de la brebis perdue, puis celle de la drachme retrouvée. Chaque fois y est mise en relief la même joie que dans le cas de l'enfant prodigue. La fidélité du père à soi-même est totalement centrée sur l'humanité du fils perdu, sur sa dignité. Ainsi s'explique surtout sa joyeuse émotion au moment du retour à la maison. Allant plus loin, on peut donc dire que l'amour envers le fils, cet amour qui jaillit de l'essence même de la paternité, contraint pour ainsi dire le père à avoir souci de la dignité de son fils. Cette sollicitude constitue la mesure de son amour, cet amour dont saint Paul écrira plus tard: « La charité est longanime, la charité est serviable.... elle ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal..., elle met sa joie dans la vérité..., elle espère tout, supporte tout » et «ne passera jamais ». La miséricorde - telle que le Christ l'a présentée dans la parabole de l'enfant prodigue - a la forme intérieure de l'amour qui, dans le Nouveau Testament, est appelé agapè. Cet amour est capable de se pencher sur chaque enfant prodigue, sur chaque misère humaine, et surtout sur chaque misère morale, sur le péché. Lorsqu'il en est ainsi, celui qui est objet de la miséricorde ne se sent pas humilié, mais comme retrouvé et «revalorisé». Le père lui manifeste avant tout sa joie de ce qu'il ait été «retrouvé» et soit «revenu à la vie». Cette joie manifeste qu'un bien était demeuré intact: un fils, même prodigue, ne cesse pas d'être réellement fils de son père; elle est en outre la marque d'un bien retrouvé, qui dans le cas de l'enfant prodigue a été le retour à la vérité sur lui-même. Ce qui s'est passé, dans la parabole du Christ, entre le père et le fils, ne peut être saisi «de l'extérieur». Nos préjugés au sujet de la miséricorde sont le plus souvent le résultat d'une évaluation purement extérieure. Il nous arrive parfois, en considérant les choses ainsi, de percevoir surtout dans la miséricorde un rapport d'inégalité entre celui qui l'offre et celui qui la reçoit. Et par conséquent, nous sommes prêts à en déduire que la miséricorde offense celui qui en est l'objet, qu'elle offense la dignité de l'homme. La parabole de l'enfant prodigue montre que la réalité est tout autre: la relation de miséricorde se fonde sur l'expérience commune de ce bien qu'est l'homme, sur l'expérience commune de la dignité qui lui est propre. Cette expérience commune fait que l'enfant prodigue commence à se voir lui-même et à voir ses actions en toute vérité (une telle vision dans la vérité est une authentique humilité); et précisément à cause de cela, il devient au contraire pour son père un bien nouveau: le père voit avec tant de clarté le bien qui s'est accompli grâce au rayonnement mystérieux de la vérité et de l'amour, qu'il semble oublier tout le mal que son fils avait commis. | |
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