De nombreux facteurs semblent favoriser chez l'homme d'aujourd'hui une conscience plus aiguë de la dignité de la personne et une nouvelle ouverture aux valeurs religieuses, à l'Évangile et au ministère sacerdotal. Malgré de nombreuses contradictions, nous trouvons dans la société une soif de justice et de paix plus répandue et plus forte, un sens plus aigu d'une saine gérance de la création et du respect de la nature, une recherche plus ouverte de la vérité et de la protection de la dignité humaine ; en bien des groupes de la population mondiale, on note un engagement croissant pour une solidarité internationale plus concrète et pour un nouvel ordre planétaire dans le respect de la liberté et de la justice.Alors que se développe le potentiel d'énergie offert par les sciences et les techniques et que se propagent l'information et la culture, on voit aussi grandir une nouvelle demande éthique, c'est-à-dire la quête de sens et donc d'une échelle objective de valeurs qui permette de réguler les possibilités et les limites du progrès.
Dans le domaine plus proprement religieux et chrétien, des préjugés idéologiques et des refus violents face à la proposition des valeurs spirituelles et religieuses tombent, et des possibilités nouvelles et inespérées d'évangélisation et de reprise de la vie ecclésiale apparaissent en plusieurs régions du monde. On note une diffusion croissante de la connaissance des Saintes Écritures, une vitalité et une force d'expansion de nombreuses Églises jeunes avec un engagement de plus en plus important dans la défense et la promotion des valeurs de la personne et de la vie humaine ; on relève encore un magnifique témoignage du martyre de la part des Églises du Centre et de l'Est de l'Europe ainsi que celui de la fidélité et du courage d'autres Églises encore soumises à des persécutions et à des tribulations au nom de la foi . Le désir de Dieu et d'une relation vivante et significative avec lui est si manifeste aujourd'hui qu'il favorise, là où manque l'annonce authentique et intégrale de l'Évangile de Jésus, la diffusion de formes de religiosité sans Dieu et de multiples sectes. Leur propagation, même dans certains milieux traditionnellement chrétiens, est, pour tous les fils de l'Église, particulièrement pour les prêtres, un motif constant d'examen de conscience sur la crédibilité de leur témoignage évangélique ; mais cette propagation est aussi un signe de ce que la recherche de Dieu demeure profonde et largement répandue. Plusieurs autres éléments problématiques ou négatifs se trouvent mêlés à ces facteurs et à d'autres facteurs positifs.
Le rationalisme qui, au nom d'une conception réductrice de la « science », ferme la raison humaine à la rencontre de la Révélation et de la transcendance divine, est encore très répandu.On enregistre aussi une défense exaspérée du subjectivisme de la personne qui tend à la refermer dans l'individualisme, incapable de véritables relations humaines. Ainsi, beaucoup, surtout les adolescents et les jeunes, cherchent à compenser cette solitude par des succédanés de nature variée, avec des formes plus ou moins fortes d'hédonisme et de fuite des responsabilités; prisonniers de l'éphémère, ils cherchent à vivre les expériences personnelles les plus fortes et les plus gratifiantes possibles au niveau des émotions et des sensations immédiates, se trouvant ainsi inévitablement indifférents et comme paralysés face à l'appel d'un projet de vie qui inclut une dimension spirituelle et religieuse ou un engagement de solidarité.
En outre, partout dans le monde, même après la chute des idéologies qui avaient fait du matérialisme un dogme et du rejet de la religion un programme, se diffuse une sorte d'athéisme pratique et existentiel qui coïncide avec une vision sécularisée de la vie et du destin de l'homme. Cet homme « tout préoccupé de lui-même, cet homme qui se fait non seulement centre de tous les intérêts, mais ose se dire le principe et la raison de toute réalité » , se trouve toujours plus dépourvu du « supplément d'âme » qui lui est d'autant plus nécessaire qu'une plus grande disponibilité de biens matériels et de ressources lui donne l'illusion de l'autosuffisance. On n'a plus besoin de combattre Dieu, on se passe tout simplement de lui. En ce contexte, on doit noter, en particulier, la désagrégation de la réalité familiale et l'obscurcissement ou la déformation du vrai sens de la sexualité humaine : phénomènes qui ont une incidence très fortement négative sur l'éducation des jeunes et sur leur ouverture à toute vocation religieuse. On note encore l'aggravation des injustices sociales et la concentration des richesses entre les mains d'un petit nombre de personnes, comme fruit d'un capitalisme déshumanisé qui élargit toujours davantage le fossé entre peuples riches et peuples pauvres: ainsi surviennent dans la société humaine des tensions et des inquiétudes qui troublent profondément la vie des personnes et des communautés.
Dans le milieu ecclésial, on enregistre aussi des phénomènes inquiétants et négatifs qui ont une incidence sur la vie et le ministère des prêtres : par exemple l'ignorance religieuse qui persiste chez de nombreux croyants ; la faible influence de la catéchèse, étouffée par les messages plus répandus et plus forts des moyens de communication sociale ; le pluralisme théologique, culturel et pastoral mal compris qui, tout en partant parfois de bonnes intentions, finit par rendre difficile le dialogue œcuménique et par mettre en danger la nécessaire unité de la foi ; la persistance d'une méfiance et d'une quasi-intolérance envers le Magistère hiérarchique ; les poussées unilatérales et réductrices de la richesse du message évangélique qui transforment l'annonce et le témoignage de la foi en un simple facteur de libération humaine et sociale ou bien en un refuge aliénant dans la superstition et dans la religiosité sans Dieu . La présence sur un même territoire de groupes consistants de personnes de races et de religions différentes est un phénomène très important, même s'il est relativement récent en plusieurs pays d'ancienne tradition chrétienne. Ainsi se développe toujours davantage une société multiraciale et plurireligieuse. Si ce phénomène peut être l'occasion, d'une part, d'un exercice plus fréquent et plus fructueux de dialogue, d'une ouverture des esprits et d'expériences d'accueil et de juste tolérance, il peut, d'autre part, être source de confusion et de relativisme, surtout chez des personnes et des groupes à la foi peu assurée.
À ces facteurs, et en lien étroit avec la montée de l'individualisme, on peut ajouter le phénomène du subjectivisme de la foi. On remarque chez un nombre croissant de chrétiens moins d'attachement à l'ensemble du contenu objectif de la doctrine de la foi : on adhère de façon subjective à ce qui plaît, à ce qui correspond à sa propre expérience, à ce qui ne dérange pas ses habitudes personnelles. Enfin, l'appel à l'inviolabilité de la conscience individuelle, légitime en soi, ne manque pas de revêtir, en pareil contexte, des caractéristiques dangereuses et ambiguës.De là découle le fait que l'appartenance à l'Église est de plus en plus partielle et conditionnelle, ce qui exerce une influence négative sur l'éclosion de nouvelles vocations au sacerdoce, sur la conscience que le prêtre a de son identité et sur son ministère dans la communauté. Enfin, aujourd'hui encore, l'Église en plusieurs régions connaît des problèmes graves à cause de la présence insuffisante des forces sacerdotales, qui sont donc moins disponibles. Les fidèles sont souvent abandonnés durant de longues périodes, sans le soutien pastoral adéquat. La croissance de leur vie chrétienne dans son ensemble en souffre et, plus encore, leur capacité de devenir eux-mêmes les promoteurs de l'évangélisation s'en trouve amoindrie.