Au jour où le Seigneur Jésus fit à l'Église le don de l'Eucharistie et où, avec elle, il institua notre sacerdoce, je ne saurais manquer de vous adresser — comme c'est désormais la tradition — quelques mots, qui se veulent des mots d'amitié et, je dirais, d'intimité, désirant ainsi partager avec vous l'action de grâce et la louange.
Oui, vraiment, il est grand, le mystère dont nous avons été faits les ministres. Mystère d'un amour sans limites, car « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout » (Jn 13, 1); mystère d'unité qui, venant des sources de la vie trinitaire, rejaillit sur nous pour nous faire « un » par le don de l'Esprit (Jn 17); mystère de la divine diakonia qui conduit le Verbe fait chair à laver les pieds de sa créature, montrant que le service est la voie principale de toute relation authentique entre les hommes: « Comme je l'ai fait, faites-le vous aussi... » Jn 13, 15).De ce grand mystère, nous avons été faits, à un titre spécial, les témoins et les ministres.
Ce Jeudi saint est le premier après le grand Jubilé. L'expérience que nous avons faite avec nos communautés, en célébrant spécialement la miséricorde, deux mille ans après la naissance de Jésus, devient maintenant un stimulant pour la poursuite de notre marche. Duc in altum! Le Seigneur nous invite à repartir au large en nous fiant à sa parole. Mettons à profit l'expérience jubilaire et poursuivons notre engagement de témoins de l'Évangile avec l'enthousiasme que suscite en nous la contemplation du visage du Christ!
En effet, comme je l'ai souligné dans la lettre apostolique Novo millennio ineunte, il faut repartir de lui pour nous ouvrir en lui, avec les cris « inexprimables » de l'Esprit (Rm 8, 26), à l'étreinte du Père: « Abba, Père » (Ga 4, 6). Il faut repartir de lui pour redécouvrir la source et la logique profonde de notre fraternité: « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34).
Je désire aujourd'hui exprimer à chacun d'entre vous mes remerciements pour ce que vous avez fait durant l'Année jubilaire afin que le peuple qui vous est confié ressente plus intensément la présence salvatrice du Seigneur ressuscité. Je pense aussi en cet instant au travail que vous accomplissez chaque jour, travail souvent caché qui, sans accéder aux feux de la rampe, fait avancer le Règne de Dieu dans les consciences. Je vous dis mon admiration pour ce ministère discret, tenace, créatif, bien qu'il soit parfois traversé par les larmes de l'âme que Dieu seul voit et qu'il « recueille en ses outres » (Ps 55, 9). Ministère d'autant plus digne d'estime qu'il est davantage éprouvé par les résistances d'un monde largement sécularisé, qui expose l'action du prêtre aux embûches de l'épuisement et du découragement. Vous le savez bien: cet engagement quotidien est précieux aux yeux de Dieu.
En même temps, je désire me faire l'écho du Christ, qui nous appelle à développer toujours davantage nos rapports avec lui. « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe » (Ap 3, 20). Annonciateurs du Christ, nous sommes avant tout invités à vivre en intimité avec lui: il n'est pas possible de donner aux autres ce que nous n'avons pas nous-mêmes! Il y a une soif du Christ qui, malgré tant d'apparences contraires, émerge dans la société contemporaine, se manifeste au milieu des incohérences de nouvelles formes de spiritualité, se dessine même lorsque, sur les grands problèmes éthiques, le témoignage de l'Église devient un signe de contradiction. Cette soif du Christ — consciente ou non — ne peut être apaisée par des paroles vides. Seuls des témoins authentiques peuvent répandre de manière crédible la parole qui sauve.