Méditation de Carême du cardinal Cantalamessa: fixer le regard sur Jésus-Christ...
Le cardinal Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale, a tenu ce vendredi matin sa deuxième méditation du Carême 2021, tenue devant les responsables de la Curie romaine restés à Rome durant le voyage apostolique du Pape en Irak. Il a ouvert un cycle de trois intervention sur «Jésus-Christ, homme nouveau».
«La pensée moderne des Lumières est née à l’enseigne de la maxime de vivre « etsi Deus non daretur » – comme si Dieu n’existait pas», a d’emblée rappelé le cardinal capucin, en remarquant qu’au XXe siècle, «le pasteur Dietrich Bonhoeffer a repris cette maxime et a essayé de lui donner un contenu chrétien positif. Dans ses intentions, elle n’était pas une concession à l’athéisme, mais un programme de vie spirituelle: faire son devoir même lorsque Dieu semble absent; en d’autres termes, ne pas en faire un Dieu-bouche-trou, toujours prêt à intervenir là où l’homme a échoué», a-t-il expliqué, en mettant en relief les nuances de la pensée de ce héros de la résistance spirituelle au nazisme.
Néanmoins, «même présentée ainsi, cette maxime est discutable et a été – à juste titre – contestée. Mais elle nous intéresse ici aujourd’hui pour une toute autre raison. L’Église court un danger mortel, qui est celui de vivre « etsi Christus non daretur », comme si le Christ n’existait pas.» C’est le piège dans lequel tombent de nombreux organes de communication, qui analysent l’Église selon des critères historiques et sociologiques qui peuvent avoir une part de légitimité, mais qui, en oubliant ou en négligeant Jésus, passent à côté de l’essentiel.
Pourtant, les quatre caractéristiques essentielles de la vie ecclésiale, comme le Pape François l’avait rappelé lors d’une récente audience générale, sont intimement liées à la personne du Christ: l’écoute de l’enseignement des apôtres, la préservation de la communion réciproque, la fraction du pain, et la prière. Le cardinal Cantalamessa a donc décidé de faire, pour ce nouveau cycle de méditations du Carême 2021, des «gros plans» sur Jésus, en se concentrant bien sur le «Christ des Évangiles et de l’Église» et non pas sur «le Christ des historiens, celui des théologiens, des poètes» ou même «le Christ des athées».
Le cardinal Cantalamessa s’est donc attaché à demeurer dans le cadre du «triangle dogmatique sur le Christ, les deux côtés étant l’humanité et la divinité du Christ, et le sommet l’unité de sa personne». «Tout ce qui est dit sur le Christ doit désormais respecter ce fait certain et incontestable, à savoir qu’il est Dieu et homme en même temps – mieux encore, dans la même personne», en soulignant que ce dogme est la «loi fondamentale» de la foi chrétienne.
Le Christ, homme parfait
«Jésus n’est pas tant l’homme qui ressemble à tous les autres hommes, que l’homme auquel tous les autres hommes doivent ressembler», a souligné le prédicateur capucin. «Personne ne nie aujourd’hui que Jésus était un homme, comme le faisaient les docteurs et autres négateurs de la pleine humanité du Christ», a remarqué le cardinal, tout en soulignant un piège de la culture contemporaine: «on assiste à un phénomène étrange et inquiétant: d’aucuns affirment la « vraie » humanité du Christ comme une alternative tacite à sa divinité, comme une sorte de contrepoids», a-t-il regretté, en faisant certainement allusion à des œuvres littéraires et cinématographiques, sans les nommer explicitement.
«C’est une sorte de course générale à qui ira le plus loin dans l’affirmation de la « pleine » humanité de Jésus de Nazareth, jusqu’à lui attribuer non seulement la souffrance, l’angoisse, la tentation, mais aussi le doute et même la possibilité de commettre des erreurs. Ainsi, le dogme de Jésus « vrai homme » est devenu, soit une vérité acquise qui ne dérange et n’inquiète personne, soit, pire encore, une vérité dangereuse qui sert à légitimer, plutôt qu’à remettre en cause, la pensée séculaire. Affirmer la pleine humanité du Christ aujourd’hui, c’est comme enfoncer une porte ouverte», a averti le prédicateur avec fermeté.
La sainteté du Christ
Le cardinal Cantalamessa a souligné que «l’observation des Évangiles nous fait voir que la sainteté de Jésus n’est pas qu’un principe abstrait, ou une déduction métaphysique, mais qu’il s’agit d’une véritable sainteté, vécue à chaque instant et dans les situations les plus concrètes de la vie. Pour prendre un exemple, les Béatitudes ne sont pas seulement un beau programme de vie que Jésus trace pour les autres; c’est sa vie même et son expérience qu’il révèle aux disciples, les appelant à entrer dans sa propre sphère de sainteté. Les Béatitudes sont l’autoportrait de Jésus.»
Jésus est donc le saint de Dieu, sa Résurrection en est la preuve éclatante. Et «l’heureuse surprise est que Jésus nous communique, nous donne, nous offre sa sainteté. Que sa sainteté est aussi la nôtre. Davantage: qu’il est lui-même notre sainteté.»
«Tout parent humain peut transmettre à ses enfants ce qu’il a, pas ce qu’il est. Ce n’est pas parce qu’il est artiste, scientifique ou même saint, que ses enfants vont également naître artistes, scientifiques ou saints. Il peut tout au plus les enseigner, leur donner un exemple, mais pas transmettre ce qu’il est comme par héritage. Jésus, à l’inverse, par le baptême, nous transmet non seulement ce qu’il a, mais aussi ce qu’il est. Il est saint et fait de nous des saints; il est le Fils de Dieu et fait de nous des enfants de Dieu.»
Et ainsi, «la sainteté chrétienne, avant d’être un devoir, est un don», comme l’a rappelé la Constitution conciliaire Lumen Gentium. Mais à partir de ce don, il faut oser passer à l’imitation concrète du Christ, en ayant des attitudes et des actions en cohérence avec les siennes. «On n’arrive pas des vertus à la foi, mais de la foi aux vertus», a expliqué le prédicateur franciscain en citant saint Grégoire Le Grand.
«Essayons de nous demander le plus souvent possible, face à chaque décision à prendre et à chaque réponse à donner: «Dans le cas présent, qu’est-ce que Jésus aimerait que je fasse ?», et faisons-le sans tarder. Savoir ce qu’est la volonté de Jésus est plus facile que de savoir dans l’abstrait ce qu’est «la volonté de Dieu» (même si les deux choses coïncident réellement). Pour connaître la volonté de Jésus, nous n’avons rien d’autre à faire qu’à nous souvenir de ce qu’il dit dans l’Évangile. Le Saint-Esprit est là, prêt à nous le rappeler», a conclu le cardinal Cantalamessa.