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 Saint-Léon Legrand et la foi en Jésus -Christ Vrai Dieu et Vrai Homme

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coeurtendre
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Saint-Léon Legrand et la foi en Jésus -Christ Vrai Dieu et Vrai Homme Empty
MessageSujet: Saint-Léon Legrand et la foi en Jésus -Christ Vrai Dieu et Vrai Homme   Saint-Léon Legrand et la foi en Jésus -Christ Vrai Dieu et Vrai Homme Icon_minitimeDim 6 Juin - 20:32

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Saint-Léon Legrand et la foi en Jésus -Christ Vrai Dieu et Vrai Homme
1. Orient et occident unanimes sur le Christ

Il existe plusieurs voies, ou méthodes, pour approcher la personne de Jésus. On peut, par exemple, partir directement de la Bible et, dans ce cas-là aussi, il y a plusieurs voies possibles : la voie typologique, suivie dans la catéchèse de l’Eglise la plus ancienne, qui explique Jésus à la lumière des prophéties et des figures de l’Ancien Testament; la voie historique, qui retrace l’évolution de la foi en Jésus-Christ à partir des différentes traditions, auteurs et titres christologiques, ou des divers milieux culturels du Nouveau Testament. On peut, vice-versa, partir des questions et des problèmes de l’homme aujourd’hui, voire même partir de sa propre expérience du Christ, et de tout cela remonter à la Bible. Des voies qui ont été toutes largement explorées.

La Tradition de l’Eglise a élaboré, très vite, sa propre voie d’accès au mystère du Christ, sa manière à elle de rassembler et organiser les données bibliques qui le concernent, et cette voie s’appelle le dogme christologique, la voie du dogme. Par dogme christologique j’entends les vérités fondamentales sur le Christ, définies dans les premiers conciles œcuméniques, surtout celui de Chalcédoine, et qui se réduisent, dans leur substance, aux trois piliers suivants: Jésus-Christ est vrai homme, il est vrai Dieu, il est une seule et même personne.

Saint Léon le Grand est le Père que j’ai choisi pour pénétrer les profondeurs de ce mystère. Pour une raison bien précise. Dans la théologie latine, était prête depuis deux siècles et demi la formule de la foi en Jésus-Christ qui deviendra le dogme de Chalcédoine. Tertullien avait écrit: « Nous voyons deux natures, non mélangées mai unies dans une seule personne, Jésus-Christ Dieu et homme »[1]. Après une longue exploration, les auteurs grecs arrivent, de leur côté, à une formulation dont la teneur est la même; mais il ne s’agissait ni d’un retard ni de temps perdu, car seulement après avoir mis en lumière, entretemps, toutes ses implications et résolu ses difficultés on pouvait donner à cette formule sa vraie signification.

Le pape saint Léon Le Grand est celui qui s’est retrouvé à gérer le moment où les deux courants du fleuve – latin et grec – confluèrent ensemble, et avec son autorité d’évêque de Rome il a favorisé l’accueil universel. Il ne se contente pas de transmettre la formule héritée de Tertullien et reprise entretemps pas Augustin, mais l’adapte aux problèmes apparus depuis lors, surtout entre le concile d’Ephèse (431) et celui de Chalcédoine (451). Voici, dans ses grandes lignes, sa pensée christologique, comme exposée dans le célèbre Tomus ad Flavianum[2].

Premier point: la personne de Dieu-homme est identique à celle du Verbe éternel: « Celui qui a été fait homme en assumant la forme d’esclave est celui-là même qui, sous la forme de Dieu, créa l’homme ». Deuxième point: nature divine et nature humaine coexistent en cette seule personne qui est le Christ sans mélange ni confusion, mais chacune conservant ses propriétés naturelles (salva proprietate utriusque naturae) [3]. Il commence à être ce qu’il n’était pas, sans cesser d’être ce qu’il était. L’œuvre de rédemption exigeait que « Jésus-Christ fait homme, unique médiateur entre Dieu et les hommes, a pu mourir dans sa nature humaine, tout en restant immortel dans sa nature divine ». Troisième point: L’unité de la personne justifie l’usage de la communication des idiomes, ou échange des titres, qui nous permettent d’affirmer que le Fils de Dieu fut crucifié et enterré, mais aussi que le Fils de l’homme est venu du ciel.

C’était une tentative, en grande partie réussie, de trouver finalement un accord entre les deux grandes « écoles » de la théologie grecque, celles d’Alexandrie et d’Antioche, en évitant leurs erreurs respectives que sont le monophysisme et le nestorianisme. Les Antiochiens y trouvaient la reconnaissance, pour eux vitale, des deux natures du Christ et donc de la pleine humanité de Jésus; les Alexandrins, malgré certaines réserves et résistances, pouvaient trouver dans la formule de Léon la reconnaissance de l’identité de la personne du Verbe incarné et celle du Verbe éternel, qui leur tenait, plus que tout, à cœur.

Il suffit de rappeler la partie centrale de la définition de Chalcédoine pour se rendre compte à quel point celle-ci reflète la pensée du pape Léon :

« Nous enseignons tous à l’unanimité un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, complet quant à sa divinité, complet aussi quant à son humanité, vrai Dieu et en même temps vrai homme […], consubstantiel au Père par sa Divinité, consubstantiel à nous par son humanité, né pour nous dans les derniers temps de Marie, la Vierge Mère de Dieu ; nous confessons un seul et même Jésus-Christ, Fils unique, que nous reconnaissons être en deux natures, sans qu’il y ait ni confusion, ni transformation, ni division, ni séparation entre elles, car la différence des deux natures n’est nullement supprimée par leur union, tout au contraire, les attributs de chaque nature sont sauvegardés et subsistent en une seule personne »[4].

Cette formule pourrait sembler techniquement parfaite mais aride et abstraite, or c’est sur elle que se fonde toute la doctrine chrétienne du salut. Seulement si le Christ est un homme comme nous, ce qu’il fait nous représente et nous appartient, et seulement s’il est Dieu aussi, ce qu’il fait a une valeur infinie et universelle, au point que, comme on le chante dans Adoro te devote, « une seule goutte de son sang aurait suffi à sauver le monde entier de son péché » (« Cuius una stilla salvum facere totum mundum quit ab obni scelere »).

Sur ce point, l’Orient et l’Occident sont unanimes. Telle était la situation de l’humanité avant le Christ, écrivent-ils, avec très peu de différences entre eux, saint Anselme pour les Latins et N. Cabasilas pour les Orthodoxes. D’un côté il y avait l’homme qui avait contracté la dette en péchant et devait lutter contre Satan pour se libérer, mais ne pouvait le faire, s’agissant d’une dette infinie et lui-même étant esclave de celui qu’il aurait dû vaincre ; de l’autre il y avait Dieu qui pouvait expier le péché et vaincre le démon, mais ne devait pas le faire, n’étant pas lui le débiteur. Il fallait que celui qui devait lutter et celui qui pouvait gagner forment une seule et même personne, et c’est ce qui s’est passé en Jésus, « à la fois vrai Dieu et vrai homme » [5]

2. Le Jésus de l’histoire et le Christ du dogme à nouveau unis

Au cours des derniers siècles, ces certitudes sur le Christ se sont heurtées à un cyclone critique tendant à leur faire perdre toute consistance et à les qualifier de pures inventions des théologiens. A partir de David Strauss, le programme des experts du Nouveau Testament était de : libérer l’image du Christ des ceps du dogme, pour retrouver le Jésus historique, le seul Jésus réel. « L’illusion que Jésus ait pu être un homme au sens plein mais toutefois, à lui seul, un individu supérieur à l’humanité toute entière, est la chaîne qui ferme encore le port de la théologie chrétienne à la haute mer de la science rationnelle »[6]. Et le chercheur arrive à cette conclusion: « L’idée du Christ du dogme d’une part et le Jésus de Nazareth de l’histoire, de l’autre, sont radicalement séparés ».

Le présupposé rationaliste de cette thèse est proclamé sans réticences ; le Christ du dogme ne satisfait pas les exigences de la science rationnelle. L’attaque a continué, alternant solution après solution, jusqu’à nos jours, ou presque. Jusqu’à devenir elle-même un dogme à sa façon: pour connaître le vrai Jésus de l’histoire, il faut faire abstraction de la foi en lui postérieure à la pâque. Dans ce climat, les reconstructions imaginaires de la figure de Jésus se sont multipliées, au bénéfice du spectacle, certaines avec des prétentions d’historicité, mais en réalité basées sur des hypothèses d’hypothèses, toutes répondant à des goûts ou à des revendications du moment.

Mais maintenant, je crois que nous sommes arrivés à la fin de la parabole. Le moment est venu de prendre acte du changement intervenu dans ce domaine, afin de sortir d’une certaine attitude de défense et d’embarras qui a caractérisé les chercheurs croyants durant cette période ; plus encore pour faire arriver un message à tous ceux qui, en cette période, ont divulgué à pleines mains des images de Jésus dictées par cet anti-dogme. Et ce message c’est que l’on ne peut plus de bonne foi écrire des « enquêtes sur Jésus » qui se prétendent « historiques », alors qu’elles font abstraction, ou mieux excluent dès le départ, la foi en lui.

Celui qui incarne le plus clairement ce changement est un des plus grands experts du Nouveau Testament du moment, l’anglais James D.G. Dunn. Celui-ci a résumé dans un petit volume, intitulé « Nouvelle perspective sur Jésus », les résultats de sa recherche monumentale sur les origines du christianisme[7]. L’auteur a évincé des racines les deux convictions de fond sur lesquelles se basait l’opposition entre le Jésus historique et le Christ de la foi et selon lesquelles: premièrement, pour connaître le Jésus de l’histoire il faut faire abstraction de la foi postpascale; deuxièmement, pour connaître ce qu’a vraiment dit et fait le Jésus historique, il faut libérer la tradition des couches et des ajouts postérieurs et remonter à la première couche originale, ou à la première « rédaction », d’une certaine péricope évangélique.

Contre la première condition, James Dunn montre que la foi a commencé avant Pâques; si certains l’ont suivi et sont devenus ses disciples c’est parce qu’ils avaient cru en lui. Il s’agit d’une foi encore imparfaite, mais bien de foi. Dans cette foi, l’événement pascal marquera certainement un saut de qualité, mais des sauts de qualité, il y en avait déjà eu avant Pâques, moins déterminants, mais il y a en avait eu, comme la transfiguration, certains miracles retentissants, le dialogue de Césarée de Philippe. Pâques ne constitue pas un début absolu.

Contre l’autre condition, James Dunn montre que les chercheurs, tout en admettant que les traditions évangéliques ont circulé pendant un certain temps sous forme orale, appliquaient toujours à cette tradition le modèle littéraire, comme on fait aujourd’hui quand on veut remonter, d’édition en édition, jusqu’au texte original d’une œuvre. Si l’on tient compte des lois qui règlent – encore maintenant, dans certaines cultures -, la transmission orale des traditions d’une communauté, on voit qu’il n’y a pas besoin de décharner un dicton évangélique, à la recherche d’un hypothétique noyau originel, une opération qui a ouvert les portes à toute sorte de manipulation des textes évangéliques, finissant par répéter ce qui arrive quand on effeuille un oignon à la recherche d’un noyau solide qui n’existe pas. Certaines de ces conclusions sont celles que les experts catholiques soutenaient depuis toujours[8], mais James Dunn a le mérite de les avoir défendues avec des arguments difficilement réfutables de l’intérieur même de la recherche historique et critique et avec ses propres armes.

Pour le rabbin américain J. Neusner, avec qui Benoît XVI instaure un dialogue dans son premier volume sur Jésus de Nazareth, ce résultat va de soi. Partant d’un point de vue autonome et pour ainsi dire neutre, celui d’un juif orthodoxe, il montre que séparer le Jésus historique de la foi postpascale est une vaine tentative. Le Jésus historique, celui des évangiles, par exemple celui du discours de la montagne, est déjà un Jésus qui exige que l’on ait foi en sa personne comme en quelqu’un qui peut corriger Moïse, qui est maître du sabbat, pour lequel on peut faire une exception aussi au quatrième commandement ; au fond comme à quelqu’un qui se place au même niveau que Dieu. C’est bien à cause de ça, dit-il, qu’en dépit de l’admiration qu’il a pour la personne de Jésus, il ne pourra jamais devenir un de ses disciples.

L’étude sur le Nouveau Testament s’arrête ici; elle arrive à prouver la continuité entre le Jésus de l’histoire et le Christ du kérygme, ne va pas au-delà. Il reste à prouver la continuité entre le Christ du kérygme et le celui du dogme de l’Eglise. La formule de Léon Le Grand et de Chalcédoine marque-t-elle un développement cohérent de la foi néotestamentaire, ou représente-t-elle plutôt une rupture par rapport à elle ? Cette question était au cœur de mes préoccupations au moment où je m’occupais d’Histoire des origines chrétiennes, et la conclusion à laquelle je suis arrivée ne s’écarte pas de celle du Cardinal Newman dans son fameux essai « Sur le développement de la doctrine chrétienne »[9]. Le passage entre une christologie fonctionnelle (ce que le Christ « fait ») et une christologie ontologique (ce que le Christ « est ») a certainement eu lieu, mais il ne s’agit pas d’une rupture car nous voyons que ce processus est déjà actif à l’intérieur du kérygme, par exemple dans le passage de la Christologie de Paul à celle de Jean, et chez Paul lui-même, dans le passage de ses premières lettres à celles de la captivité, aux Philippiens et aux Colossiens.

3. Au-delà de la formule

Cette fois le sujet lui-même exigeait de s’arrêter un peu plus longtemps sur la partie doctrinale du thème. Dans le christianisme, la personne du Christ est le fondement de tout. « Si la trompette produit des sons confus, qui va se préparer au combat ? », disait saint Paul (1 Co 14,Cool: sans idées claires sur qui est Jésus-Christ, quelle force notre évangélisation aura-t-elle ? Mais il nous reste maintenant à faire une application concrète pour la vie personnelle et la foi actuelle de l’Eglise, qui est le but constant de notre re-visitation des Pères.

Quatre siècle et demi d’un formidable travail théologique ont donné à l’Eglise la formule: « Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme ; Jésus-Christ une seule et même personne ». Plus brièvement encore : il est « une personne en deux natures ». A cette formule s’applique parfaitement la phrase de Kierkegaard: « La terminologie dogmatique de l’Eglise primitive est comme un château enchanté dans lequel se trouvent des princes et les plus gracieuses des princesses plongés dans un sommeil profond. Il suffit tout simplement de les réveiller pour qu’ils se mettent debout et apparaissent dans toute leur gloire »[10]. Notre devoir est donc de réveiller les dogmes et de leur donner toujours une nouvelle vie.

La recherche sur les évangiles – voire aussi celle de James Dunn que l’on vient d’évoquer – nous montre que l’histoire ne peut pas nous conduire au « Jésus en soi », au Christ comme il est dans la réalité. Celui que nous rejoignons dans les évangiles est toujours, à chaque stade, un Jésus « rappelé », par le biais des souvenirs que les disciples ont conservés de lui, même s’il s’agit d’une mémoire croyante. Il arrive comme ce qui arriva à sa résurrection. « Quelques-uns de nos compagnons – disent les deux disciples d’Emmaüs – sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu » (Lc 24, 24). L’histoire peut observer que les choses, concernant Jésus de Nazareth, se passent comme ont dit les disciples dans les évangiles, mais lui ne le voit pas.

C’est ce qu’il se passe aussi avec le dogme. Celui-ci peut nous conduire à un Jésus « défini », « formulé », mais Thomas d’Aquin nous enseigne que « la foi ne va pas aux formules énoncées (enuntiabile), mais à la réalité (res) ». Entre la formule de Chalcédoine et le Jésus réel on trouve la même différence qu’entre la formule chimique H2O et l’eau que nous buvons ou dans laquelle nous nageons. Personne ne peut dire que la formule H2O est inutile ou qu’elle ne décrit pas parfaitement la réalité; c’est qu’elle n’est pas la réalité, tout simplement ! Qui pourra nous conduire au Jésus « réel » qui se trouve au-delà de l’histoire et derrière la définition ?

Et voilà qu’arrive pour nous la bonne nouvelle. Une connaissance « immédiate » du Christ est possible: celle que nous donne l’Esprit Saint qu’il a lui-même envoyé. Il est l’unique « médiation immédiate » entre nous et Jésus, en ce sens qu’il ne nous sert pas de voile, ne constitue pas un diaphragme ou un intermédiaire, étant lui-même l’Esprit de Jésus, son « alter ego », de même nature que lui. Saint Irénée va jusqu’à dire que « l’Esprit saint est notre communion avec le Christ »[11]. La médiation de l’Esprit Saint est donc différente de toute autre médiation entre nous et le Ressuscité, qu’elle soit ecclésiale ou sacramentelle.

Mais c’est l’Ecriture elle-même qui nous parle de ce rôle de l’Esprit Saint qui vise à nous faire connaître le vrai Jésus. La venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte se traduit par une subite illumination de toute l’œuvre et de la personne de Jésus. Pierre conclut son discours par cette espèce de définition « urbi et orbi » de la seigneurie du Christ: « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Actes 2, 36).

Saint Paul affirme que Jésus-Christ a été établi « selon l’Esprit de sainteté, dans sa puissance de Fils de Dieu » (Rm 1, 4), c’est-à-dire par œuvre du Saint Esprit. Personne ne peut dire que Jésus est le Seigneur, sinon grâce à une illumination intérieure de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 12, 3). L’Apôtre attribue à l’Esprit Saint « la compréhension du mystère du Christ » qui lui a été donnée, comme à tous les saints apôtres et prophètes (cf. Ep. 3, 4-5). Seulement s’ils « seront fortifiés par la puissance de son Esprit » les croyants seront capables de « comprendre la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur et de connaître l’amour du Christ qui dépasse toute connaissance” (Ep 3, 16-19).

Dans l’évangile de Jean, Jésus annonce lui-même cette œuvre du Paraclet à son égard. Il prendra de lui et l’annoncera aux disciples; il leur rappellera tout ce qu’il a dit; les conduira à la vérité tout entière sur ses relations avec le Père ; il lui rendra témoignage. Cela deviendra même le critère par excellence pour reconnaître s’il s’agit bien de l’Esprit de Dieu et non d’un autre esprit : s’il pousse à reconnaître Jésus venu dans la chair (cf. 1 Jn 4, 2-3).

4. Jésus de Nazareth, une « personne »

Avec l’aide de l’Esprit Saint, nous faisons donc une petite tentative de « réveiller » le dogme. Du triangle dogmatique de Léon de Grand et de Chalcédoine – « vrai Dieu », « vrai homme », « une personne » – on se limite à ne considérer que le dernier élément : le Christ « une personne ». Les définitions dogmatiques sont des « structures ouvertes », c’est-à-dire capables d’accueillir de nouveaux sens, rendus possibles par le progrès de la pensée humaine. Primitivement, le terme « personne » (issu du latin personare, retentir) désignait le masque de théâtre qui permettait à l’acteur de faire résonner sa voix dans le théâtre ; puis il s’est mis à indiquer le visage, donc l’individu, jusqu’à sa plus haute signification d’« être individuel de nature rationnelle » (Boèce).


Le concept, tel qu’utilisé aujourd’hui, s’est enrichi d’une signification plus subjective et relationnelle, sans doute favorisée par l’utilisation trinitaire du terme personne comme « relation subsistante ». Indiquant donc l’être humain capable de relation, comme un « je » devant un « tu ». En cela, la formule latine « una persona » s’est révélée plus féconde que la formule correspondante en grec « hypostase ». On peut qualifier d’hypostase chaque objet existant, tandis que personne ne se dit que de l’être humain et par analogie, d’être divin. Nous parlons aujourd’hui (et les Grecs aussi) de « dignité de la personne », pas de dignité de l’hypostase.

Appliquons tout cela à notre rapport au Christ. Dire que Jésus est « une personne » c’est aussi dire qu’il est ressuscité, qu’il vit, qu’il est devant moi, que je peux le tutoyer comme lui me tutoie. Il est nécessaire de passer continuellement, dans notre cœur et dans notre esprit, du Jésus personnage au Jésus personne. Le personnage est quelqu’un dont on peut dire et écrire tout ce que l’on veut, mais à qui et avec qui en général on ne peut pas parler. Jésus, malheureusement, pour la majorité des croyants, reste un personnage, quelqu’un dont on discute, sur lequel on écrit à n’en plus finir, une mémoire du passé, un ensemble de doctrines, de dogmes ou d’hérésies. Il est une institution plus qu’un être existant.

Le philosophe Jean-Paul Sartre, dans un célèbre feuillet, a décrit le frisson métaphysique que produit la découverte soudaine de l’existence des choses et en cela au moins nous pouvons être d’accord avec lui :

« J’étais au jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface […] Et puis j’ai eu cette illumination. Ça m’a coupé le souffle. Jamais, avant ces derniers jours, je n’avais pressenti ce que voulait dire ‘exister’ […] A l’ordinaire, l’existence se cache. Elle est là, autour de nous, en nous, elle est nous, on ne peut pas dire deux mots sans parler d’elle et, finalement, on ne la touche pas. Et puis voilà, tout d’un coup, c’était là, c’était clair comme le jour : l’existence s’était soudain dévoilée »[12] .

Pour aller au-delà des idées et des paroles sur Jésus et entrer en contrer avec lui, une personne vivante, il faut passer par ce genre d’expérience. Certains exégètes interprètent le nom divin « Celui qui est » (Ex 3, 14), dans le sens de « celui qui est là », qui est présent, disponible, maintenant, ici[13]. Cette définition s’applique aussi parfaitement au Jésus ressuscité.

Il est possible d’avoir Jésus pour ami car, étant ressuscité, il est vivant, il est près de moi, je peux me rapporter à lui comme un vivant se rapporte à un vivant, un être présent à un autre être présent. Non pas de corps, ni même par notre seule imagination, mais « en Esprit », ce qui est infiniment plus intime et réel que l’un et l’autre. Saint Paul nous garantit qu’il est possible de tout faire « avec Jésus » : manger, boire, ou toute autre action (1 Co 10,31; Col 3,17).

Hélas, on pense rarement à Jésus comme à un ami et à un confident. Notre subconscient est dominé par l’image d’un homme ressuscité, monté au ciel, distant dans sa transcendance divine, qui reviendra un jour, à la fin des temps. On oublie qu’étant, comme dit le dogme, « vrai homme », voire même la perfection humaine, il possède à son plus haut degré le sentiment d’amitié qui est une des qualités les plus nobles de l’être humain. C’est Jésus qui désire cette relation avec nous. Dans son discours d’adieu, il donne libre cours à ses sentiments et il dit: « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15).

J’ai déjà vu ce genre de relation avec Jésus, plus encore que chez les saints, (où prévaut une relation au Maître, au Pasteur, à l’Epoux…), chez ces juifs qui, de manière souvent très proche de Saül, arrivent aujourd’hui à accepter le Messie. Le nom de Jésus tout à coup cesse d’être d’une obscure menace et devient le plus doux et plus aimé des noms. Un ami. C’est comme si l’absence de deux mille ans de discussions jouait en leur faveur. Leur Jésus n’est jamais un Jésus « idéologique », mais une personne de chair et de sang. De leur sang! On est ému par le témoignage de certains d’entre eux. Toutes les contradictions se résolvent en un instant, toutes les obscurités s’illuminent. C’est comme si l’on voyait la lecture spirituelle de l’Ancien Testament se réaliser sous nos yeux globalement et comme en accéléré. Saint Paul le compare au moment où un voile tombe des yeux de la personne (cf. 2 Co 3,16).

Dans sa vie sur terre, bien qu’aimant indistinctement tout le monde, ce n’est qu’avec quelques un seulement – avec Lazare et ses sœurs mais plus encore avec Jean, le « disciple qu’il aimait » – que Jésus entretient de vraies relations d’amitié. Maintenant qu’il est ressuscité et n’est plus sujet aux limites de la chair, il offre à tout homme et toute femme la possibilité de l’avoir pour ami, au sens le plus fort du mot. Que l’Esprit Saint, l’ami de l’Epoux, nous aide à accueillir avec stupeur et joie cette possibilité qui remplit la vie.

Traduction, Isabelle Cousturié

[1] Tertullien, Adversus Praxean, 27, 11 (CC 2, p.1199)
[2] Léon Le Grand, Lettre 28 (PL 54, 755 ss.).
[3] Léon Le Grand, Sermo 27,1 (PL 54, 749).
[4] Denzinger, Enchiridion Symbolorum , nr. 301-302.
[5] N. Cabasilas, Vita in Cristo, I, 5 (PG 150, 313); Cf. Anselme, Cur Deus homo?, II, 18.20; Thomas d’Aquin, Summa theologiae, III, q. 46, art. 1, ad 3.
[6] D.F. Strauss, Der Christus des Glaubens und der Jesus der Geschichte, 1865.

[7] J.D.G. Dunn, A New Perspective on Jesus. What the Quest for the Historical Jesus Missed, Grands Rapids, Michigan 2005.
[8] James Dunn tient beaucoup compte des études de l’exégète catholique allemand H. Schürmann sur l’origine pre-pascale de certaines affirmations de Jésus: op.cit. p. 28
[9] Cf. Mon étude, Dal kerygma al dogma. Studi sulla cristologia dei Padri, Vita e Pensiero, Milan 2006, pp. 11-51.

[10] S. Kierkegaard, Journal, II, A 110 (éd. de C. Fabro, Brescia 1962, nr. 196).
[11] S. Irenée, Contre les hérésies, III, 24, 1
[12] J.-P. Sartre, La Nauseée, Milan 1984, p. 193 s.
[13]Cf. G. Von Rad, Teologia dell’Antico Testamento, I, Paideia, Brescia 1972, p. 212.

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