coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13248 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Saint-Augustin aborde plusieurs Paraboles/ mais en particulier l'Enfant-Prodigue Lun 12 Sep - 8:03 | |
| Saint-Augustin aborde plusieurs Paraboles/ mais en particulier l'Enfant-Prodigue Le pain, le poisson et l'oeuf (Lc 11,12). - Au pain, Jésus oppose la pierre; au poisson, le serpent; à l'oeuf, le scorpion. Le pain désigne la charité: elle est le bien le plus désirable; elle est tellement nécessaire que sans elle tout le reste n'est rien, de même que sans pain une table est indigente. A la charité est opposée la dureté du coeur que Jésus compare à la pierre.
Le poisson figure la foi des choses invisibles, soit par allusion aux eaux du baptême, soit parce que le poisson est pêché dans des profondeurs invisibles; la foi d'ailleurs immobile au milieu des flots de ce monde qui l'assaillent de toute part, est très bien représentée par le poisson. A la foi Jésus oppose le serpent, parce que le serpent infecta le premier homme de son venin perfide, en le portant au mal par ses mensonges. L'oeuf marque l'espérance; car l'oeuf n'est point un être parvenu au terme de la génération, mais donne l'espérance que la fécondation l'animera. Le scorpion est mis ici en opposition; c'est par derrière que le scorpion blesse de son dard empoisonné: ainsi l'opposé de l'espérance est de regarder en arrière, car l'espérance se porte en avant, vers les biens futurs. La clef de la science (Lc 11,52). - Jésus dit aux scribes, c'est-à-dire aux docteurs des Juifs: «Vous avez pris la clef de la science et vous n'êtes point entrés et vous avez empêché ceux qui entraient.» Les Scribes ne voulaient point reconnaître dans l'Écriture divine l'humilité du Christ, ni permettre aux autres de la reconnaître.
La vie est plus que la nourriture (Lc 12,23). - Le Seigneur dit à ses disciples: «La vie est plus que la nourriture.» Donc celui qui vous a donné un plus grand bien, assurément ne vous refusera pas un bien moindre.
Les reins ceints et les lampes allumées (Lc 12,35). - Le Seigneur dit: «Que vos reins soient ceints,» par la modération dans l'amour des choses du siècle; «les lampes ardentes» marquent la fin légitime à laquelle cette modération elle-même doit être rapportée par une intention pure. De la mesure de froment (Lc 12,42). - Le Seigneur dit à Pierre: «Quel est le dispensateur fidèle et prudent que son maître établira sur ses serviteurs pour distribuer à chacun dans le temps la mesure de froment» qui lui est destinée? La mesure indique la proportion à la capacité de chacun des auditeurs. La nuée s'élevant du côté de l'Occident (Lc 12,63-64). - Cette nuée dont Notre-Seigneur dit: «Lorsque vous verrez une nuée s'élevant du côté du couchant,» figure son corps sortant glorieux du tombeau. De ce moment en effet la pluie de la parole évangélique arrosa toutes les plages de la terre. «Le vent du midi faisant sentir son souffle» avant les chaleurs, désigne les tribulation plus légères qui précéderont le jugement. Impossible d'ajouter à sa taille (Lc 12,26). - Jésus dit: «Si vous ne pouvez pas ce qu'il y a de moindre» parlant de l'augmentation de la taille de l'homme; c'est en effet ce qu'il y a de moindre pour Dieu, que le travail de la nature corporelle. Contre l'orgueil (Lc 39). - Jésus ayant dit à ses disciples qu'il ne faut point être dans l'inquiétude au suret des aliments, ajouta: «Ne vous élevez point dans des pensées d'orgueil,» C'est qu'en effet l'homme recherche d'abord ces sortes de biens afin de pourvoir à la nécessité; mais quand ensuite il les a en abondance, il commence à en concevoir de l'orgueil, semblable à un blessé, qui se vanterait d'avoir beaucoup de remèdes à la maison, comme s'il ne serait pas meilleur pour lui d'être sans blessure, et de n'avoir besoin d'aucun remède.
- De l'hydropique et de la femme courbée (Lc 14,3 Lc 14,5 Lc 13,11-16). - Notre-Seigneur compare très justement l'hydropique à un animal tombé dans un puits, une telle maladie provenant de l'excès des humeurs: de même, parlant de cette femme courbée depuis dix-huit ans et qu'il avait délivrée, il la compare à un animal qu'on délie pour le mener à l'abreuvoir. Dans l'hydropique nous voyons la fidèle représentation du riche avare. Plus les humeurs déréglées abondent dans l'hydropique, plus il est consumé par la soif: de même plus les richesses dont on fait mauvais usage affluent, plus ces désirs de la cupidité s'allument chez l'avare. La femme courbée par la maladie, impuissante à se redresser, est le type de l'âme que les pensées terrestres ont affaiblie et abaissée, et qui ne peut plus s'occuper des choses divines. Des invités au repas du soir (Lc 14,21-23). - Les invités que l'on amène de la ville au souper désignent ceux de la nation juive qui ont cru au Christ; c'est-à-dire ces infirmes qui sentant le poids de leurs péchés n'ont point eu l'orgueil de cette apparente justice, dont le mensonge éloignait de la grâce du salut les maîtres d'Israël. Les autres invités que le maître du festin fait chercher le long des haies et sur les chemins tant qu'il reste des places à sa table, sont la figure des gentils dispersés sur tous les chemins par la division des sectes, meurtris et embarrassés par les épines de leurs péchés. Bâtir une tour, et se préparer à la guerre (Lc 14,28-34). - Les dépenses pour la contraction d'une tour représentent les forces qu'il faut déployer pour devenir disciple de Jésus-Christ, et les dix mille hommes menés au combat par celui qui s'avance contre un roi qui en a vingt mille, figurent la simplicité du chrétien devant combattre contre la duplicité du démon, c'est-à-dire contre ses ruses et ses tromperies; simplicité que Jésus fait consister dans le renoncement intérieur à tout ce que l'on possède. Voici en effet la conclusion qui suit: «Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut être mon disciple.» Dans cet universel renoncement, il faut aussi comprendre la vie du corps dont la possession doit nous paraître tellement temporaire et provisoire que la menace d'en être dépouillé ne puisse faire sacrifier la vie de l'éternité. De même que Jésus nous détourne de laisser la tour inachevée, rappelant les insultes de ceux qui diront: «Cet homme a commencé à bâtir et n'a pu terminer;» de même dans l'exemple du roi contre lequel il faut combattre il condamne la paix quand il dit: «Il lui envoie une ambassade lorsqu'il est encore loin pour lui faire des propositions de paix,» faisant voir par là que les assauts des démons font succomber les hommes qui ne renoncent pas à tout ce qu'il possèdent, et que ces hommes font la paix avec le diable, se livrant à ses suggestions pour commettre le péché. Ainsi bâtir une tour, combattre contre le roi ennemi, c'est être disciple de Jésus-Christ: posséder les ressources pour achever la tour, disposer de dix mille hommes de troupes contre les vingt mille de l'ennemi, c'est renoncer à tout ce que l'on possède.
Le sel affadi et la brebis perdue (Lc 14,34-35 Lc 15,4-10). - Le sel affadi désigne l'apostat; la brebis perdue, tous les pécheurs qui se réconcilient avec Dieu par la pénitence. Le pasteur porte sur ses épaules la brebis retrouvée, parce que c'est en s'abaissant que Jésus releva ces pécheurs. Les brebis laissées dans le désert sont au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, parce qu'elles figurent les superbes qui se font comme une solitude dans leur coeur en voulant être seuls remarqués: l'unité leur manque, pour qu'ils soient parfaits. Quiconque en effet s'arrache à l'unité véritable, le fait par orgueil: car, dès que l'on aspire à l'indépendance on se détache de l'unité qui est Dieu même. C'est pourquoi les quatre-vingt-dix-neuf brebis et les neuf drachmes sont mises pour figurer ceux qui présumant d'eux-mêmes - 336 - se préfèrent aux pécheurs retournant au salut. L'unité manque au nombre neuf pour compléter la dizaine, et au nombre quatre-vingt-dix-neuf pour former la centaine, et ainsi de suite pour toute la série des nombres, à neuf-cent quatre-vingt-dix-neuf pour atteindre le mille, à neuf mille neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf pour la dizaine de mille. On peut en multipliant ou en divisant varier indéfiniment les nombres auxquels la perfection fait défaut par l'absence de l'unité. Celle-ci au contraire, immuable en elle-même, venant à s'ajouter, imprime le sceau de la perfection. C'est à l'unité que le Sauveur ramène les pécheurs convertis par la pénitence fruit de l'humilité.
L'enfant prodigue (Lc 15,11-32). - Cet homme qui a deux fils, c'est Dieu, père de deux peuples qui sont comme les deux branches de la race humaine, le peuple des hommes demeurés fidèles au culte d'un sent Dieu, et le peuple des idolâtres, qui abandonnèrent le Seigneur. Mais il faut remonter à l'origine de la création de l'homme pour approfondir cette histoire. Le fils aîné est le type de la fidélité au culte du vrai Dieu. Le plus jeune part pour une contrée lointaine. Il a demandé à son père la portion d'héritage qui lui revient. Telle est l'âme que la jouissance de son pouvoir a séduite. Son patrimoine, c'est-à-dire la vie, l'intelligence, la mémoire, la sublimité et la promptitude du génie, tous ces dons de la munificence divine sont plis à sa disposition par le libre arbitre; c'est pourquoi. «le père distribua son bien à ses enfants.» Le plus jeune partit pour un pays lointain. Il abusa des dons naturels, il abandonna son père, délaissant le Créateur pour se livrer à la jouissance des créatures. - Il est représenté, «peu de jours après rassemblant tout ses biens, et s'en allant dans une contrée lointaine.» C'est qu'en effet, peu de jours après la création du genre humain, l'âme, cette créature raisonnable, voulut être, par son libre arbitre, maîtresse absolue d'elle-même et de ses facultés, et se détacher de son Créateur pour s'appuyer sur ses propres forces. Mais plus elle s'éloigna de Celui qui était la source de sa vie, plus elle fut promptement épuisée. C'est pourquoi l'Evangile appelle une vie de débauche et d'excès la vie répandue et dissipée dans les pompes extérieures et vide au dedans: l'homme qui s'y livre poursuit les vanités qu'elle enfante, et abandonne Dieu qui est au dedans de lui. Cette région lointaine, c'est donc l'oubli de Dieu. La famine survenue dans ce pays, c'est la privation de la parole de vérité. L'habitant de la contrée désigne quelque prince de l'air, faisant partie de la milice de Satan. Sa maison de campagne figure le genre de pouvoir qu'il exerce, et les pourceaux les esprits immondes qui sont au-dessous de lui. Les cosses dont il nourrissait les pourceaux figurent les maximes du siècle, vides et sonores, dont retentissent les poèmes et les divers discours consacrés à la louange des idoles ou aux fables des dieux des Gentils, et qui font la joie des démons. C'est pourquoi ce jeune homme voulant se rassasier cherchait dans cette vile pâture un aliment qui fût substantiel et sain, et qui procurât le bonheur, et il ne le trouvait pas. De là cette parole: «Et personne ne lui en donnait.» «Mais étant rentré en lui-même,» c'est-à-dire s'arrachant aux trompeuses illusions et aux entraînements; des vanités du monde extérieur et recueillant ses pensées dans l'intérieur de sa conscience, «combien de mercenaires, s'écrie-t-il, ont du pain en abondance dans la maison de mon père.» Comment ceci pourrait-il être connu de l'homme plongé, comme les idolâtres l'étaient, dans un si grand oubli de Dieu? Ces paroles ne désigneraient-elles point le réveil de l'âme à la prédication de l'Évangile.
On vit alors en effet de nombreux prédicateurs de la vérité, parmi lesquels plusieurs étaient guidés, non par l'amour de la vérité elle-même, mais par le désir des avantages terrestres. C'est d'eux que l'Apôtre disait: Que plusieurs qui annoncent l'Évangile, ne le font pas avec pureté (Ph 1,17), faisant de la piété un trafic (1Tm 6,5). Ils ne prêchaient pas un autre Évangile comme les hérétiques, ils prêchaient l'Évangile de Paul, mais dans un autre esprit que celui de cet Apôtre. C'est pourquoi ils sont très justement appelés des mercenaires. Ils dispensent le même pain de la parole et dans la même maison, toutefois ils ne dont point appelés au céleste héritage, mais ils travaillent pour une récompense temporelle. C'est d'eux qu'il est dit . «En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense (Mt 6,2).» Il s'écrie donc: «Je me lèverai,» car il était étendu dans un état de prostration; «et j'irai,» II était en effet bien éloigné; «vers mon père,» il était devenu le serviteur de celui à qui appartenaient les pourceaux. Les autres paroles indiquent la disposition d'un âme qui se prépare à la pénitence par l'aveu de ses péchés, mais qui ne la fait pas encore. Il ne s'ouvre pas encore à son père, mais il promet de s'ouvrir à lui, quand il le reverra. «Comprenez donc maintenant ce que signifie venir vers son père:» c'est être établi dans l'Église par la foi, et pouvoir y trouver, dans la confession de ses fan Vites, l'accomplissement du devoir et la récompense qui en est le fruit. Qu'est-ce donc qu'il se propose de dire à son père?
Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, et je ne suis plus digne d'être appelé votre fils: traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. - J'ai péché contre le ciel,» ce mot a-t-il la même signification que j'ai péché contre vous?» Alors il faudrait entendre par le «ciel» la souveraine majesté du Père: c'est en ce sens que le Psalmiste a dit: «Il s'élance des hauteurs du ciel (Ps 18,7),» c'est-à-dire du sein du Père lui-même. Ou plutôt «j'ai péché contre le ciel» ne veut-il pas dire:en présence des âmes saintes, qui sont le trône de Dieu; «et contre vous:» jusque dans le sanctuaire intime de la conscience? «Et se levant, il vint vers son père. Et lorsqu'il était encore bien loin:» avant qu'il eût de Dieu une véritable idée, mais néanmoins dans le moment où il le cherchait déjà de bonne foi, «son père le vit.» L'expression est donc juste, quand on dit de Dieu qu'il ne voit pas les impies et les superbes, qu'il ne les a pas en quelque sorte devant les yeux: car être devant les yeux, ne s'entend d'ordinaire que des personnes aimées. «Et il fut touché de compassion: et courant à lui, il se jeta à son cou.» Le père n'a pas quitté son Fils unique, par qui il a fait cette course lointaine et s'est abaissé jusqu'à nous; car Dieu était dans le Christ se réconciliant le monde (2Co 5,19);» et le Seigneur l'a déclaré lui-même: «Mon «Père, qui demeure en moi, fait lui-même les oeuvres que je fais (Jn 14,10).» Or, que signifie «se jeter à son cou,» si ce n'est incliner et abaisser son bras pour l'étreindre? «Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé (Is 53,1)?» Ce bras n'est autre assurément que Notre-Seigneur Jésus-Christ. «Et il le baisa.» Etre consolé par la parole de la grâce divine, qui fait naître l'espérance du pardon des péchés, c'est obtenir du père, au retour de longs égarements, le baiser de charité. Alors commence pour celui qui est établi dans l'Église la confession de ses péchés.
Le prodigue ne dit pas tout ce qu'il s'était promis de dire; il va seulement jusqu'à ces paroles: «Je ne suis pas digne d'être appelé votre fils.» Car Dieu veut opérer par la grâce ce dont il se reconnaît indigne à cause de ses fautes. Il n'ajoute pas ce qu'il s'était proposé d'abord dans sa première résolution: «Traitez-moi comme l'un de vos mercenaires.» Quand il était privé de pain, il allait jusqu'à souhaiter la condition de mercenaire; mais après que son père l'a embrassé, il n'a plus pour elle qu'un noble et généreux dédain. La première robe symbolise la dignité perdue par Adam; les serviteurs qui l'apportent sont les prédicateurs du pardon. L'anneau placé au doigt de la main, gage du Saint-Esprit, figure bien la participation à la grâce. Les chaussures aux pieds marquent la préparation à la prédication de l'Évangile par le détachement des biens de la terre. Le veau gras, c'est le Seigneur lui-même, mais rassasié d'opprobres selon la chair. L'ordre est donné d'amener le veau gras: qu'est-ce à dire, sinon qu'il faut annoncer le Seigneur, et en l'annonçant, le faire entrer dans les entrailles du fils exténué par la faim? L'ordre est donné aussi d'immoler la victime; de répandre le souvenir de la mort du Sauveur: or, il est immolé réellement pour chacun de nous, lorsque nous croyons que pour nous il est mort . «Et réjouissons-nous,» ajoute le texte sacré; ceci a trait aux motifs d'allégresse qui vont être allégués: «Parce que mon fils que voici était mort, et il est ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé.» Et maintenant ce festin et cette fête se célèbrent dans tout l'univers, où l'Eglise est répandue et disséminée. Car ce veau gras figure le corps et le sang du Seigneur qui s'offre au Père céleste et nourrit toute sa famille.
Le fils aîné, qui n'est pas parti pour une région lointaine, mais qui n'est pas néanmoins dans la maison, c'est le peuple d'Israël selon la chair. Il est aux champs, c'est-à-dire, qu'au sein même de l'héritage et des richesses de la Loi et des Prophètes, il se livre de préférence aux oeuvres de la terre et à toutes sortes d'observations judaïques. Il s'est trouvé parmi eux un grand nombre d'hommes animés de ces sentiments, et souvent encore on en rencontre de semblables. Revenant des champs, il s'approche de la maison . en d'autres termes, occupé sans - 338 - amour d'un travail tout terrestre, il considère d'après les saintes Écritures la liberté faite à l'Église. Il entend la musique et la danse, c'est-à-dire, les hommes remplis de l'Esprit-Saint, qui annoncent l'Évangile d'une commune voix, suivant la recommandation de l'Apôtre: «Je vous a conjure, mes frères, leur dit-il, par le nom de a Jésus-Christ Notre-Seigneur, de faire en sorte a que vous n'ayez qu'un même langage (1Co 1,10).» Il entend aussi les concerts de louanges qui s'élèvent vers Dieu, comme d'un seul coeur et d'une seule âme. Il appelle un des serviteurs et lui demande ce qui se passe, en d'autres termes il ouvre un des livres des Prophètes, et le compulsant, il l'interroge en quelque solde pour savoir ce que signifient les fêtes qu'on célèbre dans cette Église, en dehors de laquelle il se trouve placé. Le serviteur de son père, le prophète lui répond: «Votre frère est revenu, et votre père a tué le veau gras, parce qu'il l'a recouvré en santé.» Votre frère était.en effet aux extrémités de la terre. Mais ce qui augmente l'allégresse de ceux qui chantent au Seigneur un cantique nouveau, c'est que ses louanges viennent des extrémités du monde (Is 42,10); et pour célébrer le retour de celui qui était absent, on a mis à mort l'homme de douleur et sachant l'infirmité (Is 53,3); et ceux auxquels il n'avait point été annoncé, l'ont vu; et ceux qui n'ont point entendu parler de lui, l'ont contemplé (Is 53,15).
Et maintenant encore Israël s'indigne et refuse d'entrer. Lors donc que la plénitude des nations sera entrée, son Père sortira au moment opportun, afin que tout Israël soit sauvé; ce peuple est tombé en partie dans l'aveuglement, que figure l'absence du fils aîné à la campagne, jusqu'à ce que la plénitude du plus jeune revienne de son long égarement au milieu de l'idolâtrie des nations, pour manger le veau gras dans la maison paternelle (Rm 11,25). Car, un jour, la vocation des Juifs au salut, qui vient de l'Évangile, sera manifestée. Or, c'est ce que signifie la démarche du père pour appeler son fils aîné. La réponse de ce dernier, fait naître deux questions: Comment peut-on dire du peuple Juif qu'il n'a jamais transgressé les ordres de Dieu? et qu'est-ce à dire qu'il n'a jamais reçu de chevreau, pour se réjouir avec ses amis? En ce qui concerne le premier point, on devine facilement qu'il n'est pas question de tous les commandements, mais seulement de celui qui est le plus nécessaire, je veux parler, de celui qui défend d'adorer aucun autre Dieu que le souverain Créateur de toutes choses (Ex 20,3): on comprend d'ailleurs que ce fils ne personnifie pas tous les Israëlites indistinctement, mais ceux d'entre eux qui n'ont jamais quitté le culte du vrai Dieu pour celui des idoles. En effet, quoique ce fils, en quelque sorte placé aux 'champs, désirât les choses terrestres, cependant c'est du Dieu unique qu'il. attendait ces biens, qui lui étaient communs avec les animaux. Aussi la synagogue est-elle bien personnifiée dans ce psaume d'Asaph: «Je suis devant vous comme une bête; mais néanmoins je suis toujours vous (Ps 72,23).» C'est ce que corrobore également le témoignage du père lui-même, formulé en ces termes: «Vous êtes toujours avec moi.» Il ne reproche pas à son fils une sorte de mensonge, mais faisant l'éloge de sa persévérance à demeurer avec lui, il l'invite par là même à prendre une part plus grande et plus parfaite à la joie.
Quel est maintenant ce chevreau, qu'il n'a jamais eu pour faire un festin? Il est certain d'abord que le chevreau est ordinairement le symbole du pécheur. Mais loin de moi de reconnaître ici l'Antéchrist. Car je ne vois pas comment on pourrait appliquer jusqu'au bout cette interprétation. Il serait trop absurde que le fils, à qui il est donné d'entendre ces paroles: «Vous êtes toujours avec moi,» eût exprimé à son père le désir de croire à l'Antéchrist. Il n'est pas non plus permis de voir dans ce fils la personnification de ceux d'entre les Juifs qui croiront à l'Antéchrist. Dans l'hypothèse où ce chevreau serait la figure de l'Antéchrist, comment ce fils pourrait-il en manger puis qu'il ne mettrait pas en lui sa foi? Ou bien, si manger du chevreau ne signifie rien autre chose que la joie causée par la perte de l'Antéchrist, comment le fils, que le père accueille si bien, dit-il que cette joie ne lui a pas été accordée, tandis que tous les enfants de Dieu applaudiront à la condamnation de son adversaire? A mon sens (et ce que je vais dire, dans une matière aussi obscure, ne doit pas empêcher un examen plus attentif,) il se plaint donc de ce que le Seigneur lui-même lui a été refusé pour son festin, attendu que le Seigneur est un pécheur à ses yeux. Ce peuple considérant le Sauveur comme un chevreau, - 339 - en d'autres termes, voyant en lui un violateur du sabbat et un profanateur de la Loi, n'a pas mérité de prendre part à ses joies: ainsi: «Vous ne m'avez jamais donné un chevreau pour en manger avec mes amis,» reviendrait à dire celui qui était à fies yeux un chevreau, vous ne me l'avez jamais donné pour me réjouir, et vous ne me l'avez point accordé, précisément parce que je le considérais comme un chevreau, «Avec mes amis,» s'entend des chefs en union avec le peuple, ou du peuple de Jérusalem assemblé avec les autres peuples de Juda. Quant aux femmes perdues, avec lesquelles le plus jeune fils est accusé d'avoir dissipé son patrimoine, elles désignent très bien les passions honteuses, qui ont fait abandonner l'alliance unique et légitime du vrai Dieu, pour rechercher dans les superstitions païennes l'union adultère avec la foule des démons.
D'où vient ensuite que le père, après avoir dit: «Vous êtes toujours avec moi,» - paroles expliquées, - continue en ces termes: «Et tout ce qui est à moi est à vous?» Gardez-vous d'abord de croire que ces mois: «Tout ce; qui est à moi est à vous,» signifient que le frère n'y a point de part, comme vous vous demanderiez avec anxiété, pour un héritage de ce monde, comment l'aîné pourrait avoir tout, dans le cas où le plus jeune aurait sa part. Les enfants parfaits, d'une pureté très grande et déjà dignes du ciel, possèdent tout, de façon que chaque chose est ù tous, et que tout est à chacun. Car la charité ignore les angoisses inséparables de la cupidité. Mais comment ce fils possède-t-il tout? Est-ce que Dieu, dira quelqu'un, met au-dessous de lui et les Anges, et les Vertus sublimes, et les puissances, et tous les esprits célestes, exécuteurs de ses volontés? Si l'on entend possesseur, dans le sens de maître, il est évident que Dieu ne lui a pas donné tout. Car ceux dont il est dit: «Ils seront comme les Anges de Dieu (Mt 22,30),» ne seront point les maîtres, mais plutôt les cohéritiers des Anges. Que si la possession s'entend dans le sens, d'ailleurs légitime, attaché à cette phrase: les âmes en possession de la vérité; je ne vois pas pour quel motif nous ne pourrions pas admettre ici le mot tout, dans son sens vrai, propre et absolu. En effet, quand nous disons des âmes qu'elles sont en possession de la vérité, notre intention n'est pas d'affirmer qu'elles en sont les maîtresses. Enfin, s'il nous est interdit d'entendre la possession en ce sens, mettons encore cela de côté. Car le père ne dit pas: Je vous donnerai tout en possession; ou Vous possédez, vous possèderez tous mes biens; mais: «Tout ce qui est à moi est à vous.» Tout cela cependant n'est pas à lui comme à Dieu. En effet ce qui est dans notre bourse peut servir pour la nourriture ou le vêtement de notre famille, ou pour tout autre usage analogue. Et certes, comme il était en droit de l'appeler son père, je ne vois pas ce qu'il n'aurait pu appeler sien, dans ce qui appartenait à ce père, puisque c'était à lui des à titres différents. Car quand nous aurons obtenu l'éternelle félicité, les choses élevées au dessus de nous seront à nous pour les voir; nous vivrons avec ce qui sera près de nous, et ce qui sera au dessous nous appartiendra aussi pour le dominer. Que le frère aîné prenne donc part à la joie dans une sécurité parfaite, parce que son frère était mort, «et qu'il est ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé.»
Se faire des amis avec des richesses d'iniquité (Lc 16,1-9). - Dans l'économe que son Maître a mis hors d'emploi, et qu'il loue d'avoir pourvu à son avenir, nous ne devons pas prendre tout comme une règle de conduite à suivre. Car nous ne devons pas dérober à notre maître, pour employer en aumônes le fruit de nos larcins, et les amis par qui nous voulons être reçus dans les tabernacles éternels, ne doivent pas s'entendre de ceux qui sont redevables à l'égard du Seigneur notre Dieu: ce sont les justes et les saints qui sont figurés ici, et qui introduiront au céleste séjour ceux qui les auront secourus de leurs biens terrestres, dans le besoin; et c'est d'eux qu'il est.dit, que si quelqu'un donne seulement à boire un verre d'eau froide à l'un d'entre eux, à cause de sa qualité de disciple, il ne perdra point sa récompense (Mt 10,42). Ces sortes de similitudes tirent aussi toute leur force des contraires, et nous donnent à entendre que si l'économe infidèle a pu recevoir un tel éloge de son Maître, à combien plus forte raison les hommes qui accomplissent les mêmes oeuvres, en se conformant au commandement divin, seront-ils plus agréables au Seigneur. C'est ainsi qu'en parlant du juge inique importuné par une veuve, notre Sauveur élève la pensée jusqu'au Souverain Juge, dont la justice ne peut cependant sous aucun rapport être assimilée à celle de ce juge - d'iniquité (Lc 18,2-8 ). Quant aux cent barils d'huile, pour lesquels l'économe fait souscrire cinquante au débiteur, et aux cent mesures de froment réduites à quatre-vingt, je pense que cela n'a d'autre but que d'exprimer ce qui doit être fait en faveur de l'Eglise par chacun de nous à (exemple de ce que faisaient les Juifs à l'égard des Lévites, afin que notre justice surpasse celle des Scribes et des Pharisiens (Mt 5,20): c'est-à-dire que les Juifs donnant la dîme de leurs biens, nous devons donner la moitié des nôtres, comme fit Zachée, qui donna la moitié, non de ses revenus, mais de ses biens (Lc 19,8 ), ou que, du moins, nous devons doubler la dîme, afin de surpasser par cette double offrande celle des Juifs. Cet argent, dont la possession n'est que temporaire, Notre-Seigneur l'appelle Mammon d'iniquité, parce que Mammon signifie richesse, et que ces mêmes richesses, appartiennent à des hommes d'iniquité qui mettent en elles l'espérance et la plénitude de leur bonheur: pour les justes, quand il les possèdent, c'est, il est vrai, une ressource; mais leur trésor, ils n'en ont point d'autre que les richesses célestes et spirituelles, à l'aide desquelles, ils pourvoient spirituellement à leurs besoins, écartent la misère et l'indigence et s'assurent une immense félicité. Le bien étranger (Lc 19,12). - Les biens de la terre, voilà ce que Notre-Seigneur appelle ici biens étrangers, car personne ne les emporte avec soi en mourant, suivant cette parole de David: «Ne crains pas, lorsqu'un homme sera devenu riche, et que sa maison sera élevée au comble de la gloire: car, lorsqu'il mourra, «il n'en emportera rien, et sa gloire ne descendra pas avec lui dans le tombeau (Ps 48,17-18 ).»
Nul ne peut servir deux maîtres (Lc 16,13).» - La distinction qui vient ensuite: «Ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre,» mérite une attention particulière. Car Notre-Seigneur ne l'a pas faite au hasard et sans raison. Qu'on demande à quelqu'un s'il aime le démon, il répondra toujours qu'il ne l'aime pas, mais qu'il l'a plutôt en horreur; quant à Dieu, presque tout le monde s'écrie qu'il l'aime. Donc, ou il haïra l'un et il aimera l'autre, comme c'est son devoir, c'est-à-dire, il haïra le démon, et il aimera Dieu. Mais la contrepartie offre un autre sens: «Ou il s'attachera à l'un et il méprisera l'autre;» c'est-à-dire, il s'attachera au démon, en poursuivant la jouissance de ses récompenses passagères; et il méprisera Dieu. Notez qu'il n'est pas dit: Il haïra, mais: Il méprisera: telle est la conduite ordinaire de ceux qui, faisant moins de cas de ses menaces que de la satisfaction de leurs passions, se flattent de trouver dans la bonté divine un motif d'impunité. C'est à ces hommes que Salomon fait entendre cet avertissement: «Mon enfant, n'ajoute pas péché sur péché, et ne dis pas: La miséricorde de Dieu est grande (Si 5,5-6).» Le royaume des cieux souffre violence (Lc 16,16). - Le royaume des cieux souffre violente, et les violents l'emportent (Mt 11,12).» Il faut que chacun de nous méprise non-seulement les richesses, mais encore les langues qui raillent ceux qui méprisent ces biens: car c'est alors seulement que, comme un vainqueur intrépide, on emporte comme d'assaut le royaume des cieux. L'évangéliste mentionne en effet ces paroles, après avoir rapporté que les Pharisiens se moquèrent de Jésus, à cause de ce qu'il avait dit sur le mépris des richesses terrestres.
Le mauvais riche (Lc 16,19-31). - Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin, et se traitait magnifiquement tous les «jours,» etc. Sous le rapport allégorique, on peut voir dans ce riche, les esprits superbes du peuple Juif, ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur (Rm 10,3). La pourpre et le lin marquent la dignité royale: «Et le royaume de Dieu vous sera ôté, dit le Sauveur, et il sera donné à un peuple qui accomplira la justice (Mt 21,43).» Le festin splendide marque la confiance excessive des Juifs dans la Loi, dont ils se prévalaient avec l'ostentation de l'orgueil, plutôt que de la mettre en pratique pour arriver au salut. Le pauvre, nommé Lazare, c'est-à-dire, celui à qui l'on vient en aide, signifie celui qui est dans le besoin, le gentil on le publicain par exemple, qui reçoit d'autant plus de secours qu'il présume moins de la puissance de ses ressources. Tels étaient les deux hommes qui priaient dans le temple, l'un publicain, ét l'autre pharisien. Le riche, plein en quelque sorte de sa propre justice, loin de pouvoir être mis au nombre de ces heureux qui ont faim et soif de la justice (Mt 5,6), s'écrie donc: «Je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme ce publicain.»
Le - 341 - pauvre, de son côté, désirant être secouru, s'écrie: «Ayez pitié de moi, qui suis un pécheur (Lc 18,10-13).» étendu à la porte du riche, il va cependant jusqu'à désirer de se rassasier des miettes qui tombaient de sa table. Car le riche ne l'admettait pas au festin, dont il faisait un abus condamnable, et ne lui en faisait point part: ainsi le Scribe, qui possédait les clefs du royaume des cieux, n'y entrait pas lui-même, et ne permettait pas aux autres d'y entrer (Lc 11,52). Les miettes qui tombent de la table du riche, sont certaines paroles de la Loi, que les Juifs superbes laissaient, pour ainsi dire, tomber à terre, lorsqu'ils parlaient au peuple avec orgueil. Les ulcères figurent la confession des péchés, pareils à ces humeurs malignes qui, du fond des entrailles, s'échappent au-dehors. Les chiens qui les léchaient, sont les hommes profondément pervers attachés aux péchés, qui ne cessent même de louer ouvertement les oeuvres coupables, qu'un autre déplore en son coeur et déteste en en faisant l'aveu. Le sein d'Abraham est le lieu du repos des bienheureux pauvres, à qui appartient le royaume du ciel, où ils sont reçus après cette vie. La sépulture en enfer marque la grandeur,des peines qui dévorent après cette vie les orgueilleux et les hommes au coeur impitoyable. Le Seigneur déclare néanmoins dans ce récit qu'ils voient de loin et qu'ils comprennent ce repos des bienheureux, où jamais ils ne pourront parvenir. Le rafraîchissement que réclame le mauvais riche pour sa langue, au milieu des flammes qui l'embrasent et l'enveloppent de toutes parts, vérifie le sens de ces paroles: «La vie et la mort sont au pouvoir de la langue, (Pr 18,21).» et de celles-ci que l'on confesse de bouche pour être sauvé (Rm 10,10):» or, le mauvais riche s'y est refusé par orgueil. L'extrémité du doigt signifie les oeuvres de miséricorde même les plus petites, inspirées par l'Esprit-Saint pour venir en aide à nos frères. Et quand Abraham lui dit: «Tu as reçu le bien dans ta vie,» ce reproche lui rappelle qu'il s'est attaché à la félicité du siècle, et qu'il n'a pas aimé d'autre vie que celle où il s'enflait d'orgueil. Quant à Lazare, il est dit qu'il a reçu les maux, parce qu'il a compris que la mort, la douleur, les travaux et les peines de cette vie sont le châtiment du péché, suivant ce qui est écrit: «Et nous aussi, nous étions enfants de colère, ainsi que les autres (Ep 2,3),» et encore: que l'enfant, celui dont la vie n'a été que d'un jour sur la terre, n'est pas même exempt de péché (Jb 14,4 selon les Sept.), parce que nous mourons tous en Adam (1Co 15,22), qui, en se faisant transgresseur, a mérité la mort.
Il est dit que les justes ne pourraient, lors même qu'ils en auraient la volonté, passer aux lieux où sont tourmentés les impies. Qu'est-ce à dire, sinon qu'en vertu de la sentence immuable de Dieu, les justes ne peuvent, lors même qu'ils le voudraient, exercer en aucune manière la miséricorde à l'égard de ceux qui après cette vie sont jetés dans la prison, pour ne plus en sortir tant qu'ils n'auront pas payé jusqu'à la dernière obole (Mt 5,26)? Leçon donnée aux hommes, pour qu'ils viennent en aide pendant leur vie à ceux qu'ils peuvent secourir, de peur que, dans la suite, lussent-ils parfaitement reçus, ils ne puissent plus rien pour ceux qui sont l'objet de leur affection. Ce passage de l'évangile: «Pour qu'ils vous reçoivent eux-mêmes dans les tabernacles éternels (Lc 16,9),» ne peut s'appliquer aux hommes superbes et sans entrailles, semblables à ce mauvais riche, et indignes d'être reçus par les saints dans le séjour bienheureux; mais il regarde ceux qui se sont faits dés amis par les oeuvres admirables de leur charité . Ce n'est pas cependant que les justes les reçoivent, en quelque sorte de leur propre chef, et pour ainsi dire en leur faisant eux-mêmes grâce; mais c'est en vertu de la promesse et par la permission de Celui qui leur a inspiré de s'en faire des amis, et qui, dans sa bonté libératrice, a bien voulu être nourri, vêtu, reçu et visité dans chacun des plus petits parmi les siens. Maintenant, que cette. réception s'opère aussitôt après cette vie, ou à la fin des siècles, à la résurrection des morts et au jugement dernier, ce n'est pas là une petite question. Mais à quelque moment- qu'elle ait lieu, il est certain que nulle part l'Ecriture ne la promet à ceux qui sont les imitateurs du mauvais riche .
Les cinq frères qu'il dit avoir dans la maison de son père, représentent les Juifs, retenus sous la Loi donnée par Moïse, l'auteur du Pentateuque. Il demande que Lazare soit envoyé vers ses frères, car il se reconnaît indigne de rendre témoignage à la vérité; et comme il n avait obtenu aucun rafraîchissement, il croit d'autant moins à la possibilité d'être délivré de l'enfer, pour aller annoncer cette même vérité. Ces paroles d'Abraham: - 342 - S'ils veulent croire, ils ont Moïse et les Prophètes,» n'établissent pas la supériorité de ces derniers sur l'Évangile; mais comme l'Évangile, suivant la réflexion de l'Apôtre, est attesté par la Loi et les Prophètes (Rm 3,21), cela veut dire que la croyance à ceux-ci peut conduire à l'Évangile, selon ces mots de Notre-Seigneur lui-même en un autre endroit: «Si vous croyiez Moïse, «vous me croiriez aussi: car c'est de moi qu'il a écrit (2Jn 5,46).» Ce que dit ensuite Abraham, trouve ici naturellement sa place: «S'ils n'écoutent ni Moïse ni les Prophètes, ils ne croiront pas non plus, quand même un mort ressusciterait.» Moïse et les Prophètes ayant annoncé Celui qui est ressuscité d'entre les morts, s'ils ne les croient pas sur ce point, ils ne veulent pas non plus certainement croire en Jésus-Christ. Beaucoup, moins encore peuvent-ils croire à la résurrection d'un mort quelconque, puisqu'ils ne croient pas Celui dont Moïse et les Prophètes, à qu'ils refusent de croire, ont annoncé la résurrection. Cette parabole peut encore recevoir une autre interprétation. Lazare étendu à la porte de ce riche représente Notre-Seigneur, qui, dans les abaissements de son incarnation, s'est incliné jusqu'à l'oreille des Juifs si profondément imbus d'orgueil . «Souhaitant se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche,» c'est-à-dire cherchant en eux jusqu'aux moindres oeuvres de justice dont leur orgueil n'eût pas corrompu le mérite à ses yeux, quand même ces oeuvres de miséricorde et d'humilité eussent été de très peu de valeur, sans esprit de suite et sans cette persévérance qui constitue la vie régulière, pourvu du moins qu'elles eûssent été accomplies de temps à autre ou par hasard, semblables en cela aux miettes qui tombent de la table. Les ulcères signifient les douleurs que le Seigneur a daigné endurer pour nous dans l'infirmité de la chair. Les chiens qui léchaient ces ulcères, sont les Gentils, que les Juifs considéraient comme des pécheurs et des hommes impurs; et cependant, aujourd'hui par toute la; terre, ils goûtent et savourent avec amour les souffrances du Sauveur dans les mystères de son corps et de son sang. Le sein d'Abraham figure le secret du Père, où il est monté après sa résurrection; il est dit qu'il y a été porté par les Anges, ce qui a trait sans doute à l'annonce de l'Ascension du Sauveur faite aux disciples par les Anges. En effet, qu'ont-ils voulu dire par ces mots: «Pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel (Ac 1,11)?» si ce n'est que l'oeil de l'homme ne peut nullement pénétrer jusqu'à ce secret où montait le Seigneur, quand il s'élevait au ciel en présence de ses disciples? Le reste peut s'entendre dans le sens exposé précédemment: car le secret du Père s'entend très bien aussi du lieu où les âmes des justes vivent avec Dieu, en attendant la résurrection. Il est d'autant plus vrai que Dieu est partout, qu'il n'est contenu en aucun lieu, suivant ces paroles adressées au larron Tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis (Lc 13,43);» d'où le Fils de Dieu n'est jamais sorti, quoique dans cette chair qu'il a prise, il ait tant souffert de la part des hommes dans la ville de Jérusalem.
| |
|