coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13252 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Page 10/ “Eloï, Eloï, lama sabactani ?”, ce qui veut dire : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?” » Mar 24 Mai - 19:32 | |
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Chers frères et sœurs,Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur la prière de Jésus dans l’imminence de sa mort, en m’arrêtant sur ce que nous rapportent saint Marc et saint Matthieu. Les deux évangélistes rapportent la prière de Jésus mourant non seulement dans la langue grecque, dans laquelle leur récit est écrit, mais, en raison de l’importance de ces paroles, également dans un mélange d’hébreu et d’araméen. De cette manière, ils ont transmis non seulement le contenu, mais également le son que cette prière a eu sur les lèvres de Jésus : nous écoutons réellement les paroles de Jésus telles qu’elles étaient. Dans le même temps, ils nous ont décrit l’attitude des personnes présentes à la crucifixion, qui ne comprirent pas — ou ne voulurent pas comprendre — cette prière.Saint Marc écrit, comme nous l’avons écouté : « Quand arriva l'heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte : “Eloï, Eloï, lama sabactani ?”, ce qui veut dire : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?” » (15, 34). Dans la structure du récit, la prière, le cri de Jésus s’élève à la fin des trois heures de ténèbres qui, depuis midi jusqu’à trois heures de l’après-midi, tombèrent sur toute la terre. Ces trois heures d’obscurité sont, à leur tour, la continuation d’une période de temps précédente, également de trois heures, commencée avec la crucifixion de Jésus. L’évangéliste Marc, en effet, nous informe que : « Il était neuf heures lorsqu'on le crucifia » (15, 25). De l’ensemble des indications horaires du récit, les six heures de Jésus sur la croix sont articulées en deux parties chronologiquement équivalentes.Pendant les trois premières heures, de neuf heures jusqu’à midi, ont lieu les moqueries des divers groupes de personnes, qui montrent leur scepticisme, qui affirment ne pas croire. Saint Marc écrit : « Les passants l'injuriaient » (15, 29) ; « de même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes » (15, 31) ; « même ceux qui étaient crucifiés avec lui l'insultaient » (15, 32). Pendant les trois heures suivantes, de midi « jusqu’à trois heures de l’après-midi », l’évangéliste parle seulement des ténèbres qui étaient descendues sur la terre ; l’obscurité occupe à elle seule toute la scène, sans aucune référence à des mouvements de personnages ou à des paroles. Quand Jésus s’approche toujours plus de la mort, il n’y a que l’obscurité qui tombe « sur toute la terre ». L’univers prend lui aussi part à cet événement : l’obscurité enveloppe les personnes et les choses, mais en ce moment de ténèbres également, Dieu est présent, il n’abandonne pas. Dans la tradition biblique, l’obscurité a une signification ambivalente : elle est le signe de la présence et de l’action du mal, mais également d’une mystérieuse présence et action de Dieu qui est capable de vaincre toutes les ténèbres. Dans le Livre de l’Exode, par exemple, nous lisons : « Je vais venir vers toi dans l'épaisseur de la nuée » (19, 9) ; et aussi : « le peuple resta à distance, mais Moïse s'approcha de la nuée obscure où Dieu était présent » (20, 21). Et dans les discours du Deutéronome, Moïse raconte : « La montagne était embrasée jusqu’en plein ciel — ciel obscurci de nuages ténébreux et retentissants » (4, 11) ; vous entendîtes « cette voix sortir des ténèbres, tandis que la montagne était en feu » (5, 23). Dans la scène de la crucifixion de Jésus, les ténèbres enveloppent la terre et sont des ténèbres de mort dans lesquelles le Fils de Dieu se plonge pour apporter la vie, à travers son acte d’amour.Pour revenir au récit de saint Marc, devant les insultes des différentes catégories de personnes, devant l’obscurité qui tombe sur tout, au moment où il se trouve face à la mort, Jésus avec le cri de sa prière montre que, en même temps que le poids de la souffrance et de la mort dans lequel il semble qu’il y ait l’abandon, l’absence de Dieu, Il a la pleine certitude de la proximité du Père, qui approuve cet acte suprême d’amour, de don total de soi, bien que l’on n’entende pas, comme à d’autres moments, sa voix d’en-haut. En lisant les Evangiles, on s’aperçoit que dans d’autres passages importants de son existence terrestre, Jésus avait vu s’associer aux signes de la présence du Père et de l’approbation à son chemin d’amour, également la voix illuminante de Dieu. Ainsi, lors de l’événement qui suit le baptême au Jourdain, lorsque les cieux se déchirent, on avait entendu la parole du Père : « C'est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j'ai mis tout mon amour » (Mc 1, 11). Ensuite, lors de la transfiguration, au signe de la nuée s’était unie la parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le » (Mc 9, 7). En revanche, à l’approche de la mort du Crucifié, le silence descend, on n’entend aucune voix, mais le regard d’amour du Père reste fixé sur le don d’amour du Fils.Mais quelle est la signification de la prière de Jésus, de ce cri qu’il lance au Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », doute-t-il de sa mission, de la présence du Père ? Dans cette prière n’y a-t-il pas, précisément, la conscience d’avoir été abandonné ? Les paroles que Jésus adresse au Père sont le début du Psaume 22, dans lequel le Psalmiste manifeste à Dieu la tension entre le sentiment d’être laissé seul et la certitude de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Le Psalmiste prie : « Mon Dieu, j’appelle tout le jour, et tu ne réponds pas ; même la nuit, je n’ai pas de repos. Toi, pourtant, tu es saint, toi qui habites les hymnes d’Israël ! » (vv. 3-4). Le Psalmiste parle même d’un « cri » pour exprimer toute la souffrance de sa prière face à Dieu apparemment absent: dans un moment d’angoisse, la prière devient un cri.Et cela advient aussi dans notre relation avec le Seigneur: face aux situations les plus difficiles et les plus douloureuses, lorsque Dieu semble ne pas nous entendre, nous ne devons pas craindre de Lui confier tout le poids que nous portons dans notre cœur, nous ne devons pas avoir peur de crier vers Lui notre souffrance, nous devons être convaincus que Dieu est proche, même si en apparence il se tait.Et répétant sur la croix précisément les paroles initiales du Psaume, « Eloï, Eloï, lama sabactani ? » — « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46), en criant les paroles du Psaume, Jésus prie au moment du dernier refus des hommes, au moment de l’abandon ; mais il prie, avec le Psaume, dans la conscience de la présence de Dieu le Père même en cette heure où il sent le drame humain de la mort. Mais en nous se fait jour une question : comment est-il possible qu’un Dieu aussi puissant n’intervienne pas pour soustraire son Fils à cette terrible épreuve ? Il est important de comprendre que la prière de Jésus n’est pas le cri de celui qui va au-devant de la mort avec désespoir, ni même le cri de celui qui sait avoir été abandonné. Jésus à ce moment-là fait sien le Psaume 22 tout entier, le Psaume du peuple d’Israël qui souffre, et de cette manière, il prend sur Lui non seulement la douleur de son peuple, mais aussi celle de tous les hommes qui souffrent en raison de l’oppression du mal et, dans le même temps, porte tout cela dans le cœur de Dieu lui-même dans la certitude que son cri sera exaucé dans la Résurrection : « Le cri dans l’extrême tourment est, en même temps, certitude de la réponse divine, certitude du salut – non seulement pour Jésus lui-même, mais pour les “multitudes” » (Jésus de Nazareth ii, p. 245). Dans cette prière de Jésus sont contenus l’extrême confiance et l’abandon entre les mains de Dieu, même lorsqu’il semble absent, même lorsqu’il semble rester silencieux, suivant un dessein qui nous est incompréhensible. Dans le Catéchisme de l’Eglise catholique nous lisons ceci : « Dans l’amour rédempteur qui l’unissait toujours au Père, il nous a assumé dans l’égarement de notre péché par rapport à Dieu au point de pouvoir dire en notre nom sur la croix : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné” » (n. 603). Sa souffrance est une souffrance en communion avec nous et pour nous, qui dérive de l’amour et porte déjà en elle la rédemption, la victoire de l’amour.Les personnes présentes sous la croix de Jésus ne réussissent pas à comprendre et pensent que son cri est une supplique adressé à Elie. Dans une scène bouleversante, ils tentent de le faire boire pour prolonger sa vie et vérifier si Elie viendra vraiment à son secours, mais un hurlement puissant met fin à la vie terrestre de Jésus et à leur souhait. Au moment ultime, Jésus laisse son cœur exprimer sa douleur, mais il laisse apparaître, dans le même temps, le sens de la présence du Père et l’accord avec son dessein de salut de l’humanité. Nous aussi, nous nous trouvons toujours à nouveau face à l’« aujourd’hui » de la souffrance, du silence de Dieu — nous l’exprimons très souvent dans notre prière mais nous nous trouvons aussi face à l’« aujourd’hui de la Résurrection, de la réponse de Dieu qui a pris sur Lui nos souffrances, pour les porter avec nous et nous donner la ferme espérance qu’elles seront vaincues » (Lett. enc. Spe salvi, numéro. 35-40).Chers amis, dans la prière, nous portons à Dieu nos croix quotidienne, dans la certitude qu’Il est présent et qu’il nous écoute. Le cri de Jésus nous rappelle que, dans la prière, nous devons dépasser les barrières de notre « moi » et de nos problèmes et nous ouvrir aux besoins et aux souffrances des autres. Que la prière de Jésus mourant sur la Croix nous enseigne à prier avec amour pour tant de frères et sœurs qui sentent le poids de la vie quotidienne, qui vivent des moments difficiles, qui sont dans la douleur, qui ne reçoivent pas de parole de réconfort ; apportons tout cela au cœur de Dieu, pour qu’eux aussi puissent sentir l’amour de Dieu qui ne nous abandonne jamais. Merci.
Et demandons à la Vierge Marie de prier avec nous et pour nous le Père céleste, afin qu’il répande sur tous les croyants l’Esprit Saint, feu divin qui réchauffe les cœurs et nous aide à être solidaires avec les joies et les souffrances de nos frères.
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