coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13248 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Saint-Augustin/Sujet/«J'ai espéré dans la miséricorde de Dieu/Psaume 51,10)» Lun 24 Oct - 19:46 | |
| 1. Il me faut répondre tout d'abord à mon frère, à mon collègue dans l'épiscopat. J'ai avancé, le matin, que la charité n'est pas tranquille, point paresseuse; mais puisqu'il l'a voulu, nous obéirons et à lui, et à Dieu par lui, et à vous, demandant au Seigneur qu'il mette en vous l'obéissance. Nous venons de chanter: «J'ai espéré dans la miséricorde de Dieu (1)». Disons un mot de notre espérance. Quand il en sera temps, nous mettrons un terme aux paroles de notre discours, mais l'espérance dont il est question doit durer toujours, et ne point finir avec notre discours lui-même. Que nous parlions et que nous cessions de parler, notre espérance crie incessamment vers le Seigneur. Toutefois l'espérance elle-même (ce que je vais dire paraîtra dur, sans doute, mais ne blessera personne, j'ai la confiance que ma parole bien expliquée sera inoffensive), cette même espérance n'aura point une éternelle durée. Quand la réalité sera venue, il n'y aura plus d'espérance. Elle porte en effet ce nom d'espérance, tant que nous ne possédons pas la réalité, selon cette parole de l'Apôtre: «L'espérance que l'on voit n'est plus une espérance. Comment espérer ce que l'on voit? Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons par la patience (2)». Si donc l'espérance que l'on voit n'est plus une espérance, puisque nul ne saurait espérer ce qu'il voit, et qu'elle porte ce nom d'espérance parce qu'elle a pour objet ce que nous ne voyons point; quand cet objet sera devenu visible, alors il n'y aura plus espérance, mais réalité. . Ce ne sera point alors une malédiction d'être sans espérance; tandis que maintenant, vivre sans espérance, c'est pour chacun une malédiction, un opprobre. Malheur à celui qui est sans espérance en cette vie! Vivre en effet sans espérance est un grand malheur ici-bas, puisque nous ne tenons pas la réalité. Mais en face de la réalité, arrière toute espérance. 2. Toutefois, cette réalité que nous tiendrons alors, quelle est-elle? Qu'est-ce qui doit succéder à l'espérance? Nous rencontrons bien des hommes qui nourrissent beaucoup d'espérances terrestres et purement de cette vie. Pour nul homme la vie n'est sans espérance, et cette espérance ne s'éteint qu'à la mort. Pour les enfants, il y a espérance de grandir, de s'instruire, de connaître. L'adolescent a pour espérance le mariage, des enfants. Les parents ont l'espérance de nourrir leurs enfants, de les instruire, de voir grandir ceux qu'ils ont cajolés dans leur enfance. En sorce qu'on pourrait dire que c'est l'espérance qui domine dans la vie humaine, que c'est ce qu'il y a de plus naturel, de plus excusable et de plus vulgaire. Il est en effet bien des espérances vulgaires et très-répréhensibles; mais bornons-nous à la plus honnête, à la plus naturelle. Chacun ne vient au monde que pour croître, pour s'unir par le mariage, pour avoir des enfants, les instruire, être appelé près de ses enfants. Que cherche-t-il de plus? (1) Dans le Codex, fol. 74, on lit: «Sermon de saint Augustin, évêque». Il parle avec beaucoup d'éclat de l'espérance humaine et de l'espérance divine. On croit, d'après l'exorde, qu'il le prêcha le soir. On ne sait quel fut cet évêque qui préféra la charité tranquille à la charité inquiète. Possidius, dans son Indiculus Opp., c. 8, fait mention d'un sermon sur la charité inquiète, que l'on retrouverait peut-être, si les fureteurs de bibliothèques ne se contentaient point de parcourir les tables ou les titres. Possidius, au même endroit, fait mention de celui-ci. Là ne se borne point son espérance. Il aspire à donner des épouses à ses fils; il l'espère encore. A-t-il atteint ce but, qu'il désire des petits-fils. Quand il en a, quand il est à sa troisième génération, le voilà vieillard, mais cédant à regret sa place à ses petits-fils. Il cherche encore ce qu'il pourrait désirer, ce qu'il pourrait espérer, et il se drape de bienveillance. Puisse, dit-il, cet enfant m'appeler grand-père; puissé-je entendre ce mot de sa bouche et mourir! L'enfant grandit, l'appelle grand-père; mais celui-ci ne se regarde point encore comme aïeul. Car s'il est aïeul, s'il est vieillard, pourquoi ne point reconnaître qu'il doit s'en aller et faire place aux autres? Mais quand il entend ce nom d'honneur dans la bouche d'un enfant, cet enfant, il veut l'instruire. Et pourquoi se refuserait-il l'espérance d'un arrière-petit-fils? C'est ainsi qu'il meurt, tout en espérant; qu'il espère tantôt une chose, tantôt une autre chose, quand il a obtenu ce qu'il espérait. Mais voir une espérance réalisée ne le satisfait point, il se jette dans une autre. Pourquoi cette espérance vient-elle à se réaliser? Assurément, c'est pour mettre un terme à ton voyage; car ce terme n'est pas reculé. Et combien sont dupes de cette espérance, espérance usée? D'abord elle ne satisfait point, quand elle se réalise, et combien n'arrivent pas à la réalité! Combien ont espéré le mariage, sans y arriver? Combien l'ont espéré, avec celles qu'ils aimaient, ont réussi, pour n'aboutir qu'à des tourments! Combien ont désiré des enfants sans pouvoir en obtenir! Combien ont dû gémir de ceux qu'ils avaient obtenus! Ainsi du reste. Tel désire les richesses, ne les a-t-il point, que le désir le dévore; les a-t-il, qu'il est torturé par la crainte. Il n'est personne qui cesse d'espérer, personne qui soit rassasié. Les dupes sont en si grand nombre, et toutefois nul n'abandonne ses espérances mondaines.
3. Qu'elle se réalise un jour cette espérance qui n'est point trompeuse, mais qui rassasie, qui nous donnera ce bien qu'on ne saurait dépasser. Quel est donc cet objet de notre espérance, dont la réalisation mettra fin à toute espérance? Quel est cet objet? La terre? Non. Quelque chose qui naît sur la terre, comme l'or, l'argent, un arbre, des moissons, des fleuves? Rien de tout cela. Quelque chose qui vole dans les airs? Mon âme l'a en horreur. Serait-ce le ciel, si beau, si étincelant de lumière? Quoi de plus beau parmi les choses visibles, quoi de plus séduisant? Ce n'est point cela non plus. Qu'est-ce donc? Tout cela est beau, est délicieux, plein de charmes. Cherche celui qui a fait tout cela. C'est lui, ton espérance. Il est ici-bas ton espérance, avant d'être plus tard ton bien. L'espérance pour la foi, la réalité pour la vision. Dis-lui: «Vous êtes mon espérance». Oui, tu as raison de dire ici-bas: «Vous êtes mon espérance». Car tu crois, tu ne vois pas encore. Tu as la promesse, non la réalité. Tant que tu es dans ce corps, tu es éloigné de Dieu, tu es en chemin, non dans la patrie. C'est Dieu qui te dirige; celui qui a fait la patrie s'est fait aussi la voie pour t'y conduire. Dis-lui donc maintenant: «Vous êtes mon espérance». Que sera-t-il ensuite? «Ma portion dans la terre des vivants (1)». Celui-là qui est maintenant ton espérance, sera plus tard ta portion. Qu'il soit ton espérance sur la terre des mourants, et il sera ta portion sur la terre des vivants. Tournons-nous vers le Seigneur, etc. | |
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