Éclairer les crises, les angoisses
et les difficultés dans le mariage
231/ Il faut un mot à l’adresse de ceux qui, dans l’amour ont déjà fait vieillir le vin nouveau des fiançailles. Lorsque le vin vieillit grâce à cette expérience du chemin parcouru, la fidélité dans les petits détails de la vie s’y manifeste, fleurit dans toute sa plénitude. C’est la fidélité de l’attente et de la patience. C’est comme si cette fidélité pleine de sacrifices et de joies fleurissait à l’âge où tout vieillit ; et les yeux deviennent brillants en contemplant les petits-enfants. Il en était ainsi dès le commencement, mais cela est déjà devenu conscient, solide, a mûri grâce à la surprise quotidienne de la redécouverte jour après jour, année après année. Comme enseignait saint Jean de la Croix, « les vieux amants » sont ceux qui sont « exercés de longue main et ayant fait leurs preuves ». Ils « n’ont plus cette ferveur sensible, cette fermentation spirituelle, ces bouillonnements extérieurs. Ils goûtent la suavité du vin d’amour parfaitement cuit jusqu’à la substance […] fixée au plus intime de l’âme ». Cela suppose d’avoir été capables de surmonter ensemble les crises et les temps d’angoisse, sans fuir les défis ni cacher les difficultés.
Le défi des crises
232/ L’histoire d’une famille est jalonnée de crises en tout genre, qui font aussi partie de sa dramatique beauté. Il faut aider à découvrir qu’une crise surmontée ne conduit pas à une relation de moindre intensité mais conduit à améliorer, affermir et mûrir le vin de l’union. On ne cohabite pas pour être toujours moins heureux, mais pour apprendre à être heureux d’une nouvelle manière, à partir des possibilités qu’ouvre une nouvelle étape. Chaque crise implique un apprentissage qui permet d’accroître l’intensité de la vie partagée, ou au moins de trouver un nouveau sens à l’expérience matrimoniale. Il ne faut d’aucune manière se résigner à une courbe descendante, à une détérioration inévitable, à une médiocrité supportable. Au contraire, lorsque le mariage est assumé comme une mission, qui implique également de surmonter des obstacles, chaque crise est perçue comme l’occasion pour arriver à boire ensemble le meilleur vin. Il convient d’accompagner les conjoints pour qu’ils puissent accepter les crises qui surviennent, les affronter et leur réserver une place dans la vie familiale. Les couples expérimentés et formés doivent être disponibles pour accompagner les autres dans cette découverte, de manière que les crises ne les effraient pas ni ne les conduisent à prendre des décisions précipitées. Chaque crise cache une bonne nouvelle qu’il faut savoir écouter en affinant l’ouïe du cœur.
233/ La réaction immédiate est de se révolter face au défi d’une crise, de se mettre sur la défensive parce qu’on sent qu’elle échappe au contrôle, car elle révèle l’insuffisance du mode personnel de vie, et cela dérange. Donc, on recourt au subterfuge de nier les problèmes, de les cacher, de relativiser leur importance, de miser uniquement sur le temps qui passe. Mais cela retarde la solution et conduit à investir beaucoup d’énergie dans une occultation inutile qui compliquera encore davantage la situation. Les liens se détériorent progressivement et l’isolement se consolide, portant préjudice à l’intimité. Dans une crise non assumée, c’est la communication qui est la plus affectée. Ainsi, peu à peu, celui qui était ‘‘la personne que j’aime’’ devient ‘‘celui qui m’accompagne toujours dans la vie’’, puis seulement ‘‘le père ou la mère de mes enfants’’ et finalement un étranger.
234/ Pour affronter une crise, il faut être présent. C’est difficile, car parfois les personnes s’isolent pour ne pas exposer ce qu’elles sentent, elles s’enferment dans un silence mesquin et trompeur. En ces moments, il est nécessaire de créer des espaces pour communiquer cœur à cœur. Le problème est qu’il devient plus difficile de communiquer de cette façon durant une crise si on n’avait jamais appris à le faire. C’est tout un art qu’on apprend dans des moments de calme, pour le mettre en pratique dans les temps durs. Il faut aider à découvrir les causes les plus cachées dans les cœurs des conjoints, et à les affronter comme un accouchement qui passera et fera naître un nouveau trésor. Mais les réponses aux consultations réalisées soulignent que dans les situations difficiles ou critiques, la majorité des gens ne recourt pas à l’accompagnement pastoral, puisqu’elle ne le sent pas compréhensif, proche, réaliste, concret. Par conséquent, essayons à présent de nous approcher des crises matrimoniales avec un regard qui n’ignore pas leur charge de douleur et d’angoisse.
235/ Il y a des crises communes qui se produisent généralement dans tous les couples, comme la crise des débuts, lorsqu’il faut apprendre à rendre compatibles les différences et à se détacher des parents ; ou la crise de l’arrivée de l’enfant, avec ses nouveaux défis émotionnels ; la crise de l’allaitement, qui change les habitudes du couple ; la crise de l’adolescence de l’enfant, qui exige beaucoup d’énergie, déstabilise les parents et parfois les oppose l’un à l’autre ; la crise du ‘‘nid vide’’, qui oblige le couple à se regarder de nouveau lui-même ; la crise qui a son origine dans la vieillesse des parents des conjoints, qui demandent plus de présence, de soins et de décisions difficiles. Ce sont des situations exigeantes, qui provoquent des peurs, des sentiments de culpabilité, des dépressions ou des fatigues pouvant affecter gravement l’union.
236/ A celles-là s’ajoutent les crises personnelles qui ont des incidences sur le couple, ayant trait aux difficultés économiques, de travail, affectives, sociales, spirituelles. Et s’y ajoutent des circonstances inattendues qui peuvent altérer la vie familiale, et qui exigent un cheminement de pardon et de réconciliation. Tandis qu’il tente de faire le pas du pardon, chacun doit se demander avec une sereine humilité s’il n’a pas créé les circonstances qui ont conduit l’autre à commettre certaines erreurs. Certaines familles succombent lorsque les conjoints s’accusent mutuellement, mais « l’expérience montre qu’avec une aide appropriée et par l’action réconciliatrice de la grâce, bon nombre de crises conjugales sont surmontées d’une manière satisfaisante. Savoir pardonner et se sentir pardonné constitue une expérience fondamentale dans la vie familiale ». « L’art difficile de la réconciliation, qui nécessite le soutien de la grâce, a besoin de la généreuse collaboration de parents et d’amis, et parfois même d’une aide externe et professionnelle ».
237/ Il est devenu fréquent que, lorsque quelqu’un sent qu’il ne reçoit pas ce qu’il désire, ou que ne se réalise pas ce dont il rêvait, cela semble suffisant pour mettre fin à un mariage. À cette allure, il n’y aura pas de mariage qui dure. Parfois, pour décider que tout est terminé, il suffit d’une insatisfaction, d’une absence à un moment où on avait besoin de l’autre, d’un orgueil blessé ou d’une peur diffuse. Il y a des situations propres à l’inévitable fragilité humaine, auxquelles on accorde une charge émotionnelle trop grande. Par exemple, la sensation de ne pas recevoir complètement la pareille, les jalousies, les différences qui surgissent entre les deux, l’attraction qu’éveillent d’autres personnes, les nouveaux intérêts qui tendent à accaparer le cœur, les changements physiques du conjoint, et tant d’autres choses qui, plus que des atteintes à l’amour, sont des opportunités qui invitent à le recréer une fois de plus.
238/ Dans ces circonstances, certains ont la maturité nécessaire pour élire de nouveau l’autre comme compagnon de route, au-delà des limites de la relation, et acceptent avec réalisme qu’il ne peut satisfaire tous les rêves caressés. Ils évitent de se considérer comme les seuls martyrs, ils valorisent les possibilités, petites ou limitées, que leur donne la vie en famille et cherchent à renforcer le lien dans une construction qui demandera du temps et de l’effort. Car, au fond, ils reconnaissent que chaque crise est comme un nouveau ‘‘oui’’ qui permet à l’amour de renaître fortifié, transfiguré, mûri, illuminé. À partir d’une crise, on a le courage de chercher les racines profondes de ce qui se passe, de renégocier les accords de base, de trouver un nouvel équilibre et d’entamer ensemble une nouvelle étape. Avec une telle attitude d’ouverture constante, on peut affronter beaucoup de situations difficiles ! De toute façon, en reconnaissant que la réconciliation est possible, aujourd’hui nous découvrons qu’il est « particulièrement urgent de mettre en place un ministère dédié à ceux dont la relation conjugale s’est brisée ».
Et demandons à la Vierge Marie de prier avec nous et pour nous le Père céleste, afin qu’il répande sur tous les croyants l’Esprit Saint, feu divin qui réchauffe les cœurs et nous aide à être solidaires avec les joies et les souffrances de nos frères. Pape François(Pour avoir accès aux versets
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