« Cette nuit même, on te redemande ta vie. »
« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment » (Mc 13,33). Considérons cette question très sérieuse, qui nous regarde tous de près : que veut dire veiller en l’attente du Christ ? « Veillez, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou au matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. (…) Je vous le dis à tous : veillez ! » (v. 35s)…
Beaucoup d’hommes se moquent de la religion ouvertement (…), mais considérons ceux qui sont plus sobres et consciencieux : ils ont de bonnes qualités et pratiquent la religion dans un certain sens et jusqu’à un certain degré, mais ils ne veillent pas.(…) Ils ne comprennent pas qu’ils sont appelés à être « étrangers et voyageurs sur la terre » (He 11,13), et que leur lot terrestre et leurs biens terrestres sont une sorte d’accident de leur existence, et qu’en fait ils ne possèdent rien. (…) Il n’y a aucun doute que beaucoup de membres de l’Église vivent ainsi et ne seraient pas, ne pourraient pas être, prêts à accueillir aussitôt le Seigneur à sa venue. (…)
Quelle prise de conscience émouvante et grave pour nous que de savoir que lui-même a attiré notre attention sur ce danger précis (…), le danger de laisser l’attention de ses disciples se détourner de lui, pour n’importe quelle raison. Il les prémunit contre toutes les agitations, toutes les attirances de ce monde, les prévient que le monde ne sera pas prêt quand il viendra ; il les supplie avec tendresse de ne pas lier partie avec ce monde. Il les prévient par les exemples de l’homme riche à qui on demande compte de son âme pendant la nuit, du serviteur qui mangeait et buvait (Lc 12,45), des jeunes filles insensées (Mt 25,2). (…) Le cortège de l’Époux passe majestueusement, les anges sont là, les justes rendus parfaits sont là, les petits enfants, les saints docteurs, les saints vêtus de blanc, les martyrs lavés de leur sang (…) : son Épouse s’est préparée, elle s’est faite belle (Ap 19,7), mais beaucoup d’entre nous dorment encore.
Bienheureux John Henry Newman (1801-1890)
« Il vient à eux vers la fin de la nuit. »
« Voici manifestées la bonté et la bienveillance, l’humanité de Dieu notre Sauveur » (Tt 3,4 Vulg). Rendons grâce à Dieu qui nous donne sa consolation en abondance, dans cet état de pèlerins qui est le nôtre, dans cet exil, dans cette misère d’ici-bas… Avant que n’apparaisse son humanité, sa bonté aussi demeurait cachée. Certes, elle existait auparavant, car « la miséricorde du Seigneur est de toujours » (Ps 102,17). Mais comment aurions-nous pu savoir qu’elle était si grande ? Elle faisait l’objet d’une promesse, non d’une expérience. Voilà pourquoi beaucoup n’y croyaient pas…
Mais maintenant, les hommes peuvent croire à ce qu’ils voient, car « les témoignages du Seigneur sont vraiment sûrs » ; et pour qu’ils ne soient cachés de personne, « il a dressé sa tente en plein soleil » (Ps 92,5; 18,5). Voici que la paix n’est plus promise mais envoyée, non plus remise à plus tard mais donnée, non plus prophétisée mais proposée. Voici que Dieu a envoyé sur terre le trésor de sa miséricorde, ce trésor qui doit être ouvert par la Passion, pour répandre le prix de notre salut qui y est caché… Car si ce n’est qu’un petit enfant qui nous a été donné (Is 9,5), « en lui habite toute la plénitude de la divinité » (Col 2,9). À la plénitude des temps, elle est venue dans la chair pour être visible à nos yeux de chair, et qu’en voyant son humanité, sa bienveillance, nous reconnaissions sa bonté… Est-il rien qui prouve mieux sa miséricorde que de voir qu’il a pris notre misère ? « Qu’est-ce que l’homme, Seigneur, pour que tu tiennes tellement à lui, et pour que ton cœur s’attache à lui ? » (Ps 143,3; Jb 7,17 )
Saint Bernard (1091-1153)