1/ « Ce que tu as caché aux sages et aux
savants, tu l’as révélé aux tout-petits. »
Dieu nous a fait naître après la venue du Messie : quelles actions de grâces ne lui devons-nous pas ! La rédemption une fois opérée par Jésus Christ, quels bienfaits plus grands n’avons-nous pas reçus ! Abraham, les patriarches, les prophètes ont ardemment désiré voir le Rédempteur ; ils n’ont pas eu ce bonheur. Ils ont fatigué pour ainsi dire le ciel par leurs soupirs et leurs supplications : « Cieux, s’écriaient-ils, répandez d’en-haut votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir le Juste ! (…) Envoyez l’Agneau Dominateur de la terre (Is 45,8 ; 16,1 Vulg). (…) C’est ainsi qu’il règnera dans nos cœurs et nous affranchira de l’esclavage dans lequel nous vivons misérablement. Seigneur, fais-nous voir ta bonté, et accorde-nous le salut (Ps 84, ». C’est-à-dire : « Hâte-toi, Dieu très miséricordieux, de faire éclater sur nous ta tendresse en nous envoyant l’objet principal de tes promesses, celui qui doit nous sauver ». Tels ont été les soupirs, telles ont été les supplications ardentes des saints, avant la venue du Messie ; pourtant ils ont été privés pendant quatre mille ans du bonheur de le voir naître. Ce bonheur nous était réservé : mais que faisons-nous ? Quel profit en tirons-nous ? Sachons aimer cet aimable Rédempteur, maintenant qu’il est venu, qu’il nous a délivrés des mains de nos ennemis, qu’il nous a rachetés de la mort éternelle au prix de sa vie (…), qu’il nous a ouvert le paradis, qu’il nous a munis de tant de sacrements et de tant de puissants secours pour que nous l’aimions et le servions en paix durant cette vie, que nous en jouissions à jamais dans l’autre. (…) Mon âme, tu serais vraiment remplie d’ingratitude, si tu n’aimais pas ton Dieu, ce Dieu qui a voulu être emmailloté pour te délivrer des chaînes de l’enfer, pauvre pour te communiquer ses richesses, faible pour te rendre fort contre tes ennemis, accablé de souffrances et de tristesse pour laver tes péchés par ses pleurs.
Saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787)
2/« Tu l’as révélé aux tout-petits. »
« Je proclame ta louange, dit Jésus, parce que tu as caché cela au sages et aux savants. » Comment ! Se réjouit-il de la perte de ceux qui ne croient pas en lui ? Pas du tout : que les desseins de Dieu pour le salut des hommes sont admirables ! Quand ils s’opposent à la vérité, refusent de la recevoir, Dieu ne les force jamais, il les laisse faire. Leur égarement les pousse à retrouver le chemin ; rentrant en eux-mêmes, ils recherchent avec empressement la grâce de l’appel à la foi qu’ils avaient d’abord méprisée. Quant à ceux qui y sont restés fidèles, leur ferveur se montre ainsi encore plus forte. Le Christ se réjouit donc de ce que ces choses sont révélées à certains, mais se désole de ce qu’elles sont cachées à d’autres ; cela se voit quand il pleure sur la ville (Lc 19,41). C’est dans le même esprit que saint Paul écrit : « Rendons grâce à Dieu ! Vous qui étiez esclaves du péché, vous avez obéi maintenant de tout votre cœur à l’enseignement de l’Évangile » (Rm 6,17). (…)
De quels sages Jésus veut-il parler ici ? Des scribes et des pharisiens. Il dit cela pour encourager ses disciples en leur montrant de quels privilèges ils ont été jugé dignes ; eux qui sont de simples pêcheurs, ils ont reçu des lumières que les sages et les savants ont dédaignées. Ceux-ci ne sont sages que de nom ; ils se croient sages mais ce sont de faux érudits. C’est pourquoi le Christ ne dit pas : « Tu l’as révélé aux insensés », mais « aux petits », c’est-à-dire des gens simples et sans détour. (…) Ainsi il nous enseigne à renoncer à la folie des grandeurs et à rechercher la simplicité. Saint Paul va plus loin : « Si quelqu’un pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage » (1Co 3,18)
Saint Jean Chrysostome (345-407)
3/« Ce que tu as caché aux sages et aux
savants, tu l’as révélé aux tout-petits. »
La simplicité est si agréable à Dieu !
Vous savez que l’Écriture dit que son plaisir est de s’entretenir avec les simples, avec les simples de cœur, qui vont bonnement et simplement : « Il fait des hommes droits ses familiers » (Pr 3,32). Voulez-vous trouver Dieu ? Il parle avec les simples. Ô mon Sauveur ! Ô mes frères qui sentez le désir d’être simples, quel bonheur ! quel bonheur ! Courage, puisque vous avez cette promesse que le plaisir de Dieu est d’être avec les hommes simples.
Une autre chose qui nous recommande merveilleusement la simplicité, ce sont ces paroles de notre Seigneur : « Je te bénis, Père, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits ». Je reconnais, mon Père, et je vous en remercie, que la doctrine que j’ai apprise de votre divine Majesté et que je répands parmi les hommes, n’est connue que des simples, et que vous permettez que les prudents du monde ne l’entendent pas ; vous leur en avez caché, sinon les paroles, au moins l’esprit.
Ô Sauveur ! Ô mon Dieu ! Cela nous doit épouvanter. Nous courons après la science comme si tout notre bonheur en dépendait. Malheur à nous si nous n’en avons ! Il en faut avoir, mais en suffisance ; il faut étudier, mais sobrement. D’autres affectent l’intelligence des affaires, de passer pour gens de mise et de négociation au dehors. C’est à ceux-là que Dieu ôte la pénétration des vérités chrétiennes : aux savants et aux entendus du monde. À qui la donne-t-il donc ? Au simple peuple, aux bonnes gens… Messieurs, la vraie religion est parmi les pauvres. Dieu les enrichit d’une foi vive ; ils croient, ils touchent, ils goûtent les paroles de vie… Pour l’ordinaire, ils conservent la paix parmi les troubles et les peines. Qui est cause de cela ? La foi. Pourquoi ? Parce qu’ils sont simples, Dieu fait abonder en eux les grâces qu’il refuse aux riches et sages du monde.
Saint Vincent de Paul (1581-1660), prêtre,
fondateur de communautés religieuses