Analyse.- 1. Les Juifs pires que les Ninivites, et la reine de Saba.- 2. Comment le dernier état de l'homme délivré du démon devient-il pire que le premier.- 3. Le Christ enseigne aux parents à n'empêcher point les enfants en fait de bonnes oeuvres.- 4. Le. Christ en naissant a fait honneur aux deux sexes, de là le devoir des enfants.- 5. Réfutation des Manichéens qui soutiennent que le Christ n'eut point de mère.- 6. Preuve contre les Manichéens que le Christ eut une mère.- 7. De là, excellence de la vierge Marie.- 8. Comment le chrétien peut-il devenir mère du Christ. Si nous voulions reprendre en détail, mes frères bien-aimés, tout ce qu'on vient de nous dire dans l'Évangile, c'est à peine si notre temps suffirait pour chacun des Points. On lit dans le Codex, fol. 89: Mercredi de la première semaine de Carême, sermon de saint Augustin, évêque, contre les Manichéens.. Il dispute contre eux, dans la dernière partie, avec une grande subtilité. Dans la première, sur l'aveuglement des Juifs, sur les pécheurs récidifs, sur les devoirs des parents et des enfants. et dès lors il sera loin de nous suffire pour tous. Le Sauveur lui-même veut bien nous montrer que, dans le Prophète Jonas qui fut jeté dans la mer, qu'un monstre marin reçut dans ses entrailles et vomit le troisième jour, il y avait- une figure du Sauveur, qui souffrit et qui ressuscita le troisième jour. Le Seigneur accusait les Juifs en les comparant aux Ninivites, car ces Ninivites auxquels Jonas fut envoyé pour les réprimander, apaisèrent la colère de Dieu par la pénitence et méritèrent qu'il les prit en pitié. «Or», dit le Sauveur, «il y a ici plus que Jonas (1)», voulant nous faire comprendre que c'est lui, le Christ et le Seigneur. Les Ninivites écoutèrent le serviteur et redressèrent leurs voies; tandis que les Juifs entendirent le Maître, et non-seulement ils ne redressèrent point leurs voies, mais ils le mirent à mort. «La reine du Midi s'élèvera au jugement contre cette génération, pour la condamner», dit le Sauveur. «Car elle vint des confins de la terre, pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon (2)». Ce n'était point s'élever pour le Christ, que se mettre au-dessus de Jonas au-dessus de Salomon; car il était le maître, tandis que ceux-ci n'étaient que les serviteurs. Et toutefois, quels sont ces hommes qui ont méprisé le Seigneur présent sous leurs yeux, quand des étrangers ont obéi à ses serviteurs!
2. Nous lisons ensuite: «Quand l'esprit immonde sort d'un homme, il erre dans les lieux arides, cherchant le repos, et il ne le trouve pas; et il dit: Je reviendrai dans ma maison d'où je suis sorti; et, revenant, il la trouve vide, nettoyée et ornée. Alors il va et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et entrant, ils y habitent, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier, et ainsi en sera-t-il de cette génération criminelle (3)». Il nous faudrait un long discours pour exposer ce passage convenablement. Nous en dirons néanmoins quelques mots avec le secours de Dieu, afin de ne point vous laisser sans quelque idée de ces paroles. Quand on nous remet nos péchés par les sacrements, on nettoie la maison; mais il est nécessaire que le Saint-Esprit la vienne habiter. Or, le Saint-Esprit n'habite que chez les humbles de coeur. Car le Seigneur a dit: «En qui repose mon Esprit?» Et il fait cette réponse: «Sur l'homme humble,
sur l'homme calme, sur l'homme qui redoute ma parole (1)». Que l'Esprit-Saint habite en nous, en effet, et alors il nous absorbe, nous redresse, nous conduit, nous arrête dans le mal, nous excite au bien, nous fait goûter les charmes de la justice à ce point que l'homme fait le bien par amour pour le bien et non par la crainte du châtiment. Or, agir ainsi par lui-même, l'homme ne le trouve point dans sa nature; mais que le Saint-Esprit habite en lui, il l'aide à faire toutes sortes de bien. Que l'orgueilleux, au contraire, après la rémission de ses péchés, compte pour faire le bien sur l'unique impulsion de sa bonne volonté, son orgueil éloigne de lui l'Esprit-Saint, et alors il est une demeure purifiée des péchés, mais vide de tout bien. Tes péchés te sont remis, il n'y a plus aucun mal en toi, mais il n'y a que le Saint-Esprit seul qui te puisse remplir de biens; et ton orgueil l'éloigne de toi, ta présomption le force à t'abandonner. Ta confiance en toi te livre à toi-même. Mais cette convoitise qui te rendait mauvais et que tu as expulsée de toi-même ou de ton âme, lorsque tes péchés ont été remis, erre dans les lieux arides, cherchant le repos et ne le trouvant point, cette convoitise revient à la maison, qu'elle trouve nettoyée, «elle amène avec elle sept autres esprits plus méchants qu'elle-même, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier». «Elle amène sept autres esprits avec elle». Que signifient ces «sept autres?» L'esprit immonde est-il septénaire à son tour? Qu'est-ce que cela signifie? Le nombre sept exprime l'universalité: il était parti entièrement, il est entièrement revenu, et plût à Dieu qu'il pût revenir seul! Qu'est-ce à dire, qu' «il amène avec lui sept autres esprits?» C'est-à-dire des esprits que le méchant n'avait point dans ses désordres, et qu'il aura, quand il ne sera bon qu'en apparence. Prêtez-moi toute votre attention, dont j'ai besoin pour vous expliquer ma pensée autant que je le puis avec le secours de Dieu. Il y a sept actes du Saint-Esprit tel qu'on nous le prêche; il est pour nous «l'Esprit de sagesse et d'intelligence, de conseil et de force, de science, de piété et de crainte de Dieu (2)». Or, à ce nombre septénaire du bien, opposez sept actes mauvais: l'esprit de folie et d'erreur, l'esprit de témérité et de lâcheté, l'esprit
d'ignorance et d'impiété, et l'esprit d'orgueil opposé à l'esprit de crainte de Dieu. Voilà les sept esprits du mal. Quels soit les sept autres pires. Nous retrouvons les sept autres pires dans l'hypocrisie. C'est un mauvais esprit que l'esprit de folie, il a son pire dans la sagesse simulée. L'esprit d'erreur est mauvais, la vérité simulée est pire. L'esprit de témérité est mauvais, le conseil simulé est pire encore; l'esprit de paresse est un mal, le courage simulé est pire encore; l'esprit d'ignorance est un mal, une science simulée est pire encore; l'esprit d'impiété est un mal, la piété simulée est pire encore; l'esprit d'orgueil est un mal, la crainte simulée est pire encore. En supporter sept était difficile; mais quatorze, qui le pourra? Dès lorsque la vérité simulée vient s'ajouter à la malice, il est nécessaire que le dernier état de cet homme devienne pire que le premier.
3. «Comme il parlait ainsi devant la foule (je cite l'Évangile), sa mère et ses frères étaient au dehors, cherchant à lui parler. Quelqu'un lui dit: Voilà votre mère et vos frères qui sont dehors et qui désirent parler avec vous. Et lui: Qui est ma mère et qui sont mes frères? Puis, étendant la main sur ses disciples, il dit: Voici ma mère et mes frères. Car, quiconque fera la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mou frère, est ma soeur, est ma mère (1)». C'est à ceci que je voudrais me borner, mais pour n'avoir pas voulu laisser ce qui précède, j'y ai donné, je le sens, une assez grande part de mon temps. Ce que j'entreprends maintenant a bien des faux-fuyants, bien des difficultés, comment Notre-Seigneur Jésus-Christ a pu, dans sa piété filiale, mépriser sa mère, non telle ou telle mère, mais une mère vierge, et une mère d'autant plus vierge qu'il lui avait apporté la fécondité sans effleurer son intégrité, une mère qui concevait dans sa virginité, qui enfantait dans sa virginité, qui demeurait dans une perpétuelle virginité. Ce fut cette mère qu'il méprisa, de peur que l'affection maternelle ne lui fût un obstacle dans l'oeuvre qu'il accomplissait. Quelle était cette oeuvre? Il parlait aux populations, détruisait le vieil homme, faisait naître l'homme nouveau, délivrait les âmes, déliait ceux qui étaient enchaînés, éclairait les esprits aveugles, faisait le bien, et, dans l'accomplissement du bien,
apportait le feu de son action et de sa parole. Ce fut alors qu'on lui fit part d'une affection charnelle. Vous avez entendu sa réponse, à quoi bon la répéter? Que les mères l'entendent, et que leur affection charnelle ne soit point un obstacle aux bonnes oeuvres de leurs enfants. Apporter de tels obstacles, entraver des actions saintes, au point de les interrompre, c'est mériter le mépris de leurs fils. Et quand le Christ ne. prend point garde à la vierge Marie, que sera-ce d'une mère, mariée ou veuve, qui s'irrite contre son fils qui s'adonne au bien de toute son âme, et qui dès lors né prend point garde à l'arrivée de sa mère? Mais, direz-vous Est-ce que vous comparez mon fils au Christ? Je ne le compare point au Christ, ni vous à Marie. Le Seigneur, sans condamner l'affection maternelle, nous a donné en lui-même un grand exemple du peu d'obstacle que doit être une mère dans l'oeuvre de Dieu; sa parole était un enseignement, le peu de cas qu'il faisait un enseignement, et il a daigné faire peu attention à sa mère, afin de t'apprendre à ne pas t'arrêter à ton père et à ta mère, quand il s'agit de travailler pour Dieu.
4. Sans doute Notre-Seigneur Jésus-Christ ne pouvait devenir homme sans une mère, lui qui l'a bien pu sans un père. S'il fallait, ou plutôt parce qu'il fallait que celui qui a fait l'homme devint homme, à cause de l'homme lui-même, considérez bien attentivement comment il fit le premier homme. Le premier homme fut fait sans père et sans mère. Or, les dispositions que Dieu a pu prendre tout d'abord pour établir la race humaine, n'aurait-il pu ensuite se les appliquer à lui-même quand il s'agit de réparer cette race des hommes? Etait-ce donc une difficulté pour la sagesse de Dieu, pour le Verbe de Dieu, pour la vertu de Dieu, pour le Fils unique de Dieu, était-ce une difficulté de prendre quelque part, à son gré, cet homme qu'il devait s'adapter à lui-même? Les anges sont devenus des hommes, pour communiquer avec les hommes. Abraham donna un festin à des anges, et les invita comme s'ils eussent été des hommes, et non-seulement il les vit, mais il les toucha, puisqu'il leur lava les pieds (1). Or, tout ce que firent alors les anges n'était-ce donc que des jeux fantastiques? Si donc un ange a pu, à son gré, prendre une forme humaine, et forme
réelle, le Maître des anges ne pouvait-il pas prendre où il voulait cet homme qu'il devait s'unir? Toutefois, il ne voulut point avoir un homme pour père, ni venir parmi les hommes, par le moyen de la convoitise charnelle; mais il voulut avoir une mère, afin qu'en ne s'arrêtant point à cette mère, quand il faisait l'oeuvre de Dieu, il donnât l'exemple aux hommes. Il voulut choisir pour lui le sexe de l'homme, et néanmoins honorer dans sa mère le sexe de la femme. Car au commencement ce fut la femme qui commit le péché et qui le fit commettre à l'homme (1). Chacun des deux époux fut trompé par la ruse du diable. Que le Christ se soit fait homme, sans avoir relevé en honneur le sexe féminin, les femmes désespéreraient d'elles-mêmes, surtout que c'est par la femme que l'homme est tombé. Il a donc voulu honorer l'un et l'autre sexe, les relever, les consacrer en lui-même. Il est né d'une femme. Ne désespérez point, ô hommes, puisque le Christ a daigné se faire homme. Ne désespérez point, ô femmes, puisque le Christ a daigné prendre une femme pour mère. Que chacun des deux sexes ait sa part dans le salut du Christ. Que l'homme y vienne, que la femme y vienne aussi. Car dans la foi il n'y a ni homme ni femme (2). Donc le Christ t'enseigne tout â la fois et à mépriser tes parents, et à aimer tes parents. C'est aimer ses parents avec le dévouement qui convient, que ne point les préférer à Dieu. «Celui qui aime son père et sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi (3)». Ce sont les paroles du Seigneur, et ces paroles semblent nous dissuader d'aimer, ou plutôt, si l'on y fait attention, elles nous avertissent d'aimer nos parents. Le Seigneur aurait pu dire: Celui qui aime son père ou sa mère n'est pas digne de moi. Or, il n'a point tenu ce langage, pour ne point parler contre la loi; car c'est lui qui a donné la loi par Moïse, son serviteur, loi qui porte: «Honore ton père et ta mère (4)». Il n'a point proclamé une loi contraire, mais il a recommandé celle-ci, en y réglant la piété filiale sans la détruire. «Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi». Qu'il les aime donc, mais non plus que moi. Dieu est Dieu, et l'homme est homme. Aime tes parents, obéis à tes parents, honore tes parents; mais si Dieu t'appelle à de plus hauts desseins où l'amour des parents puisse être un obstacle, observe l'ordre et ne renverse pas la charité.
5. Or, dans cette doctrine si vraie de Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur, qui croirait que les Manichéens sont allés chercher ces assertions calomnieuses par lesquelles ils voudraient nous enseigner que Notre-Seigneur Jésus-Christ n'eut point de mère. Dans leur sagesse, ou plutôt dans leur folie, ils nous disent que le Seigneur Jésus n'eut point de mère dans la race de l'homme, et cela contrairement à l'Évangile, contre la vérité la plus éclatante. Et voyez d'où ils tirent leur argumentation. Voilà, disent-ils, que lui-même l'a enseigné. Que dit-il? «Qui est ma mère, et qui sont mes frères (1)?» Le voilà qui nie, et ce qu'il nie, tu veux nous forcer à le croire. Lui-même dit: «Qui est ma mère et qui sont mes frères?» et tu viens nous dire: Il a une mère. O insensé, ô misérable, ô détestable disputeur! Réponds-moi: d'où sais-tu que le Seigneur a dit: «Qui est ma mère et qui sont mes frères?» Tu prétends que le Christ n'eut point de mère, et cette prétention, tu veux l'appuyer sur cette parole: «Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» Qu'un autre s'en vienne et te dise que le Seigneur n'a point tenu ce langage, comment pourras-tu l'en convaincre? Réponds, si tu le peux, à celui qui viendra nier cette parole du Christ. Ton arme pour le convaincre doit te convaincre toi-même. Est-ce bien le Christ qui t'a soufflé à l'oreille qu'il a tenu ce langage? Réponds, afin d'être convaincu par ta propre bouche. Réponds, afin de me convaincre que le Christ a tenu ce langage. Je sais ce que tu vas dire. Je prendrai son livre, j'ouvrirai l'Évangile, et je réciterai ses paroles consignées dans l'Évangile. C'est bien, très-bien! C'est avec l'Évangile que je te tiendrai, avec l'Évangile que je vais t'enlacer, avec l'Évangile que je vais t'étouffer. Récite dans l'Évangile ce que tu crois en ta faveur. Ouvre et lis: «Qui est ma mère?» Tu verras plus haut ce qui te fait parler de la sorte. Quelqu'un lui vint dire: «Voilà votre mère et vos frères qui se tiennent dehors (2)». Je ne te presse pas encore, je ne te tiens pas, je ne t'étouffe pas encore, puisque tu peux dire que c'était là une assertion fausse, contraire à la vérité, mensongère, et que dès lors le Seigneur la réfuta,
puisque à cette nouvelle il répondit «Qui est ma mère?» comme s'il disait: Tu viens me dire que ma mère est dehors, et moi je te réponds: «Qui est ma mère?» Auquel devons-nous croire? A celui qui donne cette nouvelle, ou au Christ qui n'accepte pas ce qu'il semblait dire? Ecoute-moi bien, encore une question, seulement fixe-toi à l'Évangile, et ne jette point le livre derrière toi. Tiens l'Évangile, acceptes-en l'autorité, autrement tu ne pourras plus me prouver que le Seigneur a dit: «Qui est ma mère?» Et quand tu auras reconnu l'autorité de l'Évangile, écoute ma question. Tout à l'heure, je te demandais d'où sais-tu que le Christ a dit: «Qui est ma mère?» Qu'est-ce qui prouve cette question? Quelqu'un vient dire au Christ: Votre mère est dehors. Mais avant la parole de cet homme, ou plutôt pour le faire parler ainsi, qu'est-ce qui précède? Lis bien, je t'en prie. On dirait que tu crains de lire. «Le Seigneur répondit et dit». Qui est-ce qui parle ici? Je ne dis point qui est-ce qui dit: «Qui est ma mère?» car tu me répondras: C'est le Seigneur; mais bien qui est-ce qui dit: «Le Seigneur répondit». Tu es forcé de répondre que c'est l'Evangéliste. Or, cet Evangéliste a-t-il dit vrai ou non? Tu ne sauras échapper, il te faut dire qu'il a dit vrai ou faux. Cette parole de l'Evangéliste: «Le Seigneur répondit et lui dit» est-elle vraie ou non? Si tu me dis que cette assertion de l'Evangéliste, que le Seigneur répondit, est une assertion fausse; d'où sais-tu que le Seigneur dit: «Qui est ma mère?» Mais si tu nous affirmes que cette parole: «Qui est ma mère» est vraiment du Sauveur, par cela seul que l'Evangéliste le lui attribue, tu ne saurais affirmer que le Seigneur a tenu ce langage sans croire à l'Evangéliste. Mais si tu crois à l'Evangéliste, et si tu ne saurais rien affirmer sans croire à l'Evangéliste, lis aussi ce que cet Evangéliste a dit plus haut.
6. Combien je dois t'impatienter! Combien je te tiens en suspens! C'est mon avantage pour te vaincre plus tôt. Vois, considère et lis. Tu ne voudrais pas, je crois. Donne le livre et je lirai: «Comme il parlait ainsi à la foule». Qui tient ce langage? L'Evangéliste, et si tu ne crois pas à l'Evangéliste, alors le Christ n'a rien dit. Si le Christ n'a rien dit, il n'a pas dit: «Qui est ma mère?» mais s'il a dit: «Qui est ma mère?» ce qu'a écrit l'Evangéliste est selon la vérité. Ecoute ce qu'il a dit auparavant: «Comme il parlait ainsi à la foule, sa mère et ses frères se tenaient au dehors, cherchant à lui parler». Cet homme n'a rien annoncé encore d'où tu puisses l'accuser de mensonge. Vois ce qu'il a dit, vois ce que l'Evangéliste a écrit plus haut: «Comme le Seigneur parlait ainsi a à la foule, sa mère et ses frères se tenaient dehors». Qui parle ainsi? L'Evangéliste, que tu en crois quant à cette parole du Seigneur: «Qui est ma mère?» Mais si tu ne crois pas les paroles précédentes, aussi bien que ces dernières, alors le Seigneur n'a donc point dit: «Qui est ma mère?» Mais le Seigneur a vraiment dit: «Qui est ma mère?» Crois donc à celui qui attribue au Seigneur cette parole: «Qui est ma mère?» Celui qui attribue au Seigneur cette parole: «Qui est ma mère?» a dit aussi: «Comme il parlait de la sorte, sa mère se tenait au dehors». Pourquoi donc a-t-il nié qu'elle fût sa mère. Loin de là! comprends bien. Sans renier sa mère, il lui préféra l'oeuvre qu'il faisait. Il ne nous reste plus qu'à chercher pourquoi le Seigneur a dit: «Qui est ma mère?» Voyons d'abord ce qu'on lui rapportait, pour dire: «Qui est ma mère?» On lui disait qu'elle était là dehors, et voulait lui parler. Réponds-moi, d'où sais-tu cela? L'Evangéliste le rapporte, et si je ne l'en crois point, le Seigneur n'a rien dit. Donc il avait une mère; mais que veut dire: «Qui est ma mère?» Dans l'oeuvre que j'accomplis, qu'est-ce que ma mère? Qu'un homme qui a un père, soit exposé au danger, et dis-lui: Que ton père te délivre, quand surtout il sait que ce père ne pourrait délivrer son fils, ne répondra-t-il point en toute vérité et sans offenser la piété filiale: «Qu'est-ce que mon père?» Dans l'oeuvre que j'entreprends, et pour le besoin que je ressens, qu'est-ce que mon père? Or, pour l'oeuvre du Christ qui délivrait les captifs, qui rendait la lumière aux aveugles, qui édifiait l'homme intérieur, qui se construisait un temple spirituel, qu'était-ce que sa mère? Mais si tu veux en conclure qu'il n'avait point de mère ici-bas, parce qu'il dit: Qui est ma mère? les disciples, à leur tour, n'auront point de père en cette vie, puisque le Seigneur leur dit: «Ne dites point que vous avez un père sur la terre». Ce sont là les paroles du Seigneur: «N'appelez personne (477) votre père; vous n'avez qu'un seul père qui est Dieu (1)». Non pas qu'ils n'aient point de pères, mais quand il s'agit de la régénération, cherchons un père dans le sens de la régénération, et sans condamner celui qui nous a engendrés, préférons-lui celui qui nous a régénérés.
7. Mais considérez bien ceci, mes frères bien-aimés, considérez, je vous en supplie, ce que dit Notre-Seigneur Jésus-Christ en étendant la main sur ses disciples: «Voici ma mère, voici mes frères. Et celui qui fera la volonté de mon Père qui m'a envoyé, celui-là est mon frère, ma soeur et ma mère». N'a-t-elle point fait la volonté du Père, cette vierge Marie qui a cru, qui a conçu par la foi, qui a été choisie, afin que d'elle le salut vînt aux hommes; qui a été créée par le Christ avant que le Christ fût créé en elle? Oui, Marie qui est sainte a fait la volonté du Père, et dès lors il est plus glorieux pour Marie d'avoir été disciple du Christ que mère du Christ, plus heureux pour Marie d'avoir été disciple du Christ que mère du Christ. Marie était donc bienheureuse de porter le Maître dans son coeur avant de le mettre au monde. Vois si je ne dis point la vérité. Comme le Seigneur venait à passer avec la foule qui le suivait, et faisait des oeuvres divines, une femme s'écria: «Bienheureux le sein qui vous a porté! bienheureuses les entrailles qui vous ont porté (2)!» Et le Seigneur, pour qu'on ne recherchât point la félicité dans ce qui est charnel, que répondit-il! «Bien plus heureux ceux qui entendent la parole de Dieu et la mettent en pratique (3)». Le bonheur de Marie vient donc de ce qu'elle a entendu et mis en pratique la parole de Dieu. Son âme a plus gardé la vérité que ses entrailles n'ont gardé la chair. Car le Christ est vérité, comme le Christ est chair. A l'âme de Marie le Christ vérité, aux entrailles de Marie le Christ fait chair. Car ce qui est dans l'âme est bien supérieur à ce que renferment les entrailles. Marie est donc sainte, Marie est bienheureuse, mais l'Église est supérieure à Marie. Pourquoi? Parce que Marie est une portion de l'Église, un membre saint, membre excellent, membre suréminent, mais pourtant membre du corps entier.
Mais si elle fait partie du corps entier, assurément ce corps entier est supérieur à un membre. C'est le Seigneur qui est la tête, et la tête et le corps forment tout le Christ. Que dirai-je? Nous avons une tête divine, et Dieu est notre tête. Donc, mes frères bien-aimés, écoutez encore. Vous êtes les membres du Christ, le corps du Christ. Considérez comment vous êtes ce qui est dit ici: «Voilà ma mère et mes frères». Comment serez-vous la mère du Christ? «Quiconque entend, et quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans le ciel, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère (1)». Frères, je comprends, soeurs, je comprends encore; car il n'y a qu'un seul héritage, et dans sa miséricorde, le Christ Fils unique du Père ne voulut point être seul à partager l'héritage de son Père, il voulut nous faire ses cohéritiers. Tel est en effet l'héritage, que le grand nombre des héritiers ne saurait le diminuer. Je comprends dès lors que nous sommes les frères du Christ et que les soeurs du Christ seront les femmes saintes et fidèles; comment pourrons-nous comprendre les mères du Christ? Quoi donc! Oser nous dire mères du Christ? Eh bien! oui, mères du Christ, j'oserai le dire. Je dirai que vous êtes ses frères, et je n'oserais dire sa mère? Mais j'oserai bien moins encore nier ce que le Christ a dit lui-même. Voyez donc, mes bien-aimés, voyez comment l'Église est l'épouse du Christ, ce qui est évident; de même elle est mère du Christ, ce qui nous paraît plus difficile à comprendre et n'en est pas moins vrai. La vierge Marie a été d'avance le type de l'Église. Or, je vous le demande, comment Marie est-elle mère du Christ, sinon parce qu'elle a enfanté les membres du Christ? Maintenant, qui vous a enfantés? J'entends le cri de votre coeur Notre mère la sainte Église. Semblable à Marie, cette mère sainte et glorieuse enfante et demeure vierge. Qu'elle enfante, je le prouve par vous-mêmes. C'est d'elle que vous êtes nés, et dès lors elle enfante le Christ, puisque vous êtes membres du Christ. J'ai prouvé qu'elle enfante, je prouverai qu'elle est vierge. Je ne suis point dépourvu de divins témoignages, ils ne me font pas défaut. Viens parler à mon peuple, 8 bienheureux Paul. Sois le garant de mon assertion. Crie bien haut, et dis ce que je veux dire: «Je a vous ai fiancés à cet unique époux Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure (1)». Où est donc cette virginité?
Où redoute-t-on jusqu'à l'ombre de la corruption? Qu'il réponde, celui qui a proféré ce nom de vierge. «Je vous ai fiancés à cet a unique époux Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure. Mais je crains que, comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits de même ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est selon Jésus-Christ». Gardez dans vos esprits la virginité d'esprit. La virginité de la foi catholique, c'est son intégrité. Où Eve se laissa séduire à la parole du serpent, l'Église catholique doit être vierge parle don du Tout-Puissant. Que les membres du Christ enfantent dès lors par l'esprit, comme les entrailles virginales de Marie enfantèrent le Christ, et vous serez par là mères du Christ. Cette oeuvre n'est point trop éloignée de vous, n'est point au-dessus de vous, n'a rien d'incompatible avec vous. Vous avez été des fils, soyez aussi des mères; fils de la mère quand vous avez été baptisés, alors vous êtes nés membres du Christ. Amenez au bain du baptême ceux que vous pourrez amener; et de même que vous avez été des fils en naissant, vous serez des mères du Christ, en donnant naissance à d'autres.
Que la Vierge Marie nous aide à nous laisser toucher
le cœur par cette sainte parole de Jésus, brûlante comme
le feu, qui nous transforme et nous rend capables de
faire du bien sans rien en retour, faire du bien sans rien
en retour, en témoignant partout de la victoire de l’amour.