Toutefois, pour mieux mettre au point certaines dimensions spécifiques de ce colloque très spécial de salut qu'est la confession sacramentelle, je voudrais aujourd'hui prendre comme «icône biblique» la rencontre de Jésus avec Zachée (Lc 19,1-10). Il me semble en effet que ce qui se passe entre Jésus et le «chef des publicains» de Jéricho ressemble, sous divers aspects, à une célébration du sacrement de la miséricorde.
En suivant ce récit, bref mais si intense, nous voulons scruter en quelque sorte, dans les attitudes et dans la voix du Christ, toutes les nuances de sagesse humaine et surnaturelle que nous devons, nous aussi, chercher à exprimer pour que le sacrement soit vécu dans les meilleures conditions.
Le récit, nous le savons, présente la rencontre entre Jésus et Zachée presque comme un fait du hasard. Jésus entre à Jéricho et traverse la ville, accompagné par la foule ( Lc 19,3). En grimpant dans le sycomore, Zachée semble poussé presque uniquement par la curiosité. Parfois les rencontres de Dieu avec l'homme ont justement l'apparence du hasard. Mais rien n'est «dû au hasard» de la part de Dieu. Situés comme nous le sommes dans les réalités pastorales les plus diverses, nous risquons parfois de nous décourager ou de nous démotiver du fait que de si nombreux chrétiens non seulement ne prêtent pas l'attention voulue à la vie sacramentelle, mais aussi, quand ils s'approchent des sacrements, ils le font bien souvent d'une manière superficielle. Ceux qui ont l'expérience des confessions, de la manière dont on aborde ce sacrement dans la vie courante, peuvent parfois être déconcertés face au fait que certains fidèles viennent se confesser sans même bien savoir ce qu'ils veulent. Pour certains d'entre eux, le choix d'aller se confesser peut être dicté par le seul besoin d'être écoutés. Pour d'autres, par l'exigence d'avoir un conseil. Pour d'autres encore, par la nécessité psychologique de se libérer de l'oppression des «sentiments de faute». Pour beaucoup, il y a le besoin authentique de rétablir un rapport avec Dieu, mais ils se confessent sans prendre suffisamment conscience des engagements qui en découlent, faisant au besoin un examen de conscience très réducteur, par manque de formation sur les implications d'une vie morale inspirée par l'Évangile. Quel confesseur n'a pas fait cette expérience?
Eh bien, c'est précisément le cas de Zachée. Tout est étonnant dans ce qui lui arrive. S'il n'y avait pas eu, à un certain moment, la «surprise» du regard du Christ, il serait peut-être resté un spectateur muet de son passage dans les rues de Jéricho. Jésus serait passé à côté de sa vie, et non dans sa vie. Zachée lui-même ne se doutait pas que la curiosité qui l'avait poussé à un geste si singulier était déjà le fruit d'une miséricorde qui le précédait, qui l'attirait et bientôt le changerait au plus profond de son cœur.
Mes chers Prêtres, en pensant à nos nombreux pénitents, relisons cette admirable indication de Luc sur l'attitude du Christ: «Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l'interpella: “Zachée, descends vite: aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison''» (Lc 19,5). Chacune de nos rencontres avec un fidèle qui demande à se confesser, même d'une manière un peu superficielle parce qu'il n'est pas convenablement motivé ni préparé, peut toujours être, par la grâce surprenante de Dieu, ce «lieu» proche du sycomore où le Christ leva les yeux vers Zachée.
Le degré de pénétration du regard du Christ dans l'âme du publicain de Jéricho est pour nous impossible à mesurer. Mais nous savons que ce regard est celui-là même qui fixe chacun de nos pénitents. Dans le sacrement de la Réconciliation, nous sommes les instruments d'une rencontre surnaturelle qui a ses lois propres et que nous devons seulement respecter et seconder. Cela a dû être pour Zachée une expérience bouleversante que de s'entendre appeler par son nom. Ce nom était, pour beaucoup de ses concitoyens, chargé de mépris. Maintenant, il l'entendait prononcer avec un accent de tendresse, qui exprimait non seulement de la confiance, mais aussi de la familiarité et comme l'urgence d'une amitié. Oui, Jésus parle à Zachée comme à un ami de longue date, peut-être oublié, mais qui n'a pas pour autant renoncé à sa fidélité et qui entre donc avec la douce pression de l'affection dans la vie et dans la maison de l'ami retrouvé: «Descends vite: aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison» (Lc 19,5).
Dans le récit de Luc, la tonalité du langage est frappante: tout est si personnalisé, si délicat, si affectueux! Il ne s'agit pas seulement de traits touchants d'humanité. Il y a dans ce texte une urgence intrinsèque, par laquelle Jésus révèle définitivement la miséricorde de Dieu. Il dit: «Il faut que j'aille demeurer dans ta maison», ou, pour traduire encore plus littéralement: «Il est nécessaire pour moi d'aller demeurer dans ta maison» (Lc 19,5). Suivant la mystérieuse carte des routes que le Père lui indique, Jésus a aussi trouvé Zachée sur son chemin. Il s'arrête chez lui comme pour une rencontre prévue depuis le début. La maison de ce pécheur est sur le point de devenir, en dépit de tant de murmures de la mesquinerie humaine, un lieu de révélation, le décor d'un miracle de la miséricorde. Cela ne se produira certes pas si Zachée ne libère pas son cœur des liens de l'égoïsme et des racines de l'injustice perpétrée par escroquerie. Mais la miséricorde lui est déjà parvenue, offerte gratuitement et en surabondance. La miséricorde l'a précédé!
C'est ce qui se réalise dans toute rencontre sacramentelle. Nous ne devons pas imaginer que c'est le pécheur qui, par son chemin autonome de conversion, gagne la miséricorde. Au contraire, c'est la miséricorde qui le pousse sur le chemin de la conversion. Par lui-même, l'homme n'est capable de rien. Et il ne mérite rien. Avant d'être un chemin de l'homme vers Dieu, la confession est une irruption de Dieu dans la maison de l'homme.