Alors, vous aussi, vous connaissez le chemin du salut et les moyens de ressourcement. Je dirais d’abord: une reprise spirituelle. Comment pourrions-nous remédier a la crise spirituelle de notre temps si nous ne prenions pas nous-mêmes les moyens d’une union profonde et constante au Seigneur dont nous sommes les serviteurs? Dans le Curé d’Ars, nous avons un guide hors pair. Il disait: “Le prêtre est avant tout un homme de la prière... C’est la réflexion, l’oraison, l’union à Dieu qu’il nous faut”. Ce ne pas sans raison que nos directeurs spirituels ont insisté sur un temps d’oraison donné chaque jour, gratuitement, en présence du Seigneur, sur l’écoute quotidienne de la Parole de Dieu, sur la louange et l’intercession, au nom de l’Eglise, par la prière de la liturgie des Heures, sur la façon de célébrer quotidiennement l’Eucharistie, sur la prière mariale: quelle admiration avait pour la Vierge le Curé d’Ars: “Ma plus vieille affection”! Et quelle confiance: “Il suffit de se tourner vers Elle pour être exaucé”!
Je pense encore à des moments réguliers de retraite pour laisser à l’Esprit de Dieu la possibilité de nous pénétrer, de nous “vérifier”, et nous aider à discerner l’essentiel de notre vocation. La rencontre quotidienne des beautés et des misères humaines, dans notre ministère, est évidemment à intégrer dans notre prière; elle peut la nourrir, à condition de tout rapporter au Seigneur, “pour sa gloire”. Tous nos engagements sacerdotaux prennent un nouveau relief dans la lumière de cette vitalité spirituelle:
– le célibat, signe de notre disponibilité sans limite au Christ et aux autres;
– une pauvreté réelle, qui est participation à la vie du Christ pauvre et à la condition des pauvres, comme l’a montré le Père Chevrier;
– l’obéissance, qui traduit notre service en Église;
– l’ascèse nécessaire à toute vie, à commencer par celle du ministère quotidiennement accompli;
– l’acceptation des épreuves qui surviennent et même des mortifications volontaires
offertes avec amour pour les âmes: le Curé d’Ars a fait l’expérience de cette parole du Seigneur: “Il y a des démons que ne se chassent que par le jeûne et la prière”.
Mais, direz-vous, où trouver l’énergie pour tout cela? Certes, nous ne sommes pas dispensés d’être des hommes de courage. Mais “le joug est doux et le fardeau léger” si notre courage s’appuie sur la foi, sur la confiance que le Seigneur n’abandonnera pas ceux qui se sont livrés à lui: “Dieu est plus grand que notre cœur”. Par surcroît, nous trouverons la joie: le visage émacié du Curé d’Ars semblait toujours sourire!
“ Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver
à tout prix quelques-uns. 1 Corinthiens 9,22 ”. Le ministère sacerdotale, vécu dans un état d’union à Dieu, est alors le terrain quotidien de notre sanctification. Jésus priait ainsi le Père pour ses Apôtres: “Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du mauvais” (Jean 17, 15) Le Concile a recommandé aux pasteurs de ne jamais être étrangers à l’existence et aux conditions de vie de leur troupeau. En France, beaucoup de prêtres de la génération du Concile, et déjà auparavant, ont eu très fortement ce souci. Cette attitude d’accueil, d’écoute, de compréhension, de partage, est toujours nécessaire pour que l’évangélisation se fasse en termes audibles et crédibles. Je le dis notamment aux nouvelles générations de séminaristes.
Le Père Chevrier s’était fait pauvre avec les pauvres; il faut pareillement pénétrer les mentalités nouvelles des milieux à évangéliser, riches ou pauvres, cultivés ou non. Il faut que, par vous, la vigueur missionnaire de vos aînés se maintienne pour le monde actuel. Mais précisément pour cela, les prêtres, dit aussi le Concile, n’oublieront pas qu’ils sont les dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, et qu’ils n’ont pas à se modeler sur le monde présent, mais à l’interpeller au nom de l’Évangile. Ils n’ont même pas à cautionner les options temporelles ou politiques de leurs fidèles, même légitimes, afin que leur ministère soit ouvert à tous et orienté clairement vers le Royaume de Dieu.