coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13248 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don Mar 1 Oct - 16:31 | |
| Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don Dans le débat philosophique et théologique, ces distinctions ont souvent été radicalisées jusqu'à les mettre en opposition entre elles : l’amour descendant, oblatif, précisément l’agapè, serait typiquement chrétien; à l'inverse, la culture non chrétienne, surtout la culture grecque, serait caractérisée par l’amour ascendant, possessif et sensuel, c’est-à-dire par l’eros. Si on voulait pousser à l’extrême cette antithèse, l’essence du christianisme serait alors coupée des relations vitales et fondamentales de l’existence humaine et constituerait un monde en soi, à considérer peut-être comme admirable mais fortement détaché de la complexité de l’existence humaine. En réalité, eros et agapè – amour ascendant et amour descendant – ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre. Plus ces deux formes d’amour, même dans des dimensions différentes, trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général. Même si, initialement, l’eros est surtout sensuel, ascendant – fascination pour la grande promesse de bonheur –, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera «être pour» l’autre. C’est ainsi que le moment de l’agapè s’insère en lui ; sinon l'eros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ, du cœur transpercé duquel jaillit l’amour de Dieu (cf. Jn 19, 34). Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. L’amour du prochain se révèle ainsi possible au sens défini par la Bible, par Jésus. Il consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais même pas. Cela ne peut se réaliser qu’à partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. Au-delà de l’apparence extérieure de l’autre, jaillit son attente intérieure d’un geste d’amour, d’un geste d’attention, que je ne lui donne pas seulement à travers des organisations créées à cet effet, l’acceptant peut-être comme une nécessité politique. Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. Ici apparaît l’interaction nécessaire entre amour de Dieu et amour du prochain, sur laquelle insiste tant la Première Lettre de Jean. Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être «pieux» et accomplir mes «devoirs religieux», alors même ma relation à Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement «correcte», mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer. Les saints – pensons par exemple à la bienheureuse Teresa de Calcutta – ont puisé dans la rencontre avec le Seigneur dans l’Eucharistie leur capacité à aimer le prochain de manière toujours nouvelle, et réciproquement cette rencontre a acquis son réalisme et sa profondeur précisément grâce à leur service des autres. Amour de Dieu et amour du prochain sont inséparables, c’est un unique commandement. Tous les deux cependant vivent de l’amour prévenant de Dieu qui nous a aimés le premier. Ainsi, il n’est plus question d’un «commandement» qui nous prescrit l’impossible de l’extérieur, mais au contraire d’une expérience de l’amour, donnée de l’intérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé avec d’autres. L’amour grandit par l’amour. L’amour est «divin» parce qu’il vient de Dieu et qu’il nous unit à Dieu, et, à travers ce processus d’unification, il nous transforme en un Nous, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusqu’à ce que, à la fin, Dieu soit «tout en tous» (1 Co 15, 28). Pape Benoit XV1 | |
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