coeurtendre Admin
Nombre de messages : 12693 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Question 4 / avec les curés et le clergé du diocèse de Rome Ven 25 Oct - 16:51 | |
| Question 4 / avec les curés et le clergé du diocèse de Rome Il n'y a pas de question de la part du père Giampiero Ialongo, c'est beaucoup plus des interrogations sur le
sujet de la pauvreté matérielle. Votre Sainteté, je suis le père Giampiero Ialongo, l'un des nombreux prêtres qui exercent leur ministère dans la banlieue de Rome, plus précisément à Torre Angela, qui jouxte les quartiers de Torbellamonaca, Borghesiana, Borgata Finocchio, Colle Prenestino. Des banlieues qui, comme tant d'autres, sont souvent oubliées et négligées par les institutions. Je suis heureux que nous ayons été convoqués cet après-midi par le président du quartier: nous verrons ce qui pourra naître de cette rencontre avec la municipalité. Et, peut-être davantage que d'autres zones de notre ville, nos banlieues ressentent de manière vraiment profonde les difficultés que la crise économique internationale commence à faire peser sur les conditions matérielles de vie de nombreuses familles. En tant que Caritas paroissiale, mais surtout aussi en tant que Caritas diocésaine, nous réalisons de nombreuses initiatives qui ont tout d'abord pour objectif l'écoute, mais également une aide matérielle, concrète, à l'égard de de ceux qui - sans distinction de races, de cultures, de religions - s'adressent à nous. Malgré tout cela, nous nous rendons compte toujours davantage que nous nous trouvons devant une véritable urgence. Il me semble que de nombreuses personnes, trop de personnes - non seulement des retraités, mais aussi ceux qui possèdent un emploi régulier, un contrat à temps indéterminé -, rencontrent de grandes difficultés pour faire cadrer le budget familial. Des paquets alimentaires, comme nous le faisons, quelques vêtements, parfois des aides économiques concrètes pour payer les factures ou le loyer, peuvent effectivement représenter une aide mais, me semble-t-il, pas une solution. Je suis convaincu qu'en tant qu'Eglise, nous devrions nous interroger davantage sur ce que nous pouvons faire, mais plus encore sur les motifs qui ont déterminé cette situation de crise généralisée. Nous devrions avoir le courage de dénoncer un système économique et financier injuste à ses racines. Et je ne crois pas que face à ces inégalités, introduites par ce système, un peu d'optimisme soit suffisant. Une parole faisant autorité est nécessaire, une parole libre, qui aide les chrétiens, comme vous l'avez déjà dit d'une certaine manière, Saint-Père, à gérer avec sagesse évangélique et avec responsabilité les biens que Dieu a donnés et donne à tous et pas seulement à quelques-uns. Cette parole, comme vous l'avez déjà fait auparavant - car d'autres fois, nous avons écouté votre parole à ce propos -, je souhaiterais l'entendre à nouveau dans ce contexte. Merci, Votre Sainteté!Pape Benoit XVI: Tout d'abord, je voudrais remercier le cardinal-vicaire pour sa parole de confiance: Rome peut donner davantage de candidats pour la moisson du Seigneur. Nous devons surtout prier le Seigneur de la moisson, mais aussi jouer notre rôle pour encourager les jeunes à dire oui au Seigneur. Et, naturellement, les jeunes prêtres sont justement appelés à donner l'exemple à la jeunesse d'aujourd'hui qu'il est bon de travailler pour le Seigneur. Dans ce sens, nous sommes pleins d'espérance. Nous prions le Seigneur et nous accomplissons notre devoir.A présent, cette question qui touche le centre des problèmes de notre temps. Je distinguerais deux niveaux. Le premier niveau est celui de la macroéconomie, qui se réalise et touche ensuite jusqu'au dernier citoyen, qui ressent les conséquences d'une construction erronée. Naturellement, dénoncer ce fait est un devoir de l'Eglise. Comme vous le savez, depuis longtemps, nous préparons une Encyclique sur ces points. Et sur ce long chemin, je vois combien il est difficile de parler avec compétence, car, si elle n'est pas affrontée avec compétence, une certaine réalité économique ne peut pas être crédible. Et, d'autre part, il est aussi nécessaire de parler avec une grande conscience éthique, disons créée et éveillée par une conscience formée par l'Evangile. Il faut donc dénoncer ces erreurs fondamentales qui sont à présent apparues dans l'effondrement des grandes banques américaines, les erreurs de fond. En fin de compte, il s'agit de l'avarice humaine comme péché ou, comme le dit la Lettre aux Colossiens, de l'avarice comme idolâtrie. Nous devons dénoncer cette idolâtrie qui va contre le vrai Dieu et la falsification de l'image de Dieu avec un autre Dieu, "mammon". Nous devons le faire avec courage, mais aussi de manière concrète. Car les grands moralismes ne sont d'aucun secours s'ils ne sont pas soutenus par des connaissances de la réalité, qui aident également à comprendre ce que l'on peut concrètement faire pour changer peu à peu la situation. Et, naturellement, pour pouvoir le faire, la connaissance de cette vérité et la bonne volonté de tous sont nécessaires.Nous nous trouvons ici devant un point fort: le péché originel existe-t-il vraiment? S'il n'existait pas, nous pourrions faire appel à la raison lucide, avec des arguments qui sont accessibles à chacun et incontestables, et à la bonne volonté qui existe chez tous. Nous pourrions aller de l'avant de façon positive simplement de cette manière, et réformer l'humanité. Mais il n'en est pas ainsi: la raison - également la nôtre - est obscurcie, nous le voyons chaque jour. Car l'égoïsme, la racine de l'avarice, se trouve dans le fait de vouloir surtout soi-même et le monde pour soi. Il existe en chacun de nous. Tel est l'obscurcissement de la raison: celle-ci peut être très docte, avec de très beaux arguments scientifiques, mais toutefois, elle est obscurcie par de fausses prémisses. C'est ainsi qu'on avance avec une grande intelligence et à grands pas sur la mauvaise route. La volonté est elle aussi, pourrions-nous dire, déviée comme le disent les Pères: elle n'est pas simplement disponible pour accomplir le bien, mais elle se cherche surtout elle-même ou recherche le bien de son propre groupe. C'est pourquoi trouver réellement la voie de la raison, de la raison véritable, est déjà une chose difficile et se développe difficilement dans un dialogue. Sans la lumière de la foi, qui entre dans les ténèbres du péché originel, la raison ne peut pas aller de l'avant. Mais la foi trouve ensuite précisément la résistance de notre volonté. Celle-ci ne veut pas voir la route, qui constituerait également une route de renoncement à soi-même et d'une correction de sa propre volonté en faveur de l'autre et non de soi-même.C'est pourquoi je dirais qu'il est nécessaire de dénoncer de façon raisonnable et raisonnée les erreurs, non pas avec de grands moralismes, mais avec des raisons concrètes qui soient compréhensibles dans le monde de l'économie d'aujourd'hui. La dénonciation de ce fait est importante, c'est un mandat pour l'Eglise depuis toujours. Nous savons que dans la nouvelle situation qui s'est créée avec le monde industriel, la doctrine sociale de l'Eglise, à commencer par Léon xiii, cherche à dénoncer ces situations - et pas seulement à les dénoncer, ce qui n'est pas suffisant -, mais également à montrer les routes difficiles où, pas à pas, on exige l'assentiment de la raison et l'assentiment de la volonté, en même temps que la correction de sa propre conscience, que la volonté de renoncer, dans un certain sens, à soi-même pour pouvoir collaborer à ce qui est le véritable objectif de la vie humaine, de l'humanité.Ceci dit, l'Eglise a toujours la tâche d'être vigilante, de rechercher elle-même avec ses meilleurs forces les raisons du monde économique, d'entrer dans ce raisonnement et d'illuminer ce raisonnement avec la foi qui nous libère de l'égoïsme du péché originel. C'est la tâche de l'Eglise d'entrer dans ce discernement, ce raisonnement, de faire entendre sa voix, également aux différents niveaux nationaux et internationaux, pour aider et corriger. Et cela n'est pas un travail facile, car de nombreux intérêts personnels et de groupes nationaux s'opposent à une correction radicale. Cela est peut-être du pessimisme, mais pour ma part, cela me semble du réalisme: tant qu'il y aura le péché originel, nous n'arriverons jamais à une correction radicale et totale. Toutefois, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour effectuer des corrections tout au moins provisoires, suffisantes pour faire vivre l'humanité et pour faire obstacle à la domination de l'égoïsme, qui se présente sous des prétextes de science et d'économie nationale et internationale.Tel est le premier niveau. L'autre niveau est d'être réalistes. Et voir que ces grands objectifs de la macroscience ne se réalisent pas dans la microscience - la macroéconomie dans la microéconomie - sans la conversion des cœurs. S'il n'y a pas de justes, la justice elle-même n'existe pas. Nous devons accepter cela. C'est pourquoi l'éducation à la justice est un objectif prioritaire, nous pourrions dire également la priorité. Parce que saint Paul dit que la justification est l'effet de l'œuvre du Christ, elle n'est pas un concept abstrait, concernant des péchés qui aujourd'hui ne nous intéressent pas, mais elle se réfère précisément à la justice intégrale. Dieu seul peut nous la donner, mais il nous la donne avec notre coopération sur différents niveaux, à tous les niveaux possibles. La justice ne peut pas être créée dans le monde uniquement avec de bons modèles économiques, qui sont cependant nécessaires. La justice ne se réalise que s'il y a des justes. Et les justes n'existent pas sans le travail humble, quotidien, de convertir les cœurs. Et de créer la justice dans les cœurs. Ce n'est qu'ainsi que s'étend également la justice corrective. C'est pourquoi le travail du curé est aussi fondamental non seulement pour la paroisse, mais pour l'humanité. Car s'il n'y a pas les justes, comme je l'ai dit, la justice reste abstraite. Et les bonnes structures ne se réalisent pas si l'égoïsme de personnes, mêmes compétentes, s'y oppose.Ce travail qui nous revient, humble, quotidien, est fondamental pour arriver aux grands objectifs de l'humanité. Et nous devons travailler ensemble à tous les niveaux. L'Eglise universelle doit dénoncer, mais aussi annoncer ce qu'on peut faire et comment on peut le faire. Les conférences épiscopales et les évêques doivent agir. Mais nous devons éduquer tout le monde à la justice. Il me semble qu'aujourd'hui encore, le dialogue d'Abraham avec Dieu (Genèse 18, 22-33) reste vrai et réaliste, lorsque le premier dit: tu détruiras vraiment la ville? Peut-être y a-t-il cinquante juste, peut-être dix justes. Et dix justes sont suffisants pour faire survivre la ville. Or, si dix justes manquent, malgré toute sa doctrine économique, la société ne survit pas. C'est pourquoi nous devons faire le nécessaire pour éduquer et garantir au moins dix justes, et si possible beaucoup plus. Précisément avec notre annonce, faisons en sorte qu'il y ait de nombreux justes, que la justice soit réellement présente dans le monde.Les deux niveaux sont inséparables d'un point de vue de l'effet. Si, d'une part, nous n'annonçons pas la macrojustice, la microjustice n'apparaît pas. Mais, d'autre part, si nous ne faisons pas le travail très humble de la microjustice, la macrojustice n'apparaît pas non plus. Et, comme je l'ai dit dans ma première encyclique, dans tous les systèmes qui peuvent se développer dans le monde, outre la justice que nous cherchons, la charité reste toujours nécessaire. Ouvrir les cœurs à la justice et à la charité signifie éduquer à la foi, signifie guider vers Dieu. | |
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