doucecolombe
Nombre de messages : 25779 Age : 67 Réputation : 13 Date d'inscription : 07/05/2008
| Sujet: "Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ?" Dim 17 Nov - 1:11 | |
| "Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ?" Si tu veux être parfait : Nous avons parlé dernièrement du jeune homme dont il est question aujourd’hui, et l’auditeur attentif se rappelle les observations que nous avons faites. D’abord, que ce n’était pas le même que le docteur de la Loi dont il est fait mention dans saint Luc (Lc 10, 28). Car l’un n’interrogeait Jésus-Christ que pour le tenter, et lui faisait des questions captieuses. L’autre le questionne de bonne foi, mais ne sait pas profiter des avis qu’il lui donne. En effet, s’il l’eût interrogé par mépris, il n’eût pas été si affligé de ses réponses. L’Écriture nous le représente avec un caractère moitié bon, moitié mauvais ; louable d’un côté, malheureux et désespéré de l’autre. Reconnaître Jésus-Christ pour vraiment maître ; et, dédaignant le faste des Pharisiens, l’orgueil des docteurs de la Loi, la foule des scribes, ne donner le nom de maître qu’à celui qui est le seul vrai et bon Maître, voilà ce qui méritait d’être loué dans le jeune homme. Le désir qu’il témoigne d’apprendre par quels moyens il pourra obtenir la vie éternelle, est également digne de louanges.
Mais ce qui annonce la disposition d’un cœur qui recherchait moins le véritable bien que ce qui plaît à la multitude, c’est qu’après avoir reçu du vrai Maître des conseils salutaires, au lieu de les graver dans son âme et de les mettre en pratique, il s’est retiré fort triste, aveuglé par l’amour des richesses. Voilà ce qui décèle un caractère équivoque et point d’accord avec lui-même. Quoi ! Vous l’appelez maître, et vous ne remplissez pas le devoir de disciple ! Vous convenez qu’il est bon, et vous négligez ce qu’il vous offre ! Toutefois, un être bon ne peut donner que de bonnes choses. Vous l’interrogez sur la vie éternelle, et vous montrez que vous êtes livré tout entier aux avantages de la vie présente ! Les conseils du Maître vous paraissent-ils exagérés, trop durs et trop difficiles ? Vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres (Mt 19, 21). S’il vous condamnait aux fatigues de ceux qui labourent la terre, ou à courir les périls auxquels s’exposent les commerçants, ou à toutes les peines que se donnent ceux qui ont le désir de s’enrichir, vous auriez raison d’être attristé et rebuté de la difficulté des conseils : mais si le chemin qu’il vous montre pour arriver à la vie éternelle est aisé, s’il n’est point semé de ronces et d’épines, et que cette facilité de faire votre salut, au lieu de vous inspirer de la joie, vous attriste et vous afflige, vous perdez tout le mérite de vos bonnes actions. En effet, si, comme vous dites, vous n’avez tué personne, si vous n’avez ni commis d’adultère, ni dérobé le bien d’autrui, ni porté de faux témoignage, vous rendez inutile le soin que vous avez pris de pratiquer la Loi, faute d’ajouter ce qui reste et ce qui seul peut vous ouvrir l’entrée du royaume de Dieu.
Si un médecin s’engageait à redresser quelqu’un de vos membres qui serait estropié par nature ou par accident, vous seriez satisfait sans doute : et lorsque le grand Médecin des âmes veut vous rendre parfait en ajoutant ce qui vous manque d’essentiel, vous êtes triste et mécontent. Il est clair que vous êtes bien éloigné du précepte de l’amour du prochain, et que vous vous êtes rendu faussement le témoignage de l’aimer comme vous-même. La proposition que vous fait le Sauveur, est une preuve convaincante que vous manquez de la vraie charité. Car s’il était vrai, comme vous l’avez assuré, que vous avez rempli dès votre jeunesse le précepte de l’amour du prochain, et que vous avez donné à chacun autant qu’à vous-même, comment auriez-vous une pareille abondance de richesses ? Le soin des pauvres entraîne de grandes dépenses, pour que chacun ait ce qui est nécessaire, pour que tous les hommes partagent également les biens de la terre et puissent fournir à leurs besoins. Celui donc qui aime son prochain comme lui-même, ne doit rien avoir de plus que son prochain : or, il est constant que vous avez des possessions très étendues.
D’où vient cette inégalité, si ce n’est de ce que vous préférez vos propres jouissances au soulagement des autres. Ainsi, plus vous abondez en richesses, plus vous manquez de charité. Si vous aviez aimé votre prochain, il y a longtemps que vous auriez songé à lui faire part de vos biens. Mais vous êtes attaché à ces biens comme à une partie de vous-même, et leur privation vous causerait autant de douleur que la perte d’un membre essentiel. Si vous vous étiez fait un devoir de vêtir celui qui est nu, de donner du pain à celui qui a faim, d’ouvrir votre maison aux étrangers ; si vous étiez le père des orphelins, si vous aviez compassion de tous les misérables, auriez-vous tant de peine à vous défaire de vos richesses ? Si vous vous étiez occupé il y a longtemps à distribuer aux pauvres ce que vous avez, il ne vous en coûterait pas d’abandonner ce qui vous reste. Les commerçants ne font nulle difficulté de donner leurs effets pour en avoir d’autres ; et moins ils donnent pour recevoir en échange des choses d’un grand prix, plus ils se réjouissent comme ayant fait une bonne affaire : et vous, vous vous affligez lorsque vous donnez de l’or, de l’argent, des possessions terrestres, c’est-à-dire, des pierres et de la boue, pour acheter un bonheur éternel. | |
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