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 Pèlerin Russe/Récit 17/1/Suite2/Ce que je dis ne vient pas de moi. . .

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coeurtendre
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coeurtendre

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Pèlerin Russe/Récit 17/1/Suite2/Ce que je dis ne vient pas de moi. . .  Empty
MessageSujet: Pèlerin Russe/Récit 17/1/Suite2/Ce que je dis ne vient pas de moi. . .    Pèlerin Russe/Récit 17/1/Suite2/Ce que je dis ne vient pas de moi. . .  Icon_minitimeJeu 21 Oct 2021 - 2:05



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Pèlerin Russe/Récit 17/1/Suite2/Ce que je dis ne vient pas de moi. . .  Peller10



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Tenez, j’en ai là une copie dans la Bible qui se trouve dans mon sac. Si vous voulez le lire, je vous le montrerai. Le voici !Je dépliai le papier et je lus :« Au nom de Dieu glorifié dans la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit.» Mon très cher fils ! Voilà quinze ans que tu n’as vu ton père, mais, dans son obscurité, il recevait parfois de tes nouvelles et nourrissait pour toi un amour paternel. C’est cet amour qui le pousse à t’envoyer ces dernières paroles pour qu’elles te servent de leçon dans l’existence. Tu sais combien j’ai souffert pour racheter ma vie coupable et légère ; mais tu ne sais pas le bonheur que m’ont apporté, pendant ma vie obscure et errante, les fruits du repentir. Je meurs en paix chez mon bienfaiteur qui est aussi le tien, car les bienfaits répandus sur le père doivent atteindre le fils affectueux. Exprime-lui ma reconnaissance par tous les moyens en ton pouvoir. En te laissant ma bénédiction paternelle, je t’exhorte à te souvenir de Dieu et à obéir à ta conscience : sois bon, prudent et raisonnable ; traite avec bienveillance tous tes subordonnés, ne
méprise pas les mendiants ou les pèlerins, te souvenant que seuls le dénuement et la vie errante ont permis à ton père de trouver le repos de son âme.




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En priant Dieu qu’il t’accorde Sa grâce, je ferme les yeux tranquillement, dans 
l’espérance de la vie éternelle par la miséricorde du Rédempteur des hommes, Jésus-Christ. »C’est ainsi que nous parlions avec ce bon monsieur. Soudain, je lui dis : – Je pense, petit père, que vous avez souvent des ennuis avec votre asile. Il y a tant de nos frères qui ne deviennent pèlerins que par nonchalance ou par paresse, et qui polissonnent en route, comme je l’ai vu souvent.Non, ceux-là ont été assez rares, répondit le monsieur. Nous n’avons guère vu que de vrais pèlerins. Mais quand ils n’ont pas l’air très sérieux, nous sommes encore plus gentils avec eux et nous les gardons quelque temps à l’hospice. Au contact de nos pauvres, frères du Christ, ils se corrigent souvent et s’en vont avec un cœur humble et doux. Il n’y a pas longtemps, j’en ai encore eu un exemple. Un commerçant de notre ville était tombé si bas qu’on le chassait à coups de bâton et que personne ne voulait même lui donner un morceau de pain. Il était ivrogne, violent, querelleur, et, de plus, il volait. C’est ainsi qu’il arriva un jour chez nous, poussé par la faim ; il demanda du pain et de l’eau-de-vie, car il aimait bien boire. 




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Nous le reçûmes gentiment et lui dîmes : Reste chez nous, tu auras de l’eau-de-vie tant que tu le désires, mais à une condition : après avoir bu, tu iras te coucher et si tu fais le moindre esclandre, non seulement nous te chasserons pour toujours, mais je demanderai au prévôt de te faire enfermer pour vagabondage. Il accepta et resta chez nous. Pendant une semaine ou plus, il but vraiment tout ce qu’il voulut ; mais chaque fois, selon sa promesse et parce qu’il avait peur d’être privé d’alcool, il allait se coucher sur son lit ou s’allonger silencieusement au fond du jardin. Quand il reprenait ses esprits, nos frères de l’asile lui parlaient et l’exhortaient à se retenir au moins un peu. Ainsi, il commença à boire moins et en trois mois il devint tout à fait sobre. Il travaille maintenant quelque part et ne mange plus le pain d’autrui. Il est venu me voir avant-hier.




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Quelle sagesse dans cette discipline guidée par la charité ! pensai-je, et je 
m’écriai :Béni soit Dieu, dont la miséricorde agit dans l’enceinte de votre demeure !Après tous ces propos, nous nous assoupîmes un peu, et entendant la cloche sonner l’office du matin, nous allâmes à l’église où la dame se trouvait déjà avec ses enfants. Nous entendîmes l’office puis la divine liturgie. Nous étions dans le chœur avec le monsieur et son petit garçon, la dame et la petite demoiselle étaient à l’ouverture de l’iconostase pour voir l’élévation des Saints Dons. Mon Dieu, comme ils priaient tous et quelles larmes de joie ils versaient ! Leurs visages étaient tellement illuminés qu’à force de les regarder, je me mis à pleurer !A la fin de l’office, les maîtres, le prêtre, les serviteurs et tous les mendiants se mirent ensemble à table ; il y avait bien quarante mendiants, des infirmes, des malades et des enfants. Quel silence et quelle paix autour de cette table ! Rassemblant mon audace, je dis doucement au monsieur : Dans les monastères, on lit les vies des saints pendant le repas ; vous pourriez en faire autant, puisque vous avez le Ménologe au complet. Le monsieur se tourna vers la dame et dit : Vraiment, Marie, il faut instituer cela. Ce sera excellent pour nous tous. C’est moi qui lirai au premier repas, ensuite ce sera toi, puis notre prêtre, et nos frères, chacun à son tour et selon ce qu’il sait.




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Le prêtre s’arrêta de manger et dit :Écouter, c’est avec plaisir, mais pour lire – serviteur ! Je n’ai pas un instant de libre. A peine ai-je mis les pieds chez moi que je ne sais plus où donner de la tête, rien que des affaires et des soucis ; il faut ceci, il faut cela ; un tas d’enfants ; le bétail à travers champs ; toute la journée se passe à ces bêtises et pas une minute pour lire ou pour s’instruire. Tout ce que j’ai appris au séminaire, il y a longtemps que je l’ai oublié. A ces mots, je frémis, mais la dame me saisit le bras et me dit :Le père parle ainsi par humilité, il se rabaisse toujours lui-même, mais c’est un homme excellent et pieux ; il est veuf depuis vingt ans, il élève tous ses petits-enfants et, de plus, il dit très souvent les offices. Ces paroles me rappelèrent une sentence de Nicétas Stéthatos [97] dans la Philocalie :« C’est selon la disposition intérieure de l’âme qu’on apprécie la nature des objets », c’est-à-dire chacun se forme une idée des autres selon ce qu’il est lui-même ; et, plus loin, il dit encore : « Celui qui est parvenu à la prière et à l’amour véritable ne distingue plus les objets, il ne distingue pas le juste du pécheur, mais il aime également tous les hommes et ne les condamne pas, de même que Dieu fait briller le soleil et pleuvoir la pluie sur les bons et sur les méchants » .




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Le silence se fit à nouveau ; en face de moi était assis un mendiant de l’asile, complètement aveugle. Le monsieur le faisait manger, lui partageait son poisson, lui tendait la cuiller, et lui versait à boire. Je le regardai avec attention et remarquai que, dans sa bouche toujours entr’ouverte, sa langue remuait continuellement ; je me demandai s’il ne récitait pas la prière et le regardai avec plus de soin. A la fin du repas, une vieille se trouva mal, elle étouffait et poussait des gémissements. Le monsieur et la dame l’emmenèrent dans leur chambre à coucher et l’étendirent sur le lit ; la dame resta pour la soigner, le prêtre alla chercher en tout cas les Saints Dons et le monsieur ordonna d’atteler pour aller au galop chercher un docteur à la ville. Tout le monde se dispersa.




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J’avais en moi comme une faim de prière ; j’éprouvais un violent besoin de la laisser jaillir, il y avait deux jours que j’étais sans tranquillité ni silence. Je sentais dans mon cœur comme un flot prêt à déborder et à se répandre dans tous mes membres, et, comme je le retenais, j’eus une violente douleur au cœur – mais une douleur bienfaisante, me poussant seulement à la prière et au silence. Je compris alors pourquoi les véritables adeptes de la prière perpétuelle fuyaient le monde et se cachaient loin de tous ; je compris également pourquoi le bienheureux Hésychius dit que l’entretien le plus élevé n’est qu’un bavardage, s’il se prolonge trop, et je me rappelai les paroles de saint Éphrem le Syrien  : « Un bon discours est d’argent, mais le silence est d’or pur ». En pensant à tout cela, j’arrivai à l’hospice : tout le monde y dormait après le repas. Je montai au grenier, me calmai, me reposai et priai un peu. Quand les pauvres se réveillèrent, j’allai trouver l’aveugle et l’emmenai au jardin ; nous nous assîmes dans un coin isolé et commençâmes à parler.




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 Dis-moi, au nom de Dieu, et pour le bien de mon âme, tu récites la prière de Jésus ? Il y a longtemps déjà que je la répète sans cesse. Quel effet en ressens-tu ?Seulement que ni jour ni nuit je ne peux m’en passer.

Comment Dieu t’a-t-il révélé cette activité ? Raconte-moi cela en détail, cher frère. Eh bien, je suis un artisan d’ici, je gagnais mon pain en faisant le tailleur, j’allais dans les autres gouvernements, par les villages, et je cousais le vêtement paysan. Dans un village, il m’arriva de rester longtemps chez un paysan pour habiller toute sa famille. Un jour de fête, qu’il n’y avait rien à faire, j’aperçus trois vieux livres sur la planchette placée sous les icônes. Je leur demandai : Y a-t-il quelqu’un qui lise chez vous ?Ils me répondirent :Personne ; ces livres-là viennent de l’oncle ; il savait ses lettres. Je pris un des livres, je l’ouvris au hasard et je lus les paroles suivantes, que je me rappelle encore :




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« La prière perpétuelle consiste à invoquer sans cesse le nom du Seigneur ; assis ou debout, à table ou au travail, en toute occasion, en tout lieu et en tout temps il faut invoquer le nom du Seigneur. » Je réfléchis à ce que j’avais lu et je trouvai que cela me convenait très bien, aussi, tout en cousant, je me mis à répéter tout bas la prière et j’en étais tout heureux. Les gens qui vivaient avec moi dans l’izba s’en aperçurent et se moquèrent de moi : Es-tu sorcier, que tu marmottes sans arrêt ? ou bien fais-tu des tours de magie ?Pour me cacher, je cessai de remuer les lèvres et je me mis à dire la prière, en remuant seulement ma langue. Enfin, je m’y suis tellement habitué que ma langue la récite jour et nuit et cela me fait du bien.Je continuai longtemps à travailler, puis, subitement, je devins complètement aveugle. Chez nous, dans la famille, nous avons presque tous l’eau sombre au fond des yeux. Comme je suis très pauvre, la commune m’a trouvé une place à l’asile de Tobolsk. C’est là que je vais, mais les seigneurs ici m’ont retenu, car ils veulent me donner une voiture pour aller jusque-là. 




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Comment s’appelait le livre que tu as lu ? Ce n’était pas la Philocalie ?Ma foi, 
je n’en sais rien. Je n’ai pas regardé le titre. J’allai prendre ma Philocalie. Je retrouvai dans la quatrième partie les paroles du patriarche Calliste qu’il m’avait répétées par cœur et je commençai à lire. C’est cela même, s’écria l’aveugle. Lis, lis mon frère, car c’est vraiment très bien. Quand je parvins au passage où il est dit : il faut prier avec le cœur, il me demanda ce que cela signifiait et comme on le pratiquait. Je lui dis que tout l’enseignement de la prière du cœur était exposé en détail dans ce livre, la Philocalie, et il me demanda avec insistance de lui lire tout ce qui s’y rapportait.




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Voilà ce que nous ferons, lui dis-je. Quand penses-tu partir pour Tobolsk ?
 Mais tout de suite, si tu veux, répondit-il. Alors, voilà ! Je voudrais m’en aller demain, nous n’avons qu’à partir ensemble et en chemin je te lirai tout ce qui se rapporte à la prière du cœur et je t’indiquerai comment découvrir ton cœur et y pénétrer. Et la voiture ? dit-il. Eh ! laisse donc la voiture. D’ici à Tobolsk, il n’y a que cent cinquante verstes, nous irons doucement ; à deux dans la solitude, il fait bon marcher ; et, en marchant, on est mieux pour lire et pour parler sur la prière. Nous tombâmes ainsi d’accord ; le soir, le monsieur vint lui-même nous appeler pour le souper et, après avoir mangé, nous lui déclarâmes que nous pensions nous en aller et que nous n’avions pas besoin de voiture, car nous voulions lire la Philocalie. 

Là-dessus, le monsieur nous dit : La Philocalie m’a beaucoup plu ; j’ai déjà fait la lettre et préparé l’argent et demain en allant au tribunal j’enverrai le tout à Pétersbourg pour recevoir la Philocalie par le prochain courrier. Et donc le lendemain matin, nous nous mîmes en route après avoir beaucoup remercié ces bons seigneurs pour leur charité et leur douceur exemplaires ; ils nous accompagnèrent tous deux pendant une verste et nous nous dîmes adieu.




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