« L'Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4, 18). L'Esprit Saint donné par le sacrement de l'Ordre est source de sainteté et appel à la sanctification. Car, d'abord, il configure le prêtre au Christ Tête et Pasteur de l'Église, et il lui confie la mission prophétique, sacerdotale et royale à accomplir au nom et en la personne du Christ. Ensuite, il anime le prêtre et vivifie son existence quotidienne, l'enrichissant de dons et d'exigences, de vertus et d'élans, qui se concrétisent dans la charité pastorale. Cette charité est une synthèse des valeurs et des vertus évangéliques et elle est la force qui soutient leur développement jusqu'à la perfection chrétienne.
Pour tous les chrétiens sans exception, le radicalisme évangélique est une exigence fondamentale et irremplaçable, qui découle de l'appel du Christ à le suivre et à l'imiter, en vertu de l'étroite communion de vie avec lui, opérée par le Saint Esprit (Mt 8, 18-20 ; 10, 37-39 ; Mc 8, 34-38 ; 10, 17-21 ; Lc 9, 57-62). Cette même exigence s'impose également aux prêtres, non seulement parce qu'ils sont « dans » l'Église, mais aussi parce qu'ils sont « devant » l'Église, en tant qu'ils sont configurés au Christ Tête et Pasteur, consacrés et engagés dans le ministère ordonné, animés par la charité pastorale.
Or, dans le radicalisme évangélique et pour le manifester, il y a toute une floraison de nombreuses vertus et exigences morales qui sont décisives pour la vie pastorale et spirituelle du prêtre. Citons par exemple la foi, l'humilité en face du mystère de Dieu, la miséricorde, la prudence. Les différents « conseils évangéliques » que Jésus propose dans le Discours sur la Montagne sont l'expression privilégiée du radicalisme évangélique (Mt 5, 7). Parmi ces conseils, intimement coordonnés entre eux, se trouvent l'obéissance, la chasteté et la pauvreté . Le prêtre est appelé à les vivre selon les modalités et, plus encore, selon les finalités et le sens original qui découlent de l'identité du prêtre et l'expriment.
« Parmi les qualités les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner la disponibilité intérieure qui leur fait rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés ( Jn 4, 34 ; 5, 30 ; 6, 38) » . C'est l'obéissance qui, dans le cas de la vie spirituelle du prêtre, présente certaines caractéristiques particulières.Celle-ci est avant tout une obéissance « apostolique », en ce sens qu'elle reconnaît, aime et sert l'Église dans sa structure hiérarchique. En effet, il n'y a pas de ministère sacerdotal en dehors de la communion avec le Souverain Pontife et le collège épiscopal, en particulier avec l'évêque du diocèse, à qui « le respect filial et l'obéissance » promis à l'ordination doivent être rendus. Cette « soumission » à ceux qui sont revêtus de l'autorité ecclésiale n'a rien d'humiliant, mais elle résulte de la liberté responsable du prêtre qui accueille les exigences de la vie ecclésiale structurée et organisée. Il accueille aussi la grâce du discernement et du sens de la responsabilité dans les décisions ecclésiales.
Cette grâce, Jésus en a doté les Apôtres et leurs successeurs pour que le mystère de l'Église soit gardé fidèlement et pour que la cohésion de la communauté chrétienne soit maintenu sur le chemin unique qui la conduit au salut. L'obéissance chrétienne authentique, correctement motivée et vécue sans servilité, aide le prêtre à exercer, avec une transparence évangélique, l'autorité qu'il a pour mission d'exercer auprès du peuple de Dieu : sans autoritarisme et sans procédés démagogiques. Seul celui qui sait obéir dans le Christ sait comment demander l'obéissance à autrui dans l'esprit de l'Évangile.
L'obéissance du prêtre présente en outre une exigence « communautaire » : ce n'est pas l'obéissance d'un individu isolé en rapport avec l'autorité, mais au contraire cette obéissance est profondément intégrée dans l'unité du presbyterium qui, comme tel, est appelé à vivre en collaboration cordiale avec l'évêque et, par lui, avec le successeur de Pierre .Cet aspect de l'obéissance sacerdotale demande une ascèse considérable : d'une part, le prêtre s'habitue à ne pas trop s'attacher à ses propres préférences ou à ses propres points de vue ; d'autre part, il laisse aux confrères l'espace suffisant pour qu'ils mettent en valeur leurs talents et leurs capacités, à l'exclusion de toute jalousie, envie et rivalité. L'obéissance sacerdotale est une obéissance solidaire, qui repose sur l'appartenance du prêtre à l'unique presbyterium et qui, toujours à l'intérieur de celui-ci, et avec lui, exprime des orientations et des choix coresponsables. Enfin, l'obéissance sacerdotale a un caractère particulier, le caractère « pastoral ». Cela veut dire que le prêtre vit dans un climat de constante disponibilité pour se laisser saisir, ou pour se laisser « manger » a-t-on pu dire, par les nécessités et les exigences du troupeau qui doivent être raisonnables ; elles devront parfois faire l'objet d'un discernement et être soumises à vérification, mais il est indéniable que la vie du prêtre est totalement remplie par la faim d'Évangile, de foi, d'espérance et d'amour de Dieu et de son mystère, laquelle, plus ou moins consciemment, est présente dans le peuple de Dieu qui lui est confié.
Parmi les conseils évangéliques - écrit le Concile -, « il y a en première place ce don précieux de grâce fait par le Père à certains (Mt 19, 11 ; 1 Co 7, 7) de se consacrer plus facilement et avec un cœur sans partage à Dieu seul (1 Co 7, 32-34) dans la virginité ou le célibat. Cette continence parfaite à cause du Règne de Dieu a toujours été l'objet, de la part de l'Église, d'un honneur spécial, comme signe et stimulant de la charité, et comme une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde » . Dans la virginité et le célibat, la chasteté maintient sa signification fondamentale, c'est-à-dire celle d'une sexualité humaine vécue comme authentique manifestation et précieux service de l'amour de communion et de donation interpersonnelle.
Cette signification subsiste pleinement dans la virginité qui, même dans le renoncement au mariage, réalise la « signification sponsale » du corps, moyennant une communion et une donation personnelle à Jésus Christ et à son Église ; cette communion et cette donation préfigurent et anticipent la communion et la donation parfaites et définitives de l'au-delà : « Dans la virginité, l'homme est en attente, même dans son corps, des noces eschatologiques du Christ avec l'Église, et il se donne entièrement à l'Église dans l'espérance que le Christ se donnera à elle dans la pleine vérité de la vie éternelle ».
À cette lumière, on peut facilement comprendre et apprécier les motifs du choix pluriséculaire que l'Église d'Occident a fait et qu'elle a maintenu, malgré toutes les difficultés et les objections soulevées au long des siècles, de ne conférer l'ordination presbytérale qu'à des hommes qui attestent être appelés par Dieu au don de la chasteté dans le célibat absolu et perpétuel.
Les Pères synodaux ont exprimé avec clarté et avec force leur pensée dans une importante proposition qui mérite d'être rapportée intégralement et littéralement : « Restant sauve la discipline des Églises orientales, le Synode, convaincu que la chasteté parfaite dans le célibat sacerdotal est un charisme, rappelle aux prêtres qu'elle constitue un don inestimable de Dieu à l'Église et représente une valeur prophétique pour le monde actuel. Ce Synode affirme, de nouveau et avec force, ce que l'Église latine et certains rites orientaux demandent, à savoir que le sacerdoce soit conféré seulement aux hommes qui ont reçu de Dieu le don de la vocation à la chasteté dans le célibat (sans préjudice pour la tradition de certaines Églises orientales et de cas particuliers de clercs mariés provenant de conversions au catholicisme, pour lesquels il est fait exception dans (l'encyclique de Paul VI sur le célibat sacerdotal 42). Le Synode ne veut laisser aucun doute dans l'esprit de tous sur la ferme volonté de l'Église de maintenir la loi qui exige le célibat librement choisi et perpétuel pour les candidats à l'ordination sacerdotale, dans le rite latin. Le Synode demande que le célibat soit présenté et expliqué dans toute sa richesse biblique, théologique et spirituelle comme don précieux fait par Dieu à son Église et comme signe du Royaume qui n'est pas de ce monde, signe aussi de l'amour de Dieu envers ce monde, ainsi que de l'amour sans partage du prêtre envers Dieu et le peuple de Dieu, de sorte que le célibat soit regardé comme un enrichissement positif du sacerdoce ». Il est particulièrement important que le prêtre comprenne la motivation théologique de la loi ecclésiastique sur le célibat. En tant que loi, elle exprime la volonté de l'Église, même avant que le sujet exprime sa volonté d'y être disponible. Mais la volonté de l'Église trouve sa dernière motivation dans le lien du célibat avec l'Ordination sacrée, qui configure le prêtre à Jésus Christ Tête et Époux de l'Église. L'Église, comme Épouse de Jésus Christ veut être aimée par le prêtre de la manière totale et exclusive avec laquelle Jésus Christ Tête et Époux l'a aimée. Le célibat sacerdotal alors, est don de soi dans et avec le Christ à son Église, et il exprime le service rendu par le prêtre à l'Église dans et avec le Seigneur.
Pour une vie spirituelle authentique, le prêtre doit considérer et vivre le célibat non comme un élément isolé ou purement négatif, mais comme un des aspects d'une orientation positive, spécifique et caractéristique de sa personne. Laissant son père et sa mère, il suit Jésus le Bon Pasteur dans une communion apostolique, au service du peuple de Dieu. Le célibat doit donc être accueilli dans une décision libre et pleine d'amour, à renouveler continuellement, comme un don inestimable de Dieu, comme un « stimulant de la charité pastorale » , comme une participation particulière à la paternité de Dieu et à la fécondité de l'Église, comme un témoignage du Royaume eschatologique donné au monde. Pour vivre toutes les exigences morales, pastorales et spirituelles du célibat sacerdotal, la prière humble et confiante est absolument nécessaire, comme nous en prévient le Concile : « Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite : c'est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l'Église, la grâce de la fidélité, qui n'est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu'ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous » . Ce sera encore la prière unie aux sacrements de l'Église et à l'effort ascétique qui donnera l'espérance dans les difficultés, le pardon dans les fautes, la confiance et le courage dans la reprise de la marche en avant.
De la pauvreté évangélique, les Pères synodaux ont donné une description plus concise et plus profonde que jamais, la présentant comme « soumission de tous les biens au Bien suprême de Dieu et de son Royaume » . En réalité, seul celui qui contemple et vit le mystère de Dieu comme Bien unique et suprême, comme vraie et définitive richesse, peut comprendre et réaliser la pauvreté. Elle n'est certainement pas mépris et refus des biens matériels, mais elle est usage libre de ces biens, et en même temps joyeux renoncement à ceux-ci dans une grande disponibilité intérieure, pour Dieu et pour ses desseins.
La pauvreté du prêtre, en raison de sa configuration sacramentelle au Christ Tête et Pasteur, revêt des connotations pastorales précises. C'est à elles que les Pères synodaux se sont arrêtés, reprenant et développant l'enseignement conciliaire . Ils écrivent entre autres : « Les prêtres, à l'exemple du Christ, qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre par amour pour nous (2 Co 8, 9), doivent considérer les pauvres et les plus faibles comme leur étant confiés d'une manière spéciale, et doivent être capables de donner un témoignage de pauvreté par une vie simple et austère, étant déjà habitués à renoncer généreusement aux choses superflues (Optatam totius numéro 9,) ». Il est vrai que « l'ouvrier mérite son salaire » (Lc 10, 7), et que « le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l'Évangile de vivre de l'Évangile » (1 Co 9, 14) ; mais il est vrai aussi que ce droit de l'apôtre ne peut être confondu avec une quelconque prétention de subordonner le service de l'Évangile et de l'Église aux avantages et aux intérêts qui peuvent en dériver. Seule la pauvreté assure au prêtre la disponibilité nécessaire pour être envoyé là où son action est plus utile et urgente, même au prix d'un sacrifice personnel. C'est la condition préalable de la docilité de l'apôtre à l'Esprit, qui le rend prêt à « aller » sans bagage et sans lien, suivant seulement la volonté du Maître (Lc 9, 57-62 ; Mc 10, 17-22).
Personnellement intégré dans la vie de la communauté dont il est responsable, le prêtre doit présenter le témoignage d'une totale « transparence » dans l'administration des biens de la communauté. Il ne les traitera jamais comme s'ils étaient un patrimoine personnel, mais comme ce dont il doit rendre compte à Dieu et à ses frères, surtout aux pauvres. Et la conscience d'appartenir à un presbyterium unique engagera le prêtre à favoriser soit une plus équitable répartition des biens entre confrères, soit un certain usage commun de ces biens ( Ac 2, 42-45). La liberté intérieure, nourrie et conservée grâce à la pauvreté évangélique, rend le prêtre capable de se tenir du côté des plus faibles, de se faire solidaire de leurs efforts pour l'instauration d'une société plus juste, d'être plus sensible et plus capable de compréhension et de discernement des phénomènes touchant l'aspect économique et social de la vie, ainsi que de promouvoir le choix préférentiel des pauvres. Sans exclure personne de l'annonce et du don du salut, le prêtre sait être attentif aux petits, aux pécheurs, à tous les marginaux, selon le modèle donné par Jésus dans le déroulement de son ministère prophétique et sacerdotal ( Lc 4, 18).
On n'oubliera pas la signification prophétique de la pauvreté sacerdotale, spécialement urgente dans les sociétés d'opulence et de consommation : « Le prêtre vraiment pauvre est certainement un signe concret de la séparation, du renoncement et non de la soumission à la tyrannie du monde contemporain qui met toute sa confiance dans l'argent et dans la sécurité matérielle ».
Sur la Croix, Jésus Christ porte à sa perfection sa charité pastorale, dans un dépouillement extrême, extérieur et intérieur ; il est le modèle et la source des vertus d'obéissance, de chasteté et de pauvreté que le prêtre est appelé à vivre comme expression de son amour pastoral pour ses frères. Selon ce que Paul écrit aux chrétiens de Philippes, le prêtre doit avoir les « mêmes sentiments » que Jésus, se dépouillant de son propre « moi » pour trouver dans la charité obéissante, chaste et pauvre, la voie royale de l'union avec Dieu et de l'unité avec ses frères ( Ph 2, 5).