Michel Bernatchez merci pour ce témoignage très touchant. Je me rends compte du niveau de violence impressionnant que certains peuvent subir. Je crois que je n'arriverai jamais à me faire à l'horreur que l'humain est capable (je ne suis pas sûr que la phrase soit très française). Évidemment ce qu'a subi mon fils est très loin de ce niveau de violence (vraiment très loin) mais quand sa touche son propre enfant ça semble terrible et injuste (en tout cas pour ma part, car encore une ).
Rebonjour gecko Durand, vous avez raison d'écrire >> tout le monde ne réagit pas pareil. Quand j'ai vécu dans mon lieu de maltraitance pendant 15 ans 1/2, il y avait une pensée qui me revenait à l'esprit très souvent. Je me disais : Quand je réussirai à partir de chez moi, après mes 18 ans, je vais aller rendre visite à tous mes frères et soeurs pour reprendre un nouveau contact avec eux en dehors de notre milieu de maltraitance, pour apprendre à nous connaître tels que nous sommes. J'étais loin, très loin de penser que mon départ à mes 15 ans 1/2 serait une réussite olympique.
Comme j'avais tourné très facilement la page de mon douloureux passé pour vivre au présent de l'aujourd'hui, j'ai pensé qu'il en était ainsi pour mes frères et sœurs, mais j'étais loin de cette réalité qui était la mienne. Sur 10 enfants, il n'y a qu'un seul de mes frères avec qui j'ai réussi à garder le contact, mais cela ne veut pas dire qu'il a tourné la page ; simplement, il aime beaucoup entrer en contact avec moi.
Quand j'ai commencé à aller à la Polyvalente à 15 ans, je n'ai fait que 1 mois seulement. La raison en était très importante : Mon début de scolarité à la Polyvalente regroupait tous les villages des 7 foyers nourriciers où j'avais vécu entre mes 6 ans et mes 9 ans 1/2 ; je me retrouvais avec 7 groupes différents dans lesquels j'avais vécu 7 variétés d'intimidation qui se retrouvaient dans la même Polyvalente.
Il est possible que je me trompe mais votre fils semble avoir vécu l'intimidation à l'école.
La dernière école où j'ai vécu une intimidation assez grave, c'est la dernière avant de franchir mon inscription à la Polyvalente. Cette école était très proche de la forêt et un groupe d'intimidateurs avait un leader, une personne handicapée dont une jambe était beaucoup plus longue que l'autre ; il avait aussi une bosse dans le dos.
La première fois que je l'ai vu à cette école, juste le fait qu'il était handicapé, je pensais me lier d'amitié avec lui car je me sentais très bien en présence d'une personne ayant un handicap physique ou un handicap mental.
Mais vous comprendrez que j'ai eu la surprise de ma vie quand j'ai vu Jude exercer de la violence sur d'autres étudiants, et un jour ce fut mon tour. Avec d'autres étudiants, il me traîna dans la forêt et me traita de tous les noms en me frappant un peu partout, y compris au visage, dont les marques ne pouvaient pas provoquer de questions de la part de la direction de l'école.
Quand ce fut le moment de mon retour en classe, les professeurs et les étudiants(es) avaient le regard fixé sur moi. En peu de temps mon professeur me conduisit au bureau du directeur. Avant mon départ de la forêt, les étudiants s'étaient préparé entre eux pour que chacun dise que j'avais été le premier à frapper des étudiants et que leur groupe avait été celui des défenseurs et non des intimidateurs.
Le directeur s'est rangé du côté des intimidateurs en pensant qu'ils disaient vrai, alors il a appelé à la maison pour prévenir mes parents. À mon retour à la maison, mon père était caché derrière une porte et il m'attrapa par le cou et me passa une volée qui me contraignit à rester à la maison pendant plus d'une semaine, jusqu'au moment où les marques de violence avaient disparu. Les premiers jours où je suis retourné à l'école, je vivais la peur de me rendre à l'école comme je vivais dans la peur de mon retour à la maison. 20 à 25 ans après, j'ai appris à quel endroit le directeur de cette école vivait. Je suis allé le voir et je lui ai raconté de nouveau mon histoire en lien avec mes intimidateurs, et mon retour à la maison où je me retrouvais entre les mains de mon père pour subir une maltraitance qui n'était pas comparable à celle de mes intimidateurs.
Le directeur était tellement bouleversé qu'il en a pleuré devant moi et son épouse. Nous sommes devenus de très grands amis. Oui, vivre l'intimidation quand vous vivez déjà la maltraitance à la maison, cela ne vous donne aucun espoir de trouver une oreille attentive, il vous reste seulement le silence car vous vous retrouvez comme entre deux feux.
Pendant plusieurs années j'ai parcouru les écoles pour faire de la prévention contre la maltraitance faite aux enfants à la maison, et l'intimidation à l'école. Les enfants, quand on leur donne la chance de s'exprimer, deviennent chacun une petite école de vie, où la vie nous exprime un peu de tout avec des mots d'une simplicité extraordinaire.
Entre moi et vous, que ce soit la maltraitance vécue à la maison ou l'intimidation vécue dans une école ou un lieu de travail, on ne sait jamais ce que vont devenir les victimes et encore moins l'agresseur, comme il nous est impossible d'en savoir plus concernant le devenir des intimidateurs et de leurs victimes. Moi je me dis un sacré chanceux de m'en être sorti pour devenir un survivant de la maltraitance et de l'intimidation. J'espère le meilleur pour l'avenir de votre fils, et de tous vos enfants si vous en avez d'autres.
Voilà, cher ami gecko, je vous souhaite tout ce qu'il y a de plus merveilleux à vivre avec votre petite famille.