Michel blogue/Mieux comprendre l'histoire de la trahison de Judas/Méditons la vie des saints/
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coeurtendre Admin
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Sujet: Michel blogue/Mieux comprendre l'histoire de la trahison de Judas/Méditons la vie des saints/ Jeu 16 Sep - 16:26
Judas était-il prédestiné à la trahison et donc à l’enfer ? Est-il un instrument passif de Dieu ? Fallait-il qu’un seul soit damné pour le salut de tous ? Comment Dieu a-t-il pu permettre cela ? Judas et la question du salut : Régis Burnet analyse avec ses invités l’enseignement de l'Église sur l’enfer et la damnation.
Saint Augustin: (De l'accord des Évangiles, 3, 6). Le triple renoncement de Pierre eut lieu pendant que le Seigneur était en butte aux outrages dont on vient de parler. Les évangélistes ne le rapportent pas tous dans le même ordre : saint Luc raconte la chute de cet Apôtre avant les indignes traitements qu'on fit à Jésus, tandis que saint Matthieu et saint Marc ne rapportent le renoncement de Pierre qu'après ces scènes d'ignominie. «Pierre cependant était au dehors, assis dans la cour» -
Saint Jérôme: Il était assis dehors pour attendre le dénouement de cette affaire, et il ne s'approchait pas de Jésus pour n'inspirer aucun soupçon aux serviteurs du grand prêtre. Pierre, lorsqu'on ne faisait que se saisir de son maître, s'était montré enflammé de zèle jusqu'à tirer son épée et couper l'oreille d'un des serviteurs du grand-prêtre, et maintenant qu'il est témoin des opprobres de Jésus-Christ, il devient apostat et ne peut supporter les questions pressantes d'une pauvre jeune fille: «Et une servante s'approcha de lui et lui dit: Vous étiez aussi avec Jésus de Galilée».
- Rab. Comment se fait-il que soit par une femme que Pierre soit d'abord reconnu, alors que les hommes qui étaient là auraient dû bien plus facilement le reconnaître, si ce n'est pour nous montrer que ce sexe concourait aussi par ses péchés à la passion du Sauveur, et devait être racheté par sa mort. «Mais il le nia devant tous en disant: Je ne sais ce que vous dites». Il nia devant tout le monde, parce qu'il craignait d'être découvert; et, en déclarant qu'il ne connaît pas le Sauveur, il montre ainsi qu'il n'est pas disposé à mourir pour lui. -
Saint Léon: (Serm. 9 sur la Passion). Or, Dieu permit cette hésitation coupable, pour nous apprendre, par l'exemple du chef des Apôtres, à trouver dans la pénitence le remède de nos fautes, et à ne jamais nous confier dans notre vertu, puisque saint Pierre lui-même n'a pu échapper aux tristes suites de la mutabilité naturelle à l'homme. Mt 26,69-75
Saint-Chrysostome: (hom. 85). Dans un si court espace de temps, Pierre renonce son maître, non seulement une fois, mais deux et trois fois, «Et comme il sortait dans le vestibule», etc. -
- Saint Augustin: (De l'accord des Évangile., 3, 6). Il faut comprendre que le coq chanta pour la première fois, lorsque Pierre sortit dehors, après le premier renoncement.
- Saint-Chrysostome: (hom. 85). Nous voyons par là que le chant du coq ne l'arrêta pas dans cette voie de renoncement, et ne le fit pas se souvenir de sa promesse. -
- Saint Augustin: (De l'accord des Evang., 3, 5). Ce n'est pas dehors et devant la porte qu'il renia son maître une seconde fois, mais après qu'il fut revenu près du feu, car cette autre, servante n'était pas sortie, et ne l'avait pas vue dehors; mais elle le vit lorsqu'il sortait, c'est-à-dire lorsqu'il se levait pour se diriger vers la porte, et elle dit à ceux qui étaient présents et autour du feu avec elle: «Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth». Or, Pierre, qui venait de sortir, revint sur ses pas pour se justifier, en niant ce que cette femme venait de dire. Ou bien, ce qui est plus vraisemblable, il n'avait pas entendu ces paroles en sortant, et c'est lorsqu'il rentra que la servante et un autre, dont parle saint Luc, lui dirent: «Certainement, vous êtes aussi de ces gens-là». Ou bien, d'après saint Jean: «N'êtes-vous pas aussi des disciples de cet homme». «Et il nia de nouveau avec serment», etc.
- Saint- Jérôme: Je sais qu'il en est qui, par un sentiment de pieuse affection pour l'apôtre saint Pierre, ont entendu ce passage dans ce sens: que Pierre n'avait pas nié en Jésus-Christ le Dieu, mais l'homme, et que sa réponse signifie: Je ne connais pas l'homme, car je connais le Dieu. Un lecteur intelligent comprendra facilement la futilité de cette explication, car si Pierre n'a pas renié son maître, le Seigneur a donc menti en lui disant: «Vous me renoncerez trois fois». -
- Saint-Ambroise:(sur saint Luc, 22) J'aime mieux que Pierre ait renié le Sauveur que de soutenir que le Sauveur s'est trompé. - Rab. Or, ce renoncement de Pierre nous autorise à dire qu'on ne renonce pas seulement Jésus-Christ, lorsqu'on soutient qu'il n'est pas le Christ, mais en niant qu'on soit chrétien, lorsqu'on l'est en effet.
- Saint Augustin: (De l'accord des Evang., 5, 6). Examinons maintenant le troisième renoncement: «Peu après ceux qui étaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Assurément, vous êtes aussi de ces gens-là». Saint Luc dit que ce fut une heure après; et comme preuve convaincante, ils ajoutent: «Car votre langage vous fait assez connaître». -
- Saint-Jérôme: Ce n'est pas que Pierre parlât une autre langue, ou appartînt à une autre nation (car celui qu'on voulait convaincre et ceux qui le questionnaient étaient tous hébreux), mais c'est que chaque province, chaque contrée a son dialecte particulier, et qu'on ne peut jamais éviter en parlant l'accent naturel de son pays (Jg 12,5).
- Remi: Voyez combien sont funestes les entretiens avec les méchants, puisqu'ils forcent Pierre à renoncer le Seigneur, qu'il avait autrefois proclamé le Fils de Dieu. «Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer», etc. - Rab. Remarquez qu'en premier lieu, Pierre s'est contenté de répondre: «Je ne sais pas ce que vous dites», qu'en second lieu il nie avec serment, qu'enfin il se met à faire des imprécations et à jurer qu'il ne connaît pas cet homme. C'est ainsi que la persévérance dans le péché devient une cause de crimes plus énormes, et que celui qui méprise les fautes légères tombe nécessairement dans les grandes.
- Remi: Dans le sens spirituel, Pierre, qui renonce Jésus avant que le coq ait chanté, figure ceux qui, troublés par sa mort, ne croyaient pas à sa divinité avant sa résurrection. Lorsqu'il le renonce une seconde fois après le chant du coq, il est la figure de ceux qui ont des idées fausses sur les deux natures de Jésus-Christ, sa nature divine et sa nature humaine. La première servante représente la cupidité; la seconde, la délectation charnelle; et ceux qui étaient présents, les démons, car ce sont les démons qui excitent les hommes à renier Jésus-Christ. -
- Origène: Ou bien, par la première servante, on peut entendre la synagogue des Juifs, qui contraignit souvent les fidèles à renier Jésus-Christ; par la seconde, la réunion des peuples qui ont persécuté les chrétiens; et par ceux qui se tiennent dans la cour, les ministres des diverses hérésies. -
- Saint Augustin: (Quest. Evang., 1, 23). Pierre a renié trois fois le Seigneur, et l'erreur des hérétiques s'est toujours renfermée dans ces trois objets: la divinité de Jésus-Christ, ou son humanité, ou les deux natures à la fois. - Rab. Après le troisième renoncement, le chant du coq se fait entendre: «Et aussitôt le coq chanta». Ce coq est la figure du docteur de l'Église, qui réprimande ceux qui sont endormis, et leur dit: «Réveillez-vous, justes, et ne péchez pas» (1Co 15,34). Or, la sainte Écriture a la coutume d'exprimer le mérite des actions dont elle parle, par le temps où elles se font; c'est ainsi que Pierre, qui a renié son maître au milieu des ténèbres, s'est repenti au chant du coq. «Et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite: Avant que le coq ait chanté, vous me renoncerez trois fois». -
- Saint- Jérôme: Nous lisons dans un autre Évangile (Lc 22,61), qu'après le renoncement de Pierre et le chant du coq, le Seigneur regarda Pierre, et, par ce regard, lui fit verser des larmes amères. Il n'était pas possible en effet qu'il restât dans les ténèbres, après avoir été regardé par la lumière du monde; aussi l'Évangéliste ajoute: «Et étant sorti, il pleura amèrement». Il ne pouvait faire pénitence en restant dans la cour de Caïphe, et il sort du milieu de l'assemblée des impies, pour laver, dans des larmes amères, la honte de ce timide et lâche renoncement. -
- Saint-Léon: (Serm. 9 sur la Pass). Heureuses sont vos larmes, ô saint Apôtre, puisqu'elles eurent, pour effacer le crime de votre renoncement, la vertu des eaux du baptême. Vous avez été soutenu par la droite du Seigneur Jésus-Christ, qui vous reçut lors de votre chute, avant que vous fussiez tombé dans l'abîme, et qui vous rendit inébranlable au moment même où vous alliez tomber sans retour. Pierre recouvra donc aussitôt sa fermeté, avec la force toute divine qui lui fût communiquée, et après avoir tremblé à la vue de la passion de Jésus-Christ, il fut sans crainte et resta inébranlable devant son propre supplice.Mt 27,1-6
- Saint-Augustin: (De l'accord des Evang., 3, 7). Le récit qui précède comprend tout ce que Notre-Seigneur a eu à souffrir depuis le soir jusqu'au matin; l'Évangéliste revient ensuite sur ses pas, pour raconter le renoncement de Pierre, et il reprend son récit au matin du même jour pour le continuer. «Or, le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir». -
- Origène: Ils espéraient, par sa mort, anéantir ses enseignements et éteindre la foi dans le coeur de ceux qui avaient cru en lui comme étant le Fils de Dieu. Dans le dessein d'exécuter contre lui ce projet sanguinaire, ils firent charger de chaînes Celui qui brise les chaînes des autres captifs (Is 61,1): «Et l'ayant lié, ils l'emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce-Pilate.
- Saint-Jérôme: Voyez la criminelle sollicitude des prêtres: ils se concertent pendant toute la nuit sur les moyens de commettre cet homicide, et ils envoient Jésus chargé de chaînes à Pilate, car c'était leur coutume de livrer ainsi garrotté au gouverneur celui qu'ils avaient condamné à mort.
- Rab: Remarquons cependant qu'ils ne l'enchaînèrent pas alors pour la première fois; ils l'avaient lié et enchaîné aussitôt qu'ils se furent saisis de lui, comme le rapporte saint Jean (Jn 18,12).
- Saint-Chrysostome: (hom. 85). Ils ne voulurent pas le mettre à mort secrètement, parce qu'ils voulaient le couvrir d'opprobres, et qu'un grand nombre était rempli pour lui d'admiration. Ils s'efforcent donc de le faire mettre à mort publiquement et aux yeux de tout le peuple, et c'est dans ce dessein qu'ils l'amènent au gouverneur.
- Saint-Chrysostome: Or, Judas, voyant que le Sauveur était condamné à mort, rapporte aux prêtres le prix de sa trahison, comme s'il était en son pouvoir de changer la sentence inique rendue par les ennemis de Jésus: «Alors Judas, qui l'avait trahi, voyant qu'il était condamné, fut touché de repentir, et reporta les trente pièces d'argent aux princes des prêtres et aux anciens du peuple, en disant: J'ai péché, en livrant le sang innocent».
- Origène: Que ceux qui inventent des fables sur les natures essentiellement différentes, nous disent d'où vient que Judas, après avoir reconnu son crime, s'écrie: «J'ai péché, en livrant le sang innocent», si ce n'est en vertu du bon plant et des semences de vertu que Dieu répand dans toute âme raisonnable, mais que Judas ne prit pas soin de cultiver, ce qui fut cause qu'il commit ce crime affreux. Mais s'il est dans la nature de certains hommes de se perdre, qui plus que Judas appartint à cette nature? Si Judas avait tenu ce langage après la résurrection du Sauveur, on aurait pu dire que c'était la gloire et la puissance de la résurrection qui l'avait porté à se repentir; mais c'est au moment qu'il voit Jésus livré à Pilate qu'il est touché de repentir. Peut-être se rappelle-t-il alors les prédictions fréquentes que Jésus a faites de sa résurrection; peut-être aussi Satan, qui était entré en lui, ne le quitta point que Jésus ne fût livré à Pilate? Mais, après avoir obtenu ce qu'il voulait, il se retira de lui, et c'est alors que le repentir pût avoir accès dans son âme. Mais comment Judas pût-il savoir la condamnation de Jésus? car Pilate ne l'avait pas encore interrogé. On peut répondre que, le voyant entre les mains de ses ennemis, il vit dans les prévisions de son esprit, quels en seraient les résultats. Il en est qui prétendent que ces paroles: «Judas voyant qu'il était condamné», se rapportent, non pas à Jésus, mais à Judas lui-même, car c'est alors qu'il mesura toute l'étendue du crime qu'il venait de commettre, et qu'il comprit qu'il était condamné. - S. Léon. (Serm. 1 sur la Pass). Bien qu'il dise: «J'ai péché en livrant le sang innocent», il persévère dans la perfidie de son impiété, en continuant de croire, jusque dans les derniers moments de sa vie, et aux approches de la mort, que Jésus n'était pas le Fils de Dieu, mais seulement un homme d'une condition semblable à la nôtre, car il aurait certainement fléchi sa miséricorde, s'il n'avait pas refusé de reconnaître sa toute-puissance. -
- Saint-Chrysostome: (hom. 85). Remarquez qu'il se repent lorsque son crime est consommé et qu'il a produit tous ses effets, car le démon ne permet pas à ceux qui ne veillent pas sur eux-mêmes de voir le mal avant qu'il soit consommé.
«Ils répondirent: Que nous importe? c'est votre affaire. - Remi. C'est-à-dire: «Que nous importe qu'il soit innocent, cela vous regarde», c'est-à-dire on verra quelle est la nature de votre action. Il en est qui prétendent qu'on doit réunir ces deux membres de phrase en traduisant de cette manière: «Que paraissez-vous à nos yeux? qu'êtes-vous pour nous ?» c'est-à-dire que devons-nous penser de vous qui confessez l'innocence de celui que vous avez trahi.
- Origène: Lorsque le démon se retire d'un homme, il épie le moment favorable pour rentrer, et lorsqu'il a saisi ce moment, et qu'il a entraîné cet infortuné dans un second péché, il étudie avec soin l'occasion de le tromper une troisième fois. C'est ainsi que le Corinthien (1Co 5,1-22Co 2,7), qui abusa de l'épouse de son père, se repentit de ce crime affreux, mais le démon voulut ensuite lui faire porter cette tristesse jusqu'à l'excès pour accabler ce malheureux sous le poids de son chagrin. Il arriva quelque chose de semblable à Judas; car après s'être repenti, il ne sut pas mettre son coeur à l'abri du désespoir, et il y laissa entrer cette tristesse excessive, que le démon lui inspira pour l'accabler entièrement: «Et il se retira, et alla se pendre». S'il eût pris le temps de se repentir et qu'il eût épié le temps favorable pour faire pénitence, il aurait, sans doute, rencontré celui qui a dit: «Je ne veux pas la mort du pécheur». (Ez 33,11). Ou bien, peut-être pensa-t-il à devancer son Maître qui allait mourir, et à se présenter devant lui avec son âme dépouillée par la mort, pour mériter son pardon par ses aveux et par ses prières; et il ne comprit pas que le vrai serviteur de Dieu ne doit point s'ôter à lui-même la vie, mais qu'il doit attendre le jugement de Dieu.
- Rab: Or, Judas se pendit pour témoigner par ce genre de mort qu'il était en horreur au ciel et à la terre.
- Saint- Augustin: (du Nouv. et de l'Ancien Testament). Mais puisque les princes des prêtres étaient occupés depuis le matin jusqu'à la neuvième heure à presser l'exécution de la mort du Sauveur, comment peut-on admettre que Judas leur aurait reporté avant la passion du Seigneur le prix de sa trahison, et qu'il leur aurait dit dans le temple: «J'ai péché, en livrant le sang innocent ?» Il est constant, en effet, que tous les princes des prêtres et les anciens du peuple ne se trouvaient pas dans le temple avant la mort du Sauveur, et la preuve, c'est qu'ils l'insultaient lorsqu'il était sur la croix. On ne peut pas le conclure non plus de ce que ce fait est raconté avant la passion de Notre-Seigneur, puisqu'il est certain qu'il est un grand nombre de faits qui, bien que s'étant passés antérieurement, sont cependant racontés en dernier lieu. Peut-être pourrait-on dire que ce fait a eu lieu à la neuvième heure, et que Judas, voyant le Sauveur mis à mort, le voile du temple déchiré, la terre trembler, les rochers se briser, les éléments dans la consternation, il aurait conçu, sous l'inspiration de la crainte, le repentir de son crime. Mais après la neuvième heure, les anciens et les princes des prêtres étaient tout entiers, ce me semble, à la célébration de la Pâque. D'ailleurs la loi défendait de porter de l'argent le jour du sabbat. Je crois donc qu'on ne peut fixer d'une manière vraisemblable ni le jour ni l'heure où Judas mit fin à sa vie en se pendant.
- Saint-Chrysostome: (hom. 86). En reconnaissant qu'ils avaient acheté le sang qu'ils voulaient répandre, les princes des prêtres se condamnèrent par le témoignage de leur propre conscience: «Les princes des prêtres, ayant pris l'argent, dirent: Il ne nous est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c'est le prix du sang». - S. Jér. Voilà bien les gens qui filtrent et rejettent le moucheron, et qui ne craignent pas d'avaler un chameau (Mt 23,24). Car s'ils n'osent mettre l'argent dans le trésor du temple, avec les offrandes faites à Dieu, sous prétexte qu'il est le prix du sang, pourquoi n'ont-ils pas horreur de répandre ce sang lui-même ?
- Origène: Ils jugèrent que le meilleur emploi qu'ils pussent faire de cet argent était de le consacrer aux morts, parce que c'était le prix du sang. Mais comme il y a différents lieux de sépultures pour les morts, ils employèrent le prix du sang de Jésus pour acheter le champ d'un potier, afin d'y ensevelir les étrangers, qui ne pourraient, suivant leurs désirs, être ensevelis dans les tombeaux de leurs aïeux: «Et ayant délibéré là-dessus, ils en achetèrent le champ d'un potier pour la sépulture des étrangers.
- Saint-Augustin: (serm. sur la Cène). Je regarde comme un effet particulier de la providence divine, que le prix de la vente du Sauveur n'ait pas tourné au profit des pécheurs, mais ait servi à procurer un lieu de repos aux étrangers, pour montrer que Jésus-Christ rachetait ainsi les vivants par le sang de sa passion, et qu'il sauvait aussi les morts au prix du même sang répandu. Le champ du potier est donc acheté avec le prix du sang du Seigneur. Or, nous lisons dans les Écritures que le genre humain tout entier a été racheté par le sang du Sauveur. Par ce champ, il faut donc entendre le monde enfler, et ce potier, qui doit avoir l'empire sur tout l'univers, est celui qui a formé du limon de la terre les vases de notre corps. C'est le champ de ce potier qui a été acheté avec le prix du sang de Jésus-Christ pour les étrangers sans famille, sans patrie, exilés, et errants sur toute la terre, et à qui le sang du Sauveur prépare un lieu de repos. Ces étrangers sont les chrétiens pleins de dévouement qui, renonçant au siècle, et ne possédant rien dans le monde, trouvent leur repos dans le sang de Jésus-Christ, car la sépulture de Jésus-Christ est le vrai repos du chrétien. «Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour la mort du péché, dit l'Apôtre» (Rm 6,4). Nous sommes donc des voyageurs en ce monde, et comme des étrangers sur cette terre.
- Saint- Jérôme: On peut dire aussi que nous étions étrangers à la loi et aux prophètes, et que les mauvaises dispositions des Juifs ont été pour nous une cause de salut.
- Origène: Ou bien, nous appelons ici étrangers, ceux qui demeurent séparés de Dieu jusqu'à la fin; car si les justes ont été ensevelis avec Jésus-Christ dans le sépulcre neuf qui a été taillé dans le roc, ceux qui demeurent jusqu'à la fin étrangers à Dieu, sont ensevelis dans le champ de ce potier qui façonne la boue, champ qui a été acheté avec le prix du sang et qui est appelé pour cela le champ du sang: «C'est pourquoi ce champ est encore aujourd'hui appelé haceldama, c'est-à-dire le champ du sang». - La Glose. Ce qu'il faut rapporter au temps où l'Évangéliste écrivait.
Il apporte ensuite à l'appui de ce fait, le témoignage du prophète: «ils ont reçu les trente pièces d'argent, prix de celui qui a été mis à prix suivant l'appréciation des enfants d'Israël, et ils les ont données pour en acheter le champ d'un potier, ainsi que me l'a prescrit le Seigneur».
- Saint- Jérôme: On ne trouve aucune trace de cette prophétie dans Jérémie, mais nous lisons quelque chose de semblable dans Zacharie, le dernier des douze petits prophètes (Za 11,12); c'est-à-dire que le sens est à peu près le même, bien que la contexture de la phrase et les expressions soient différentes.
- Saint-Augustin: (de l'accord des Evang., 3, 7). Si l'on prétendait s'autoriser de cette difficulté pour contester l'autorité de l'Évangéliste, nous rappellerions d'abord qu'on ne lit pas dans tous les exemplaires de l'Évangile, que ces paroles aient été dites «par le prophète Jérémie», mais simplement «par le prophète». Toutefois, je ne puis admettre cette solution, car un grand nombré d'exemplaires, et des plus anciens, portent le nom de Jérémie, et il n'y a aucune raison qui ait pu faire ajouter ce nom et altérer ainsi le texte. On explique parfaitement, au contraire, le retranchement de ce nom, en l'attribuant à une ignorance téméraire, que troublait, peut-être, le passage en question. Or, il a pu arriver, que tandis que saint Matthieu écrivait son Évangile, le nom de Jérémie se soit présenté à son esprit à la place de celui de Zacharie, comme il arrive souvent, erreur qu'il aurait certainement corrigée sur l'observation qui a dû lui en être faite de son vivant par les lecteurs de cet Évangile, s'il n'avait pensé que le nom d'un prophète ne s'était pas présenté à son esprit pour un autre au moment où il écrivait sous l'inspiration de l'Esprit saint, sans que Dieu l'eût ainsi voulu. Quel les sont les raisons de cette conduite?
La première, c'est que Dieu montrait ainsi que tous les prophètes avaient parlé sous l'inspiration du même esprit, et que l'accord le plus admirable régnait entre eux; prodige bien plus étonnant que si tous les oracles prophétiques avaient été annoncés par un seul homme, et d'où il résulte que l'on doit considérer toutes les paroles que l'Esprit saint a prononcées par leur bouche, comme si chacune d'elles appartenait à tous, et toutes à chacun d'eux. Car, encore aujourd'hui, il peut arriver qu'une personne, qui veut citer les paroles de quelqu'un, les cite sous le nom d'un de ses amis intimes, et que s'apercevant aussitôt de sa méprise, elle se reprenne, en ajoutant toutefois: mais j'ai bien dit, parce qu'elle ne considère que la parfaite union qui existe entre les deux amis. Or, à bien plus forte raison, on doit raisonner ainsi des saints prophètes. Il y a encore une autre raison pour laquelle l'Esprit saint a permis, ou plutôt a voulu positivement que le nom de Jérémie fut conservé à la place de celui de Zacharie. On lit dans Jérémie qu'il acheta un champ au fils de son frère, et qu'il lui en donna l'argent, mais non pas le même prix des trente pièces d'argent qui se trouve indiqué dans Zacharie (Jr 32,9). Or, il est évident que l'Évangéliste a voulu appliquer la prophétie des trente pièces d'argent à ce fait qui vient de s'accomplir dans la personne du Seigneur. Mais on peut voir aussi au sens spirituel une preuve que la prophétie de Jérémie, à l'occasion du champ qu'il achète, s'applique au même événement, dans le nom de Jérémie qui parle du champ acheté, mis à la place du nom de Zacharie qui précise les trente pièces d'argent. Le dessein de Dieu en cela, est que celui qui lit l'Évangile, et qui, en voyant cité Jérémie, n'y trouve cependant rien des trente pièces d'argent, mais seulement ce qui concerne le champ qu'il achète, soit amené à comparer les deux prophètes, et à éclaircir le vrai sens de la prophétie en l'appliquant à ce qui s'est accompli dans la personne du Seigneur.
Quant à ce que saint Matthieu ajoute à ces paroles «Suivant l'appréciation des enfants d'Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier comme le Seigneur l'a ordonné», on ne le trouve ni dans Jérémie ni dans Zacharie. D'où nous devons conclure que c'est l'Évangéliste lui-même qui a fait cette addition dans un sens spirituel, parce qu'il connaissait, par une révélation divine, que cette prophétie s'appliquait au prix que Jésus-Christ a été vendu.