coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13252 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: Deuxième retraite spirituelle guidée par le Pape à l'occasion du jubilé des prêtres/9/Marie, vase et source de miséricorde/ Jeu 15 Juin - 13:13 | |
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Marie, vase et source de miséricorde
Gravissant l’échelle des saints, à la recherche de vases de miséricorde, nous arrivons à Notre Dame. Elle est le vase simple et parfait, pour recevoir et distribuer la miséricorde. Son ‘‘oui’’ libre à la grâce est l’image opposée au péché qui a conduit le fils prodigue au néant. Elle porte en elle-même une miséricorde qui est à la fois vraiment sienne, vraiment propre à notre âme et vraiment ecclésiale. Comme elle le dit dans le Magnificat : elle se sait regardée avec bonté dans sa petitesse et elle sait voir comment la miséricorde de Dieu atteint toutes les générations. Elle sait voir les œuvres que cette miséricorde déploie et elle se sent ‘‘accueillie’’, avec tout Israël, par cette miséricorde. Elle garde la mémoire et la promesse de la miséricorde infinie de Dieu pour son peuple. Son Magnificat est le Magnificat d’un cœur entier, qui n’est pas blessé, qui regarde l’histoire et chaque personne avec sa miséricorde maternelle.
En ce moment passé seul avec Marie, moment que m’a offert le peuple mexicain, en regardant Notre Dame, la Vierge de Guadalupe, et en me laissant regarder par elle, je l’ai priée pour vous, chers prêtres, pour que vous soyez de bons prêtres. Je l’ai souvent dit. Et dans le discours aux Evêques je leur ai dit que j’avais longuement réfléchi sur le mystère du regard de Marie, sur sa tendresse et sa douceur qui nous donnent du courage pour laisser Dieu nous faire miséricorde. Je voudrais maintenant vous rappeler quelques ‘‘manières’’ de regarder propres à Notre Dame, de regarder en particulier ses prêtres, parce qu’à travers nous, elle veut regarder son peuple. Marie nous regarde de telle manière que l’on se sent accueilli en son sein. Elle nous enseigne que « l’unique force capable de conquérir le cœur des hommes est la tendresse de Dieu. Ce qui enchante et attire, ce qui fait fléchir et vainc, ce qui ouvre et déchaîne, ce n’est pas la force des instruments ou la dureté de la loi, mais la faiblesse toute-puissante de l’amour divin, qui est la force irrésistible de sa douceur et la promesse irréversible de sa miséricorde » (Discours aux Évêques du Mexique ), 13 février 2016).
Ce que vos gens cherchent dans les yeux de Marie c’est « un sein à travers lequel les hommes, toujours orphelins et déshérités, sont à la recherche d’un abri, d’un foyer » . Et cela est lié à sa façon de regarder : l’espace que ses yeux ouvrent est celui d’un sein, non celui d’un tribunal ni d’un cabinet ‘‘professionnel’’. Si parfois vous remarquez que votre regard s’est endurci – en raison du travail, de la fatigue… cela arrive à chacun - , que lorsque vous voyez les gens, vous êtes irrités ou que vous ne sentez rien, arrêtez-vous et regardez-la de nouveau, regardez-la avec les yeux des plus petits de vos gens, qui mendient un sein, et elle purifiera votre vue de toutes les ‘‘cataractes’’ qui empêchent de voir le Christ dans les âmes, elle vous guérira de toutes les myopies qui obscurcissent les besoins des gens, qui sont ceux du Seigneur incarné, et elle vous guérira de toutes les presbyties qui ne voient pas les détails, la note écrite ‘‘en petit caractère’’, où se jouent les réalités importantes de la vie de l’Église et de la famille. Le regard de la Vierge guérit.Une autre ‘‘manière de regarder de Marie’’ a rapport au tissu : Marie regarde ‘‘en tissant’’, en voyant comment elle peut utiliser au mieux toutes les choses que vos gens lui apportent. Je disais aux Évêques mexicains que « dans le manteau de l’âme mexicaine, Dieu a tissé, avec le fil des empreintes métisses de son peuple, et il a tissé le visage de sa manifestation dans la Morenita ». Un Maître spirituel enseigne que ce que l’on dit de Marie de façon spéciale, on le dit de l’Église de manière universelle et de chaque âme en particulier (Isaac de l’Étoile, Serm. 51 : PL 194, 1863).
En voyant comment Dieu a tissé le visage et la figure de la Guadalupana sur la tilma de Juan Diego, nous pouvons prier en contemplant la manière dont il tisse notre âme et la vie de l’Église. On dit qu’on ne peut pas voir comment est ‘‘peinte’’ l’image. C’est comme si elle était imprimée. J’aime à penser que le miracle n’a pas été seulement ‘‘d’imprimer ou de peindre l’image avec un pinceau’’ mais que ‘‘le manteau tout entier a été recréé’’, transfiguré de la tête aux pieds, et chaque fil – ces manteaux que les femmes apprennent à tisser dès le bas âge, et pour les vêtements plus raffinés elles utilisent les fibres du cœur de l’agave (la plante dont on tire les fils) –, chaque fil à sa place est transfiguré, épousant les détails qui brillent chacun à sa place, et, entrecroisés avec les autres, transfigurés de la même manière, font apparaître le visage de Notre Dame, toute sa personne et ce qui l’entoure. La miséricorde fait la même chose avec nous : elle ne nous ‘‘peint’’ pas, de l’extérieur, une face de bonne personne, elle ne nous fait pas le photoshop, mais avec les fils mêmes de nos ‘‘misères’’ – avec ceux-là - et de nos péchés – avec ceux-là -, entrecroisés par l’amour du Père, elle nous tisse de telle manière que notre âme se renouvelle en retrouvant sa vraie image, celle de Jésus. Soyez donc des prêtres « capables d’imiter cette liberté de Dieu en choisissant ce qui est humble pour rendre visible la majesté de son visage, et de faire vôtre cette patience divine en tissant, avec le fil fin de l’humanité que vous trouvez, cet homme nouveau que votre pays attend. Ne vous laissez pas guider par le vain désir de changer de peuple – c’est une de nos tentations : « je demanderai à l’évêque de me transférer… » - « comme si l’amour de Dieu n’avait pas assez de force pour le changer » (Discours aux Évêques du Mexique, 13 février 2016).
La troisième manière – dont regarde la Vierge - est l’attention : Marie observe avec attention, elle se tourne et s’implique entièrement avec celui qui est devant elle, comme une mère toute attentive à son petit enfant qui lui raconte quelque chose. Et aussi les mamans quand l’enfant est tout petit, elles imitent la voix du bambin pour lui faire sortir des mots : elles se font petites. « Comme l’enseigne la belle tradition de Guadalupe – et je continue en référence au Mexique –, la Morenita protège les regards de ceux qui la contemplent, reflète le visage de ceux qui la rencontrent. Il faut apprendre qu’il y a une quelque chose d’unique dans chacun de ceux qui nous regardent, à la recherche de Dieu – ils ne nous regardent pas tous de la même manière –. Il nous revient de ne pas nous rendre imperméables à ces regards ». Un prêtre qui se rend imperméable aux regards est fermé en lui-même. « Garder en nous chacun d’eux, de les conserver dans le cœur, de les sauvegarder. Seule une Église capable de sauvegarder le visage des hommes qui viennent frapper à sa porte est capable de leur parler de Dieu ». Si tu n’es pas capable de garder le visage des hommes qui frappent à ta porte, tu ne seras pas capable de leur parler de Dieu. « Si nous ne déchiffrons pas leurs souffrances, si nous ne nous rendons pas compte de leurs besoins, nous ne pourrons rien leur offrir. La richesse que nous possédons coule seulement quand nous rencontrons la pauvreté de ceux qui mendient, et cette rencontre se réalise précisément dans notre cœur de Pasteurs ».
J’ai dit à vos Évêques de vous prêter attention à vous leurs prêtres, de ne pas vous « laisser exposés à la solitude et à l’abandon, en proie à la mondanité qui dévore le cœur » . Le monde nous observe attentivement, mais pour nous « dévorer », pour nous transformer en consommateurs… Nous avons tous besoin d’être regardés avec attention, disons, avec un intérêt gratuit. « Soyez attentifs – disais-je aux Évêques – et apprenez à lire [dans] leurs regards pour vous réjouir avec eux lorsqu’ils sentent la joie de raconter ce qu’ils « ont fait et enseigné » (Marc 6, 30), et également pour ne pas reculer lorsqu’ils se sentent un peu abattus et ne peuvent que pleurer parce qu’ils « ont renié le Seigneur » (Luc 22, 61-62), et aussi, pourquoi pas, pour les soutenir, en communion avec le Christ, quand l’un ou l’autre, déjà abattu, sortira avec Judas « dans la nuit » (Jean 13, 30). Que jamais, dans ces situations, ne manque votre paternité, en tant qu’Évêques, à vos prêtres. Encouragez la communion entre eux ; promouvez leurs dons ; intégrez-les dans les grandes causes, car le cœur de l’apôtre n’a pas été fait pour des choses petites ».
Enfin, comment regarde Marie ? Marie regarde de manière ‘‘intégrale’’, unifiant tout, notre passé, le présent et l’avenir. Elle n’a pas un regard fragmenté : la miséricorde sait voir la totalité et saisit ce qui est le plus nécessaire. Comme Marie à Cana, qui est capable de ‘‘compatir’’ par avance à ce que provoquera le manque de vin à la fête des noces et qui demande à Jésus d’y porter remède sans que personne ne s’en rende compte, nous pouvons de même regarder notre vie sacerdotale tout entière comme ‘‘anticipée par la miséricorde’’ de Marie, qui, prévoyant nos manques, a pourvu à tout ce que nous avons. S’il y a un peu de ‘‘bon vin’’ dans notre vie, ce n’est pas par notre mérite, mais par sa ‘‘miséricorde anticipée’’, celle qu’elle chante déjà ainsi dans le Magnificat : le Seigneur ‘‘s’est penché sur son humble servante’’ et ‘‘s’est souvenu de sa (son alliance de) miséricorde’’, une miséricorde qui ‘‘s’étend d’âge en âge’’ sur les pauvres et les opprimés (Luc 1, 46-55). La lecture que fait Marie est une lecture de l’histoire comme miséricorde.
Nous pouvons conclure en priant le Salve Regina, dont les invocations font écho à l’esprit du Magnificat. Elle est Mère de miséricorde, de vie, de douceur, et elle est notre espérance. Et quand vous, prêtres, vous avez des moments sombres, mauvais, quand vous ne savez pas comment vous débrouiller au plus intime de votre cœur, je ne dis pas seulement « regardez la Mère », cela vous devez le faire, mais : allez là et laissez-vous regarder par elle, en silence, et aussi en vous endormant. Cela fera qu’à ces moments mauvais, peut-être avec beaucoup d’erreurs que vous avez faites et qui vous ont conduits à ce point, toute cette saleté deviendra réceptacle de miséricorde. Laissez-vous regarder par la Vierge. Ses yeux miséricordieux sont ceux que nous considérons comme le meilleur vase de la miséricorde, dans le sens où nous pouvons boire en eux ce regard indulgent et bon, dont nous avons soif comme on peut seulement avoir soif d’un regard. Ces yeux miséricordieux sont également ceux qui nous font voir les œuvres de miséricorde de Dieu dans l’histoire des hommes et découvrir Jésus sur leurs visages. En Marie nous trouvons la terre promise – le Règne de la miséricorde instauré par le Seigneur – qui vient, déjà en cette vie, après tout exil où nous envoie le péché. Pris par la main et en nous accrochant à son manteau. Moi, dans mon bureau, j’ai une belle image, que m’a offerte le Père Rupnik, il l’a faite, une image de la « Synkatabasis » : c’est elle qui fait descendre Jésus, et ses mains sont comme des marches. Mais ce qui me plait le plus c’est que Jésus dans une main a la plénitude de la Loi, et avec l’autre il s’accroche au manteau de la Vierge : lui aussi s’est accroché au manteau de la Vierge. Et la tradition russe, les moines, les vieux moines russes nous disent que dans les turbulences spirituelles il faut se refugier sous le manteau de la Vierge. La première antienne mariale d’Occident est celle-ci : « Sub tuum praesidium ». Le manteau de la Vierge. Ne pas avoir honte, ne pas faire de grands discours, rester là et se laisser couvrir, se laisser regarder. Et pleurer. Quand nous trouvons un prêtre qui est capable de cela, d’aller chez la Mère et pleurer, avec beaucoup de péchés, je peux dire : c’est un bon prêtre, parce que c’est un bon fils. Il sera un bon père.
Pris par la main par elle et sous son regard, nous pouvons chanter avec joie les grandeurs du Seigneur. Nous pouvons lui dire : mon âme te chante Seigneur parce que tu as regardé avec bonté l’humilité et la petitesse de ton serviteur. Heureux suis-je d’avoir été pardonné. Ta miséricorde, celle que tu as eue envers tous les saints et envers tout ton peuple fidèle, m’a atteint moi aussi. Je me suis perdu, en me cherchant moi-même, en raison de l’orgueil de mon cœur, mais je ne suis monté sur aucun trône, Seigneur, et mon unique gloire, c’est que ta Mère m’accueille en son sein, me couvre de son manteau et me mette près de son cœur. Je désire être aimé par toi, comme un de plus parmi les plus humbles de ton peuple, rassasier de ton pain ceux qui ont faim de toi. Souviens-toi Seigneur de ton alliance de miséricorde avec tes fils, les prêtres de ton peuple. Que nous soyons, avec Marie, signe et sacrement de ta miséricorde.
Et demandons à la Vierge Marie de prier avec nous et pour nous le Père céleste, afin qu’il répande sur tous les croyants l’Esprit Saint, feu divin qui réchauffe les cœurs et nous aide à être solidaires avec les joies et les souffrances de nos frères.
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