coeurtendre Admin
Nombre de messages : 13259 Age : 67 Localisation : Trois-Rivières Réputation : 1 Date d'inscription : 16/02/2007
| Sujet: 10 /Questions posées par 10 clercs diocésains/6/Je m'appelle Don Massimo Tellan Sam 19 Oct 2019 - 23:20 | |
| Question 6 Quelle place laisser alors à l'éducation à la foi, à ce binôme de paroles à accueillir et d'images à contempler? Où se trouve l'art de raconter la foi et d'introduire au mystère, comme cela se produisait par le passé avec la biblia pauperum?Dans la société actuelle des images comment pouvons-nous retrouver la force débordante de la vue, qui accompagne le mystère de l'incarnation et de la rencontre avec Jésus, comme cela eut lieu pour Jean et André sur les rives du Jourdain, invités à aller et voir où habitait le maître? En d'autres termes: comment éduquer à la recherche et à la contemplation de cette véritable beauté qui, comme l'écrivait Dostoïevski, sauvera le monde? Je m'appelle Don Massimo Tellan, prêtre depuis quinze ans, curé à Casal Monastero, secteur nord, depuis six ans. Je crois que nous nous rendons tous compte que nous vivons toujours plus plongés dans un monde culturellement submergé de paroles, souvent privées de signification, qui désorientent le cœur humain à un tel point qu'elles le rendent sourd à la parole de vérité. Cette Parole éternelle qui s'est faite chair et qui a pris un visage en Jésus de Nazareth devient ainsi pour beaucoup évanescente et, en particulier pour les nouvelles générations, inconsistante et lointaine. Dans tous les cas, elle est confuse dans la jungle d'images ambiguës et éphémères dont nous sommes quotidiennement bombardés. Quelle place laisser alors à l'éducation à la foi, à ce binôme de paroles à accueillir et d'images à contempler? Où se trouve l'art de raconter la foi et d'introduire au mystère, comme cela se produisait par le passé avec la biblia pauperum? Dans la société actuelle des images comment pouvons-nous retrouver la force débordante de la vue, qui accompagne le mystère de l'incarnation et de la rencontre avec Jésus, comme cela eut lieu pour Jean et André sur les rives du Jourdain, invités à aller et voir où habitait le maître?
En d'autres termes: comment éduquer à la recherche et à la contemplation de cette véritable beauté qui, comme l'écrivait Dostoïevski, sauvera le monde? Votre Sainteté, merci de votre attention et, si vous me le permettez, également avec l'accord de mes confrères, et pas seulement en tant de curé de cette paroisse mais aussi en artiste amateur, je voudrais accompagner ce que j'ai dit en vous offrant une icône du Christ à la colonne, image de l'humanité souffrante et humiliée que le Verbe a voulu assumer non seulement jusqu'à l'Ecce homo, mais jusqu'à la mort sur la Croix, et, dans le même temps, image actuelle de l'Eglise Corps mystique du Christ souvent blessée par l'arrogance du mal, mais appelée avec son Seigneur à embrasser le péché du monde pour le racheter par son sacrifice avec Jésus. Merci, Très Saint-Père, et merci également à mes confrères. Ces derniers sont tous engagés, chaque jour plus que moi et mieux que moi, à montrer au monde à travers le témoignage de leur vie le visage actuel du Maître. S'il est vrai, comme cela l'est, que celui qui a vu le Fils a vu le Père, puisse celui qui nous voit, qui voit son Eglise, voir le Christ.
Benoît XV1:Je vous remercie de ce très beau don. Je suis reconnaissant que nous n'ayons pas que des mots, mais également des images. Nous voyons que de la méditation chrétienne naissent aujourd'hui aussi de nouvelles images, que renaît la culture chrétienne, l'iconographie chrétienne. Oui, nous vivons dans l'inflation des paroles, des images. Il est donc difficile de créer un espace à la parole et à l'image. Il me semble que précisément dans la situation de notre monde, que nous connaissons tous, qui est également une souffrance pour nous, la souffrance de chacun, le temps du Carême acquiert une nouvelle signification. Le jeûne physique, qui pendant un certain temps n'était plus considéré à la mode, apparaît aujourd'hui à tous comme nécessaire. Il n'est pas difficile de comprendre que nous devons jeûner. Nous nous trouvons aussi parfois face à certaines exagérations dues à un idéal de beauté erroné. Mais le jeûne physique est cependant une chose importante, car nous sommes corps et âme et la discipline du corps, la discipline également matérielle, est importante pour la vie spirituelle qui est toujours une vie incarnée dans une personne qui est corps et âme. Cela est une dimension.
Aujourd'hui se développent et se manifestent d'autres dimensions. Il me semble que le temps du Carême pourrait précisément être aussi un temps de jeûne des paroles et des images. Nous avons besoin d'un peu de silence, nous avons besoin d'un espace sans le bombardement permanent des images. C'est pourquoi rendre accessible et compréhensible aujourd'hui la signification de quarante jours de discipline extérieure et intérieure est très important pour nous aider à comprendre qu'une dimension de notre Carême, de cette discipline physique et spirituelle, signifie nous créer des espaces de silence et aussi sans images, pour ouvrir à nouveau notre cœur à la véritable image et à la véritable parole. Il me semble prometteur de constater aujourd'hui qu'il y a une renaissance de l'art chrétien, aussi bien d'une musique pour la méditation - comme par exemple celle née à Taizé - que d'un art chrétien, pour revenir à l'art de l'icône, qui reste attaché - disons-le - aux grandes normes de l'iconologie du passé, mais en s'ouvrant aux expériences et aux visions d'aujourd'hui. Là où il y a une véritable méditation approfondie de la Parole, où nous entrons réellement dans la contemplation de cette visibilité de Dieu dans le monde, de cette tangibilité de Dieu dans le monde, naissent également de nouvelles images, de nouvelles possibilités de rendre visibles les événements du salut. Telle est précisément la conséquence de l'événement de l'incarnation. L'Ancien Testament interdisait toute image et il devait l'interdire dans un monde plein de divinités. Il vivait justement dans le grand vide qui était également représenté par l'intérieur du temple, où, en contraste avec les autres temples, il n'y avait aucune image, mais seulement le trône vide de la Parole, la présence mystérieuse du Dieu invisible, non défini par nos images.
Mais ensuite, le nouveau pas accompli est que ce Dieu mystérieux nous libère d'une inflation des images, également d'un temps rempli d'images de divinités, et nous donne la liberté de la vision de l'essentiel. Il apparaît avec un visage, avec un corps, avec une histoire humaine qui, en même temps, est une histoire divine. Une histoire qui se poursuit dans l'histoire des saints, des martyrs, des saints de la charité, de la parole, qui sont toujours explication, continuation dans le Corps du Christ de cette vie divine et humaine, et qui nous donne les images fondamentales dans lesquelles - au-delà des images superficielles qui cachent la réalité - nous pouvons ouvrir le regard vers la Vérité elle-même. C'est pourquoi la période iconoclaste de l'après Concile me semble excessive, elle avait cependant un sens, car peut-être était-il nécessaire de se libérer de la superficialité des images trop nombreuses.
Revenons à présent à la connaissance du Dieu qui s'est fait homme. Comme le dit la lettre aux Ephésiens, Il est la véritable image. Et dans cette véritable image nous voyons - outre les apparences qui cachent la vérité - la Vérité elle-même : "Celui qui me voit, voit le Père". Je dirais avec beaucoup de respect et de révérence que c'est dans ce sens que nous pouvons retrouver un art chrétien et aussi retrouver les grandes représentations essentielles du mystère de Dieu dans la tradition iconographique de l'Eglise. Ainsi nous pourrons redécouvrir l'image véritable, cachée par les apparences. C'est réellement un travail d'éducation chrétienne important: la libération de la Parole derrière la parole, qui exige toujours à nouveau des espaces de silence, de méditation, d'approfondissement, d'abstinence, de discipline. C'est aussi l'éducation à la véritable image, c'est-à-dire à la redécouverte des grandes icônes créées au cours de l'histoire de la chrétienté: avec l'humilité, on se libère des images superficielles. Ce type d'iconoclasme est toujours nécessaire pour redécouvrir l'Image, c'est-à-dire les images fondamentales qui expriment la présence de Dieu dans la chair.
Il s'agit d'une dimension fondamentale de l'éducation à la foi, au véritable humanisme, que nous recherchons en cette période à Rome. Nous avons recommencé à découvrir l'icône avec ses règles très sévères, sans la beauté de la Renaissance. Et nous pouvons ainsi reprendre nous aussi un chemin de redécouverte humble des grandes images, vers une libération toujours nouvelle des paroles trop nombreuses, des images trop nombreuses, pour redécouvrir les images essentielles qui nous sont nécessaires. Dieu lui-même nous a montré son image et nous pouvons retrouver cette image à travers une profonde méditation de la Parole qui fait renaître les images.Alors, prions le Seigneur qu'il nous aide sur ce chemin de véritable éducation, de rééducation à la foi, qui est toujours non seulement une façon d'écouter mais aussi de voir.
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