Je ne sais comment le dire et encore moins l'écrire, mais les quelques fois où j'ai vu la forme d'un cœur à partir d'un dessin, j'ai ressenti une joie tellement indescriptible à voir la forme d'un cœur, que pendant toute ma vie j'ai toujours eu cette hyper-sensibilité à découvrir la beauté de la richesse intérieure qui habite le cœur de chaque être humain. Oui, je me souviendrai toujours de cette première fois de ma vie où j'ai vu la forme d'un cœur, vers l'âge de 18 ans. En quelques minutes, je me suis vite aperçu qu'en prenant l'oreille droite et en la mettant juste à côté de celle de gauche, il était possible d'obtenir avec les deux oreilles la forme d'un cœur.
C'est à partir de cette première expérience que j'ai utilisé l'expression "l'écoute du cœur", que je conservais dans le silence de mon cœur de jeune adulte qui ne connaissait rien de la vie. J'ai vite compris qu'à partir du moment où le cœur aime, alors notre cœur devient la troisième oreille qui permet à notre passion de devenir compassion.
Si je me guide sur ma propre expérience de l'écoute du cœur, selon moi, c'est cette écoute passion qui a activé en moi cette compassion qui m'a permis de respecter la ou les personnes qui souffrent, pour les écouter sans les juger, quelle que soit la situation, la religion, la nationalité de chacun, car chacun a une histoire et un ressenti différent.
Cette forme d'écoute attentive du cœur m'a fait comprendre sans aucun effort qu'il était possible d'avoir une meilleure compréhension de la souffrance humaine à partir du moment où l'on comprend que le silence, le respect et le toucher délicat sont des clefs qui nous donnent accès à une meilleure compréhension de chaque personne en lui permettant d'exprimer ses émotions tout en respectant les limites de chaque personne.
Cette écoute du cœur nous donne accès à l'ouverture de la porte du cœur de chaque personne, et nous permet de comprendre leur ressenti ; la personne peut alors exprimer chaque douleur avec des mots simples, et nous accueillons l'histoire secrète de sa vie. La personne ressent en son for intérieur que nous avons en nous cette passion de l'écoute, où la compassion trace un chemin de guérison intérieure dans le cœur des grands blessés de la vie.
Cette forme d'écoute rarissime nous permet de ressentir de l’empathie et d'être capable de se mettre à la place de l’autre pour comprendre son monde intérieur, sans toutefois porter toute la douleur et la lourdeur de leur douloureux passé sur nos épaules.
Pour mieux comprendre, voici un fait vécu Un jour, après être tombé de 16 pieds de haut en montant dans un échafaudage, voulant venir en aide à un de mes amis voisin pour la réparation de sa maison, j'ai fait une chute et me suis retrouvé à l'Hôpital d'urgence parce que j'avais les deux talons écrasés. Je suis tombé debout sur l'asphalte, entre des blocs de ciment. Après une longue opération, je me suis retrouvé avec 6 vis dans un talon, et une longue tige dans le deuxième talon. J'avais des plâtres à partir de chaque pied jusqu'au-dessus de chaque genou.
que mon accident, et en voici la raison. Après l'opération, je suis sorti de la salle d'opération endormi, le médecin m'avait opéré après m'avoir posé les 6 vis dans le talon droit et une longe tige métallique dans le talon gauche. Ensuite on m'a orienté vers un technicien à la salle des plâtres, lequel m'a posé un plâtre autour de chaque talon, jusqu'au-dessus des genoux. Sans s'en rendre compte, le technicien avait trop compressé le plâtre sur les blessures de mon talon gauche où il y avait 6 vis.
Quand je me suis réveillé en salle de réanimation, l'effet de la médication anti-douleur a cessé, les effets d'engourdissement ont disparu, et la douleur de mes blessures est devenue insupportable, pour ne pas écrire extrême. J'ai tellement sonné au bureau de l'infirmière en chef, qu'elle croyait que je me lamentais pour rien. Avec peine et misère, j'ai réussi à descendre de mon lit pour me traîner à 4 pattes en direction du bureau des infirmières.
Quand elles m'ont vu, elles ont accouru vers moi pour me ramener dans mon lit. L'infirmière en chef est venue me voir avec deux autres infirmières. Je leur ai expliqué que je ne sentais aucune douleur au talon droit, mais qu'au talon gauche où j'avais 6 vis, je ressentais une douleur extrêmement insupportable. Je me souviens de leur avoir dit : Je vous en supplie, j'ai besoin de votre aide, c'est très sérieux, car habituellement jamais je ne me plains.
L'infirmière en chef, après consultation avec les autres infirmières, décida de couper mon plâtre ; en quelques minutes, ma douleur a disparu comme par enchantement. C'est à partir de ce moment que les infirmières ont compris que la compression du plâtre sur mes blessures était la raison de mes douleurs qui existaient réellement. Certaines d'entre elles ont présenté des excuses d'avoir pensé que je me plaignais pour attirer l'attention, un peu comme le fait un enfant pour attirer l'attention de sa mère. Personnellement, j'étais tellement heureux que j'en ai attrapé le fou-rire.
Le médecin qui m'avait opéré ne pouvait pas venir parce qu'il avait une opération d'une durée de 8 heures. Après qu'il a eu terminé son opération, l'infirmière en chef l'a mis au courant de ma situation. Les infirmières m'ont reconduit à la salle d'opération, pour permettre au médecin qui m'avait opéré de revoir mon talon, là ou l'infirmière avait coupé le plâtre pour le décompresser de mes blessures.
(Une mauvaise surprise m'attendait) Les infirmières ont transporté mon lit à la salle d'opération, où le médecin n'était pas encore présent. À son arrivée, il fit le tour de mon lit à deux reprises et il s'arrêta au pied de mon lit en me fixant avec un regard froid et amer. Je pensais qu'il voulait seulement vérifier comment mon plâtre avait été posé par le technicien de la salle des plâtres. Mais, à ma très grande surprise, le médecin leva les yeux vers moi et il me frappa deux fois sur le plâtre en me disant : Mr Bernatchez, quand je vous fais poser un plâtre, c'est pour le garder, oké?
Je me suis aperçu que les infirmières présentes, y compris l'infirmière en chef, toutes avaient un regard de stupeur, surtout que j'ai réagi avec un cri de douleur extrême, à deux reprises, et je n'y comprenais rien, rien, absolument rien. J'avais l'impression de me retrouver devant feu mon pauvre père qui m'avait cassé plusieurs membres de l'âge de 2 ans jusqu'à mes 15 ans 1/2.
Le médecin poursuivit sa marche autour du lit et au moment où il fut rendu proche de mes deux mains, sans le frapper je l'ai pris par sa blouse en lui disant devant les infirmières : (Docteur, au nom de tous les patients qui n'ont aucune défense, je vous le dis, un médecin ne doit jamais frapper un patient, comme vous venez de le faire avec moi, oké?
Les infirmières qui avaient été témoins n'ont pas réagi pour le défendre. En tirant sur sa blouse, je lui ai fait perdre un certain nombre de boutons, mais je ne l'ai pas frappé. Après qu'il a eu fait son travail, on m'a retourné pour me faire remettre un nouveau plâtre par le technicien, qui lui, a formulé des excuses pour son erreur d'avoir compressé le plâtre sur les blessures de mon talon qui avait 6 vis.
Après mon retour dans ma chambre, l'infirmière en chef est venue présenter des excuses au nom du médecin qui m'avait frappé à deux reprises sur mes blessures.
L'infirmière en chef m'a dit : Vous savez, Mr Bernatchez, j'ai été témoin que le médecin vous a frappé par deux fois, cela n'a aucun sens, c'est inacceptable pour un médecin. Pourtant je le connais très bien, ce médecin, il est très gentil, mais malheureusement il travaille trop. Cela fait plusieurs mois que ses confrères médecins lui disent : Vous travaillez trop, docteur, vous devriez prendre des vacances, sinon un jour vous allez vous épuiser. Il m'a demandé de venir en son nom, pour que vous l'excusiez, et il m'a promis de vous rendre visite demain.
Le lendemain, le médecin est venu me voir en m'expliquant qu'il était allé trop loin et qu'il n'aurait jamais dû me frapper. Il me présenta des excuses par trois fois, et il me dit : Durant votre séjour à l'hôpital, si vous avez besoin de quoi que ce soit, je vous laisse mon numéro de téléphone privé, et à toute heure du jour ou de la nuit appelez-moi, je vous promets de venir vous voir.
À la sortie de l'Hôpital, une drôle d'histoire m'attendait Oui, à ma sortie de l'hôpital je suis revenu au presbytère ou j'avais la responsabilité comme laïc d'un organisme qui servait 2 repas par jour, où l'on accueillait 30 à 60 personnes par jour.
En arrivant au presbytère, j'étais loin de m'attendre à faire ma première sortie pour visiter une paroissienne le soir même de ma sortie de l'Hôpital. Avec les deux talons dans le plâtre jusqu'au-dessus des genoux, je pensais être au moins de une à deux semaines sans sortir à l'extérieur.
Cette première visite n'était vraiment pas prévue. Une dame avait demandé à recevoir la visite du curé de la paroisse. Mais celui-ci devait se préparer pour un départ à l'Institut de Cardiologie de Montréal, afin de passer des examens médicaux pour son coeur dans les jours à venir. Alors j'ai dit au curé : Dites-lui qu'un laïc pourrait être disponible pour lui rendre visite, si elle le veut, elle n'a qu'à m'appeler si vraiment elle le désire.
Quelques heures après, je reçois l'appel de cette dame et elle me pose la question : Est-ce que vous êtes disponible pour venir me rendre visite ce soir?
Je luis réponds que je serais disponible mais que j'aimerais lui poser une question à propos de mon handicap, pour m'assurer qu'elle ne soit pas mal à l'aise quand elle allait me voir. Elle me demanda : C'est quoi la question en lien avec votre handicap? Je lui répondis que j'avais trois oreilles et que je ne voulais pas qu'elle se sente obligée de m'accueillir à cause de ce handicap qui est très rare. Elle me dit : Ça ne me dérange pas du tout, cher Mr Bernatchez, car j'ai déjà travaillé de longues années auprès des personnes handicapées. Je ne juge jamais une personne à partir de son handicap, vous êtes le bienvenu.
Je ne pensais pas du tout que la dame demeurait au 3ème étage. J'ai monté assis, marche par marche, avec mes deux béquilles. Quelle ne fut pas la surprise de la dame en ouvrant sa porte de logement, de voir un homme dans la trentaine avec des plâtres des talons jusqu'au-dessus des genoux et avec deux béquilles! Elle n'était pas vraiment certaine que j'étais l'homme du presbytère qui devait venir la visiter.
Comme je lui avais parlé de mon handicap en lui disant que j'avais 3 oreilles, elle s'est penchée à droite comme à gauche, mais comme elle voyait seulement deux oreilles, elle n'était pas certaine que j'étais l'homme du presbytère. Après l'avoir rassurée que j'étais vraiment l'homme du presbytère, elle ne dit aucun mot et m'invita à m'asseoir dans son salon. Pendant proche 1 heure 1/2 la dame me parla de sa famille, y compris de son engagement auprès des personnes handicapées et de plusieurs autres sujets. Elle était heureuse d'être en contact avec moi, surtout quand je lui ai fait savoir que moi aussi j'avais travaillé de longues années auprès des personnes handicapées mentales et physiques. Elle connaissait l'existence du café des pauvres, l'organisme dont j'avais reçu la charge à partir du conseil des marguilliers de cette paroisse, pour construire un climat de non-violence. La dame me dit : Je ne pensais pas avoir la possibilité de rencontrer le responsable de cet organisme en personne, et encore moins de rencontrer un homme dans le plâtre jusqu'au-dessus des genoux.
J'ai remarqué à plusieurs reprises, tout au long de notre longue conversation, qu'il lui arrivait de se pencher de droite à gauche, de gauche à droite, en espérant trouver ma troisième oreille. Parfois je me retenais de ne pas attraper le fou-rire, parce que moi je savais qu'elle cherchait ma troisième oreille sans la trouver, alors que ma troisième oreille était celle du coeur, impossible à détecter si le coeur n'est pas habité par cette passion de l'écoute. Vers la fin de notre rencontre, elle me dit une deuxième fois qu'elle était triplement surprise qu'une personne en béquilles soit venue lui rendre visite la journée même de sa sortie de l'Hôpital. Elle ajouta : C'est moi qui aurait dû me rendre au presbytère pour vous rendre visite.
Elle me dit : Je suis très contente que vous soyez venu me rendre visite, mais il n'y a qu'une seule chose qui m'intrigue chez vous. C'est qu'au téléphone vous m'avez demandé si votre handicap, le fait de vous voir avec trois oreilles, me dérangeait. Depuis que vous êtes devant moi, j'ai essayé de localiser votre troisième oreille et je ne l'ai pas localisée, pourtant j'ai une très bonne vue. Dites-moi, où est-elle, pour l'amour de Dieu? J'ai pris mon doigt et j'ai pointé mon doigt sur mon coeur en lui disant que cette troisième oreille, elle était invisible, on l'appelle l'oreille du coeur.
La dame me regarda avec le fou-rire, puis elle me dit : Je l'ai tu cherchée, la maudite oreille, vous m'avez vraiment eue... Surtout que ça m'interrogeait de savoir qu'une personne puisse avoir trois oreilles. Je n'oublierai jamais cette rencontre avec vous, encore moins votre sens de l'humour avec l'histoire de vos trois oreilles.
Derrière les plus grandes peurs vécues durant mes 15 années 1/2 de vie de maltraitance de ma vie d'enfance, il se cachait, dans l'invisibilité de mon coeur, les plus grands dons, où les mots n'existent pas sous forme d'explication, c'est un mystère impossible à expliquer avec des mots humains.
Cette richesse de l'écoute du coeur m'a fait découvrir l'existence de cette troisième oreille, qui normalement, devrait s'activer dans le coeur de chaque personne, celle qui a cette passion de l'écoute quel que soit le titre de sa profession. C'est toujours l'amour et la passion qui font naître la compassion, comme c'est la compassion qui donne naissance à cette écoute du coeur qui crée un dialogue compassionnel entre le coeur de la personne qui écoute, et le coeur de la personne qui est à la recherche d'un confident. Enlève la passion et la compassion de ta profession, alors l'écoute du coeur disparaît et ta profession devient un simple job.