Combien de chrétiens, au siècle dernier, envoyés dans les goulags russes ou dans les camps de concentration nazis, ont prié pour qui voulait les tuer? «Beaucoup l’ont fait». Et il s’agit d’exemples très élevés qui touchent les consciences de chacun, car arriver à «aimer» ses propres ennemis, ceux qui veulent te détruire, est quand même «vraiment difficile à comprendre»: seule «la parole de Jésus» peut l’expliquer.
Tel est le thème suggéré par la liturgie du jour, avec l’Evangile de Matthieu (5, 43-48). Une page qui interpelle, au point que le Pape a révélé: «Quand, ce matin, je priais sur ce texte, je ne trouvais pas la voie pour préparer ma prédication. Et j’ai pensé: “Mais Jésus a des idées que nous ne pouvons pas comprendre et que nous ne pouvons pas recevoir”».
Le Pape a ainsi essayé d’entrer dans le raisonnement que, humainement, il serait spontané et immédiat de faire: «C’est vrai. Nous devons pardonner nos ennemis. Et nous pardonnons aussi pour être pardonnés». C’est une condition «difficile» mais, même si c’est «avec un peu de difficultés», que l’on peut parcourir.
Une difficulté que nous considérons pouvoir affronter, même en considérant le pas suivant: «Prier pour les autres: prier pour ceux qui nous donnent des difficultés, qui ont une façon agressive de se comporter en famille. Et prier pour ceux qui nous mettent à l’épreuve: cela aussi est difficile, mais nous le faisons. Ou tout au moins, nous avons souvent réussi à le faire». Mais c’est le niveau supplémentaire qui apparaît incompréhensible: «Prier pour ceux qui veulent me détruire, mes ennemis, pour que Dieu les bénisse: cela est vraiment difficile à comprendre».
Difficile, mais pas impossible. Le Pape a rappelé les pages les plus sombres du XXe siècle: «Pensons au siècle dernier, aux pauvres chrétiens russes qui du seul fait d’être chrétiens étaient envoyés en Sibérie où ils mouraient de froid: et eux devaient prier pour le bourreau qui les envoyait là-bas? Mais comment est-ce possible? Et beaucoup l’ont fait: ils ont prié». Et encore: «Pensons à Auschwitz et à d’autres camps de concentration: ils devaient prier pour ce dictateur qui voulait une race pure et qui tuait sans scrupule, et prier pour que Dieu les bénisse, tous ceux-là! Et beaucoup l’ont fait». D’où l’invitation qui ébranle les consciences: «Prier pour celui qui va te tuer, qui cherche à te tuer, à te détruire...».
Une aide est apportée par l’Ecriture elle-même, dans laquelle «il y a deux prières qui nous font entrer dans cette logique difficile de Jésus: la prière de Jésus pour ceux qui le tuaient — “pardonne-les, Père” — et qui les justifie aussi: “Ils ne savent pas ce qu’ils font”». Il y a aussi Etienne (Actes des apôtres, 7, 60) qui «fait la même chose au moment du martyre: “Pardonne-les”». Deux exemples élevés face auxquels François a commenté: «Quelle distance, une distance infinie avec nous-mêmes qui parfois ne pardonnons pas les petites choses», alors que le Seigneur «nous demande» ce «dont il nous a donné l’exemple: pardonner ceux qui cherchent à nous détruire».
Le Pape a ainsi poursuivi la confrontation entre la demande de Jésus et la faiblesse humaine, en touchant de manière concrète certains aspects de la vie quotidienne: «Dans les familles, il est parfois très difficile de se pardonner». Chaque jour, on fait l’expérience de la difficulté de pardonner même les personnes que nous aimons le plus. «Cela nous fera du bien, aujourd’hui, de penser à un ennemi, quelqu’un qui nous a fait du mal». Après quoi, «prions pour lui. Demandons au Seigneur de nous donner la grâce de l’aimer».