Chapitre 32 - Dévotion particulière au bon Larron
Motifs de cette dévotion dans les temps présents. - Pratique de cette dévotion. - Introduction. - Premier privilège du bon Larron : méditation et prière. - Second, troisième, quatrième, cinquième privilège. - Méditation et prière. - Oraisons à saint Dimas, grand patron des pécheurs mourants. - Épitaphe du bon Larron. - Conclusion de l'histoire du bon Larron. - Avis aux pécheurs et au dix-neuvième siècle. - Motifs de confiance. - Nécessite du repentir. -
Bonheur du dix-neuvième siècle repentant. De la vie du bon Larron naissent naturellement, comme le parfum de la fleur, l'admiration, la confiance, l'amour. Afin de les rendre efficaces, un ancien et pieux auteur a traduit ces nobles sentiments en exercice de dévotion, à l'usage de tous les chrétiens et surtout des grands pécheurs, arrivés, sans conversion, à l'article de la mort. Il en est peu, ce nous semble, qui devrait être plus répandu, aujourd'hui surtout. Ne sommes-nous pas, qui que nous soyons, en face de ce grand pécheur qui s'appelle le Dix-neuvième Siècle, qui marche vers l'abîme à grands pas, couvert d'iniquités et le blasphème sur les lèvres ? Outre la charité, la crainte d'être entraînés avec lui, la nécessité de nous préserver de l'esprit qui l'anime, ne nous font-elles pas un devoir de solliciter instamment sa conversion ? Déjà, qui peut compter les âmes que son contact a perdues ? Combien de personnes pieuses dans le monde, de religieuses dans les maisons particulières ou dans les hôpitaux ; combien de prêtres dans l'exercice du ministère pastoral ; combien d'enfants, d'épouses, de mères, de sœurs n'ont pas à demander le salut de quelque désespéré ? Après Marie, le refuge par excellence des pécheurs, trouverons-nous un plus puissant avocat que le bon Larron, grand pécheur et grand saint, converti et canonisé trois heures seulement avant de mourir ? A cette question va répondre l'exercice suivant, fondé sur les glorieux privilèges du bienheureux Dimas.
Introduction
Nous devons tous mourir. Il est décrété, dit saint Paul, que tous les hommes mourront ; et après cela le Jugement (Heb., IX, 27). Le mal n'est pas de mourir, mais de mourir mal. De là, cette parole du Prophète-roi : La mort des pécheurs est tout ce qu'il y a de plus mauvais (Ps. 33, 22). Pour nous aider à faire non seulement une bonne, mais une excellente mort, j'ai, après de longues recherches, trouvé le grand saint Dimas, Dans les derniers moments de sa vie mortelle, de voleur horriblement fameux il devint, grâce à l'infinie miséricorde, un des plus grands saints du Paradis. Ainsi l'enseigne le saint cardinal Pierre Damien. «Paille à brûler, il est devenu un cèdre du Paradis ; tison d'enfer, il est un astre radieux du firmament». Que chacun donc recoure à ce très puissant avocat des agonisants, afin qu'il lui obtienne, dans ce terrible moment, une vraie douleur de ses péchés. Pour cela, qu'il fasse souvent en son honneur l'exercice suivant.
Premier privilège
Le premier privilège de saint Dimas est sa ressemblance avec Notre-Seigneur crucifié. Elle consiste en ce que, par la grâce toute-puissante de Jésus, il se convertit sur-le-champ, devint le bien-aimé du Sauveur, et parmi tous les élus il est le seul qui ait souffert le supplice de la croix avec Lui. Écoutons le séraphique saint Bernardin de Sienne : «Peu importe qu'il ait été crucifié pour ses crimes. Après sa parfaite conversion, il fut un vrai membre de Jésus-Christ, et dès ce moment ses souffrances furent semblables aux mortelles souffrances du Fils de Dieu».
Prière
Grand saint ! nous vous supplions de nous obtenir de votre bien-aimé Rédempteur, la grâce de porter gaiement Sa croix, afin que nous soyons en tout conformes à Celui qui a voulu être crucifié pour l'amour de nous. «Car, dit l'Apôtre, les prédestinés à la gloire doivent être ici-bas les images du Fils de Dieu» (Rom., VIII, 29). Pater, Ave, Gloria, etc.
Deuxième privilège
Le second privilège de saint Dimas est d'avoir été l'avocat du Fils de Dieu. Ce privilège est incomparable. Pour en comprendre la sublime grandeur, il faut considérer quel était ce Jésus qui, abandonné de tous et cloué sur une croix, répandait Son sang et donnait Sa vie pour le salut de l'homme. Quel noble client ! Quel insigne privilège d'être choisi pour Son défenseur ! Quel courage il fallait pour dire devant toute la Synagogue : Jésus est innocent ! (Luc., XXIII, 41).
Prière
Grand saint ! daignez nous obtenir la force de défendre en toute occasion l'honneur de Dieu, la cause de l'Église et de confesser Jésus-Christ, Homme-Dieu, Rédempteur du monde, en fuyant le péché, et en ne négligeant rien pour le faire éviter et détester des autres, afin qu'au jour du Jugement, Jésus nous confesse devant Son Père éternel et devant toutes les nations assemblées, suivant sa promesse : «Celui qui Me confessera devant les hommes, Je le confesserai Moi aussi devant Mon Père» (Matth., X, 32). Pater, Ave, Gloria, etc.
Troissième privilège
Le troisième privilège de saint Dimas est d'avoir été l'unique prédicateur de la divinité de Jésus crucifié. S'il fallait un courage héroïque pour proclamer l'innocence de Jésus, en face de Ses accusateurs et de Ses bourreaux, il fallait une foi d'une vigueur et d'une vivacité incompréhensibles pour proclamer Sa divinité. Cette foi est le privilège exclusif de notre saint. Dans ce Jésus, mourant au milieu des opprobres, il reconnaît le Dieu de l'Univers, le Roi immortel des siècles, et il le proclame en disant : «Souvenez-Vous de moi, quand Vous serez dans votre royaume» (Luc., XXIII, 42).
Prière
Grand saint ! nous vous prions de nous obtenir de votre tant aimé Jésus, la grâce de rechercher avidement, non les biens périssables de cette misérable vie, non les plaisirs de ce siècle corrompu, mais uniquement le règne de Dieu, et Sa justice, comme Lui-même nous l'a dit (Matth., V, 33) : «Afin que, parmi les vicissitudes de ce monde, nos cœurs soient fixés, là où sont les véritables joies». Pater, Ave, Gloria, etc.
Quatrième privilège
Le quatrième privilège de saint Dimas est d'avoir été le compagnon des douleurs de la très sainte Vierge. Entre toutes les créatures de la terre, au bon Larron seul fut réservée l'insigne prérogative d'être le compagnon des souffrances de Marie. Seul avec elle, au moment de la mort du Rédempteur, il conserva intacte la foi en Jésus. Seul avec Marie, il compatit à Sa mort, comme à la mort du Fils de Dieu, vraiment Dieu et vraiment homme. C'est la doctrine du séraphique Bernardin. «Les gémissements du seul bon Larron avec ceux de Marie, furent pleinement agréables à Dieu, parce, grâce à la foi infuse dans son âme, seul il regarda comme vraiment Dieu, l'homme qu'il voyait mourir sous ses yeux dans d'incroyables douleurs».
Prière
Grand saint ! daignez nous obtenir Notre-Seigneur la grâce d'accompagner la très sainte Vierge, dans le douloureux martyre qu'elle souffrit au pied de la croix. Tel est le désir de cette sainte Mère, comme elle-même le révéla à sainte Brigitte : «Ma fille, ne m'oubliez pas ; voyez ma douleur et ressentez-la autant que vous pourrez. Considérez mes souffrances et mes larmes, et affligez-vous avec moi». Pater, Ave, Gloria, etc.
Cinquième privilège
Le cinquième privilège du bon Larron est d'avoir été la figure de tous les élus. En lui se voient, comme réunies, toutes les âmes bienheureuses, destinées à jouir dans le ciel de la gloire éternelle. Car lui seul entendit de la bouche même de Jésus cette parole : Aujourd'hui vous serez avec Moi dans le Paradis (Luc., XXIII, 42). «Il l'entendit le premier, il l'entendit pour lui et pour toute l'humanité régénérée, dont il était le représentant : ce qui n'a été donné à aucun autre».
Prière
Grand saint ! figure de tous les élus, nous vous demandons humblement de nous obtenir de Jésus crucifié avec vous, la grâce de porter patiemment le fardeau de la vie, les tribulations, le travail, la pauvreté, la maladie, en un mot, la croix qui, dans cette vallée de larmes, pèse sur les malheureux enfants d'Adam, afin que nous méritions d'être comptés parmi les élus et participants de la gloire éternelle. Telle est, suivant l'oracle divin, la condition du salut : «Ceux-là entreront dans la maison du Père céleste, qui auront lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau crucifié (Apoc., VII, 14). Pater, Ave, Gloria, etc
A saint Dimas, Patron des agonisants. Antienne. Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Dès ce moment, l'Esprit leur dit de se reposer de leurs travaux. O Dimas ! Larron pénitent, excellent patron, soyez mon protecteur au moment de la mort, lorsque je me détacherai dans l'agonie.
Prière à saint Dimas.
A saint Dimas, Patron des agonisants. Antienne. Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Dès ce moment, l'Esprit leur dit de se reposer de leurs travaux. O Dimas ! Larron pénitent, excellent patron, soyez mon protecteur au moment de la mort, lorsque je me détacherai dans l'agonie. Prière à saint Dimas. Saint Dimas, qui par une Providence admirable, d'insigne voleur êtes devenu un parfait modèle de pénitence, et, en peu d'heures, avez acquis le bonheur éternel : du trône de gloire où vous êtes assis, abaissez vos regards sur cette vallée de misère. Souvenez-vous, admirable Saint, de la fragilité de la nature humaine, toujours plus inclinée au mal qu'au bien. Souvenez-vous-en ; et demandez pour nous au Dieu, qui, par Sa grâce efficace, vous a conduit à la pénitence et à la gloire du Paradis, de nous faire produire par la même grâce, à nous Ses serviteurs et Ses servantes, de dignes fruits de pénitence, afin qu'effaçant nos péchés comme vous, nous mourions pieusement avec vous, pour nous réjouir éternellement ensemble en Dieu notre Sauveur. Ainsi soit-il.
Prière de sainte Brigitte. Bénédiction éternelle à vous, mon Seigneur Jésus-Christ, qui, étant à l'agonie, avez donné à tous les pécheurs l'espérance du pardon, en promettant miséricordieusement au bon Larron la gloire du Paradis. Ainsi soit
Afin de ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la gloire du bon Larron, nous transcrivons ici l'épitaphe qu'une main pieuse lui a composée. En la lisant, on y trouvera de nouveaux motifs de confiance envers le grand saint, dont il serait à désirer que le culte devint plus populaire aujourd'hui que jamais.
Épitaphe du bon Larron
«Voici un voleur ; Passant, arrête. «Sa vie n'est connue que par sa mort. «Partout vagabond, partout fugitif. «Pour que Dieu prît enfin le trouver, il fallut le clouer sur une croix. «Alors même, il n'oublia pas son métier ; condamné à mort pour avoir volé, «Il changea l'objet de son vol, mais toujours voleur dans 'âme. «Au Dieu voyageur il ne servit de rien, de cacher Ses trésors sous Sa nudité. «Comme Il sort du monde, le voleur le suit jusque dans les airs et s'attache à Son côté. «Il profite des ténèbres d'une nuit subitement arrivée, «Et, ne pouvant voler avec la main, il vole avec la parole. «De la clef de David, qui le premier devait faire usage, sinon un voleur ? «À demi mort, il la reconnaît. «Ni la nuit ni la rouille ne peuvent la cacher à des yeux toujours attentifs aux clefs. «Le ciel se trouble en se voyant escalader. «Il craint pour ses trésors, «En les voyant ouverts aux voleurs. «Mais celui-ci, y montant les jambes brisées, «Prouve qu'il ne vient pas comme un voleur ordinaire. «Dans le voisinage du Christ, il puisa un tel amour de la croix, «Que, pour l'en détacher, il fallut le frapper à grands coups. «Au bon Larron, Passant, joins le mauvais, de peur qu'il ne te nuise ; «Entre les deux tu trouveras le Christ. «Regarde ce double phare, si tu veux tenir la route du ciel».
Dernier chef-d'œuvre du Rédempteur expirant, il a été laissé au monde comme un type immortel. Le Dieu Sauveur, dont la miséricorde est immuable, peut et veut le réaliser dans tous les pécheurs, si désespérés qu'ils soient. Lui-même nous en donne Son infaillible parole : Le Fils de l'homme est venu pour sauver tout ce qui avait péri. Oui, tout, sans exception, peuples et individus ; tout ce qui voudra être sauvé, même les voleurs de grands chemins. Que reste-t-il donc à dire aux pécheurs, et surtout au grand Larron qui s'appelle le Dix-neuvième Siècle ? Un seul mot : repentir. S'adressant aux premiers, la foi leur dit : Excepté l'innocence, vous êtes de grands enfants qui vous laissez fasciner par votre implacable ennemi. Voyez ces fils de rois : dans leurs mains se trouve parfois une pierre précieuse. Un filou se présente. En échange de leur trésor, il leur offre quelques friandises dont leur âge est avide, et la perle s'échappe de leurs mains. Ainsi fait le démon à votre égard. Le rusé ennemi des âmes, dit saint Augustin, vous présente un fruit trompeur, et vous vole le Paradis : Porrigit pomum et surripit Paradisum. Fils de rois, héritiers d'un trône, assez longtemps vous avez fait le métier de dupes ; il est temps de devenir sages. Imitez le bon Larron. Coupables, comme lui, comme lui sachez vous repentir. En voyant un vétéran du crime, déjà sur le gibet, obtenir en quelques instants et sa grâce et le bonheur éternel, qui peut désespérer : Quis hic desperet, Latrone sperante ?
Quant au Dix-neuvième Siècle, à qui nous avons dédié cette histoire, les paroles suivantes, venues du lointain des âges, semblent écrites exprès pour lui. «Rentre enfin en toi-même, vieil Adam. En considérant le Larron du Calvaire, vois où t'a cherché le nouvel Adam, et dans quel état il t'a trouvé. Dans les plaies de son corps, il t'a montré les ignominies de ton âme. Tu le fuyais ; et, te courir après en t'appelant et en pleurant, à travers les soufflets, les fouets et toute sorte d'outrages inconnus, ne lui a pas suffi. «Il t'a poursuivi jusque sur la croix, où tes crimes t'avaient conduit, et là, il t'a trouvé, déjà moitié mort, et il t'a sauvé. Quel fut, en effet, ce larron, sinon Adam ? Du jour, où, dans le Paradis, il devint homicide de lui-même et de sa race, le père du genre humain s'enfuit chargé de son crime, loin de Dieu, et se cacha, jusqu'à ce qu'enfin cloué à une croix, il ne lui fût plus possible de fuir ni de se cacher. Là, saisi par vous, ô bon Jésus, et converti, il avoua sa faute, et en accepta volontiers le châtiment. Afin de l'encourager à souffrir, Vous daignâtes Vous placer Vous-même à ses côtés pour souffrir avec lui».
Voilà bien le Dix-neuvième Siècle. En pleine insurrection contre le christianisme et contre l'Église, il prétend vivre sans eux, loin d'eux, malgré eux. Vains efforts ! Semblable au cheval de manège auquel on a bandé les yeux, il a perdu l'instinct de sa conservation et s'épuise à tourner dans un cercle infranchissable. A tous les pontifes de la sagesse humaine, il demande l'ordre et la paix : et il n'aboutit qu'à des mécomptes. En attendant, la fermentation révolutionnaire s'étend partout ; les symptômes de bouleversement s'accentuent de plus en plus ; les fautes se multiplient, la culpabilité s'aggrave ; la puissance des ténèbres grandit à vue d'œil : et le Dix-neuvième Siècle ne se convertit pas ! Que faut-il en conclure ? Comme Dieu aura le dernier mot, il faut en conclure que l'heure du crucifiement approche. Déjà, s'il veut prêter l'oreille, le Dix-neuvième Siècle entendra retentir la hache et le marteau des nombreux travailleurs qui, dans leurs antres souterrains, lui fabriquent sa croix. C'est là, sur le gibet du Socialisme et de la Barbarie : Affirmés, comme le disent leurs apôtres, par l'athéisme et le matérialisme, qu'il va se trouver face à face avec Dieu1 . Dans ses mortelles angoisses, qu'il se souvienne du Calvaire. Là, il y eut deux larrons en croix ; et s'il ne veut pas périr comme le mauvais, qu'il dise comme le bon : «Je souffre justement ; mais le christianisme que j'ai tant blasphémé, mais l'Église que j'ai tant persécutée, n'ont point fait de mal. Fondateur du christianisme et de l'Église, Jésus, Rédempteur du monde, souvenez-Vous de moi, quand, sur les ruines de tout ce qui doit périr, Vous aurez rétabli Votre règne : Je me repends ».
Depuis quelques années surtout, la Providence, toujours lente à. punir, semble redoubler d'efforts, en multipliant coup sur coup les motifs de crainte et d'espérance, afin d'amener sur les lèvres du Dix-neuvième Siècle cette parole de salut. A peine prononcée, cette miraculeuse parole fait tout rentrer dans l'ordre, ferme l'ère des révolutions, et prépare au monde le plus brillant avenir. Redevenues les filles dociles de leur mère et mettant à son service les immenses trésors de génie, de force et d'activité dont elles disposent, les nations de l'Occident renverseront sans peine les barrières séculaires, qui arrêtent la civilisation chrétienne aux frontières de l'Orient. Alors, le Prince de la paix reprenant son empire, se réalisera le triomphe universel de l'Église pressenti par les uns, annoncé par les autres, désiré par tous, et, ce semble, visiblement préparé par le développement, sans exemple et sans raison apparente, de toutes les œuvres catholiques dans le monde entier. Heure bénie ! où le Dieu Rédempteur devenu, selon Ses vœux, l'unique berger d'une seule bergerie, et, laissant les pharisiens d'aujourd'hui, comme les pharisiens d'autrefois, l'accuser d'être l'ami des pécheurs, se montrera pour le Dixneuvième Siècle ce qu'il fut ; pour Dimas, pour la jeune pénitente de Magdala, pour l'enfant prodigue, pour la brebis perdue et retrouvée, l'incompréhensible miséricorde et l'incompréhensible tendresse. Heure bénie ! où le Dix-neuvième Siècle, grand pécheur et grand voleur, mais, comme le larron du Calvaire, grand pénitent et grand apôtre, entendra la parole qui dissipera toutes ses craintes, apaisera toutes ses haines, guérira toutes ses plaies : Aujourd'hui vous serez avec moi dans le Paradis : Hodie mecum eris in Paradiso. Il en sera complètement ainsi ; car le repentir, c'est la paix ; la paix est la tranquillité de l'ordre ; l'ordre est le paradis de la terre.
A saint Dimas, Patron des agonisants. Antienne. Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Dès ce moment, l'Esprit leur dit de se reposer de leurs travaux. O Dimas ! Larron pénitent, excellent patron, soyez mon protecteur au moment de la mort, lorsque je me détacherai dans l'agonie.
Prière à saint Dimas.
A saint Dimas, Patron des agonisants. Antienne. Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Dès ce moment, l'Esprit leur dit de se reposer de leurs travaux. O Dimas ! Larron pénitent, excellent patron, soyez mon protecteur au moment de la mort, lorsque je me détacherai dans l'agonie. Prière à saint Dimas. Saint Dimas, qui par une Providence admirable, d'insigne voleur êtes devenu un parfait modèle de pénitence, et, en peu d'heures, avez acquis le bonheur éternel : du trône de gloire où vous êtes assis, abaissez vos regards sur cette vallée de misère. Souvenez-vous, admirable Saint, de la fragilité de la nature humaine, toujours plus inclinée au mal qu'au bien. Souvenez-vous-en ; et demandez pour nous au Dieu, qui, par Sa grâce efficace, vous a conduit à la pénitence et à la gloire du Paradis, de nous faire produire par la même grâce, à nous Ses serviteurs et Ses servantes, de dignes fruits de pénitence, afin qu'effaçant nos péchés comme vous, nous mourions pieusement avec vous, pour nous réjouir éternellement ensemble en Dieu notre Sauveur. Ainsi soit-il.
Prière de sainte Brigitte. Bénédiction éternelle à vous, mon Seigneur Jésus-Christ, qui, étant à l'agonie, avez donné à tous les pécheurs l'espérance du pardon, en promettant miséricordieusement au bon Larron la gloire du Paradis. Ainsi soit
Afin de ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la gloire du bon Larron, nous transcrivons ici l'épitaphe qu'une main pieuse lui a composée. En la lisant, on y trouvera de nouveaux motifs de confiance envers le grand saint, dont il serait à désirer que le culte devint plus populaire aujourd'hui que jamais.
Épitaphe du bon Larron
«Voici un voleur ; Passant, arrête. «Sa vie n'est connue que par sa mort. «Partout vagabond, partout fugitif. «Pour que Dieu prît enfin le trouver, il fallut le clouer sur une croix. «Alors même, il n'oublia pas son métier ; condamné à mort pour avoir volé, «Il changea l'objet de son vol, mais toujours voleur dans 'âme. «Au Dieu voyageur il ne servit de rien, de cacher Ses trésors sous Sa nudité. «Comme Il sort du monde, le voleur le suit jusque dans les airs et s'attache à Son côté. «Il profite des ténèbres d'une nuit subitement arrivée, «Et, ne pouvant voler avec la main, il vole avec la parole. «De la clef de David, qui le premier devait faire usage, sinon un voleur ? «À demi mort, il la reconnaît. «Ni la nuit ni la rouille ne peuvent la cacher à des yeux toujours attentifs aux clefs. «Le ciel se trouble en se voyant escalader. «Il craint pour ses trésors, «En les voyant ouverts aux voleurs. «Mais celui-ci, y montant les jambes brisées, «Prouve qu'il ne vient pas comme un voleur ordinaire. «Dans le voisinage du Christ, il puisa un tel amour de la croix, «Que, pour l'en détacher, il fallut le frapper à grands coups. «Au bon Larron, Passant, joins le mauvais, de peur qu'il ne te nuise ; «Entre les deux tu trouveras le Christ. «Regarde ce double phare, si tu veux tenir la route du ciel».
Conclusion
Se repentir ou périr : telle est l'alternative laissée au coupable, quel que soit son nom. Mieux qu'aucun raisonnement, l'histoire du bon Larron la met dans tout son jour. Quelques heures de plus sans repentir, et Dimas était perdu. Pour les peuples, non moins que pour les individus, cette alternative est inévitable : la raison en est simple. Ne pas se repentir quand on est coupable, c'est prétendre être coupable impunément. Prétendre être coupable impunément, c'est ôter à Dieu la justice et à l'homme la responsabilité de ses actes, c'est vouloir vivre, tout en violant la loi fondamentale de la vie : car la vie, c'est l'ordre. L'ordre existe, lorsque toute chose est à sa place : en haut, ce qui, d'après les lois éternelles, doit être en haut ; en bas, ce qui doit être en bas. Mettre en haut ce qui, d'après les lois éternelles, doit être en bas, et en bas, ce qui doit être en haut : Dieu à la place de l'homme, et l'homme à la place de Dieu ; c'est le désordre. Prétendre y vivre, y vivre impunément, c'est vouloir maintenir en haut ce qui doit être en bas, et en bas ce qui doit être en haut : Dieu à la place de l'homme, et l'homme à la place de Dieu. De toutes les impossibilités, celle-ci est la plus grande. Pour l'individu, périr, c'est perdre la paix de ce monde et la vie éternelle de l'autre. Pour les nations, qui ne vont pas en corps dans l'autre monde, périr, c'est marcher de révolutions en révolutions, jusqu'à ce que, se déchirant de leurs propres mains, ou tombant sous les coups de quelque puissant voisin, elles subissent l'inexorable arrêt de mort, porté contre la révolte obstinée. Ainsi finirent toutes les nations de l'ancien monde. Au contraire, se repentir, c'est vivre, car c'est rentrer dans l'ordre, c'est-à-dire remettre chaque chose à sa place, Dieu en haut et l'homme en bas. De ce noble repentir, garantie nécessaire de vie et de bonheur, le Larron du Calvaire est le modèle accompli.
Dernier chef-d'œuvre du Rédempteur expirant, il a été laissé au monde comme un type immortel. Le Dieu Sauveur, dont la miséricorde est immuable, peut et veut le réaliser dans tous les pécheurs, si désespérés qu'ils soient. Lui-même nous en donne Son infaillible parole : Le Fils de l'homme est venu pour sauver tout ce qui avait péri. Oui, tout, sans exception, peuples et individus ; tout ce qui voudra être sauvé, même les voleurs de grands chemins. Que reste-t-il donc à dire aux pécheurs, et surtout au grand Larron qui s'appelle le Dix-neuvième Siècle ? Un seul mot : repentir. S'adressant aux premiers, la foi leur dit : Excepté l'innocence, vous êtes de grands enfants qui vous laissez fasciner par votre implacable ennemi. Voyez ces fils de rois : dans leurs mains se trouve parfois une pierre précieuse. Un filou se présente. En échange de leur trésor, il leur offre quelques friandises dont leur âge est avide, et la perle s'échappe de leurs mains. Ainsi fait le démon à votre égard. Le rusé ennemi des âmes, dit saint Augustin, vous présente un fruit trompeur, et vous vole le Paradis : Porrigit pomum et surripit Paradisum. Fils de rois, héritiers d'un trône, assez longtemps vous avez fait le métier de dupes ; il est temps de devenir sages. Imitez le bon Larron. Coupables, comme lui, comme lui sachez vous repentir. En voyant un vétéran du crime, déjà sur le gibet, obtenir en quelques instants et sa grâce et le bonheur éternel, qui peut désespérer : Quis hic desperet, Latrone sperante ?
Quant au Dix-neuvième Siècle, à qui nous avons dédié cette histoire, les paroles suivantes, venues du lointain des âges, semblent écrites exprès pour lui. «Rentre enfin en toi-même, vieil Adam. En considérant le Larron du Calvaire, vois où t'a cherché le nouvel Adam, et dans quel état il t'a trouvé. Dans les plaies de son corps, il t'a montré les ignominies de ton âme. Tu le fuyais ; et, te courir après en t'appelant et en pleurant, à travers les soufflets, les fouets et toute sorte d'outrages inconnus, ne lui a pas suffi. «Il t'a poursuivi jusque sur la croix, où tes crimes t'avaient conduit, et là, il t'a trouvé, déjà moitié mort, et il t'a sauvé. Quel fut, en effet, ce larron, sinon Adam ? Du jour, où, dans le Paradis, il devint homicide de lui-même et de sa race, le père du genre humain s'enfuit chargé de son crime, loin de Dieu, et se cacha, jusqu'à ce qu'enfin cloué à une croix, il ne lui fût plus possible de fuir ni de se cacher. Là, saisi par vous, ô bon Jésus, et converti, il avoua sa faute, et en accepta volontiers le châtiment. Afin de l'encourager à souffrir, Vous daignâtes Vous placer Vous-même à ses côtés pour souffrir avec lui».
Voilà bien le Dix-neuvième Siècle. En pleine insurrection contre le christianisme et contre l'Église, il prétend vivre sans eux, loin d'eux, malgré eux. Vains efforts ! Semblable au cheval de manège auquel on a bandé les yeux, il a perdu l'instinct de sa conservation et s'épuise à tourner dans un cercle infranchissable. A tous les pontifes de la sagesse humaine, il demande l'ordre et la paix : et il n'aboutit qu'à des mécomptes. En attendant, la fermentation révolutionnaire s'étend partout ; les symptômes de bouleversement s'accentuent de plus en plus ; les fautes se multiplient, la culpabilité s'aggrave ; la puissance des ténèbres grandit à vue d'œil : et le Dix-neuvième Siècle ne se convertit pas ! Que faut-il en conclure ? Comme Dieu aura le dernier mot, il faut en conclure que l'heure du crucifiement approche. Déjà, s'il veut prêter l'oreille, le Dix-neuvième Siècle entendra retentir la hache et le marteau des nombreux travailleurs qui, dans leurs antres souterrains, lui fabriquent sa croix. C'est là, sur le gibet du Socialisme et de la Barbarie : Affirmés, comme le disent leurs apôtres, par l'athéisme et le matérialisme, qu'il va se trouver face à face avec Dieu1 . Dans ses mortelles angoisses, qu'il se souvienne du Calvaire. Là, il y eut deux larrons en croix ; et s'il ne veut pas périr comme le mauvais, qu'il dise comme le bon : «Je souffre justement ; mais le christianisme que j'ai tant blasphémé, mais l'Église que j'ai tant persécutée, n'ont point fait de mal. Fondateur du christianisme et de l'Église, Jésus, Rédempteur du monde, souvenez-Vous de moi, quand, sur les ruines de tout ce qui doit périr, Vous aurez rétabli Votre règne : Je me repends ».
Depuis quelques années surtout, la Providence, toujours lente à. punir, semble redoubler d'efforts, en multipliant coup sur coup les motifs de crainte et d'espérance, afin d'amener sur les lèvres du Dix-neuvième Siècle cette parole de salut. A peine prononcée, cette miraculeuse parole fait tout rentrer dans l'ordre, ferme l'ère des révolutions, et prépare au monde le plus brillant avenir. Redevenues les filles dociles de leur mère et mettant à son service les immenses trésors de génie, de force et d'activité dont elles disposent, les nations de l'Occident renverseront sans peine les barrières séculaires, qui arrêtent la civilisation chrétienne aux frontières de l'Orient. Alors, le Prince de la paix reprenant son empire, se réalisera le triomphe universel de l'Église pressenti par les uns, annoncé par les autres, désiré par tous, et, ce semble, visiblement préparé par le développement, sans exemple et sans raison apparente, de toutes les œuvres catholiques dans le monde entier. Heure bénie ! où le Dieu Rédempteur devenu, selon Ses vœux, l'unique berger d'une seule bergerie, et, laissant les pharisiens d'aujourd'hui, comme les pharisiens d'autrefois, l'accuser d'être l'ami des pécheurs, se montrera pour le Dixneuvième Siècle ce qu'il fut ; pour Dimas, pour la jeune pénitente de Magdala, pour l'enfant prodigue, pour la brebis perdue et retrouvée, l'incompréhensible miséricorde et l'incompréhensible tendresse. Heure bénie ! où le Dix-neuvième Siècle, grand pécheur et grand voleur, mais, comme le larron du Calvaire, grand pénitent et grand apôtre, entendra la parole qui dissipera toutes ses craintes, apaisera toutes ses haines, guérira toutes ses plaies : Aujourd'hui vous serez avec moi dans le Paradis : Hodie mecum eris in Paradiso. Il en sera complètement ainsi ; car le repentir, c'est la paix ; la paix est la tranquillité de l'ordre ; l'ordre est le paradis de la terre.