Jésus Christ a manifesté en lui-même la figure parfaite et définitive du sacerdoce de la Nouvelle Alliance il l'a révélée par toute sa vie terrestre, mais par-dessus tout dans l'événement central de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Comme l'écrit l'auteur de la Lettre aux Hébreux, étant homme comme nous et en même temps Fils unique de Dieu, Jésus est, en son être même, médiateur parfait entre le Père et l'humanité (He 8-9), celui qui nous donne l'accès immédiat auprès de Dieu, grâce au don de l'Esprit : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15).
Jésus accomplit sa fonction de médiateur par l'offrande de lui-même sur la Croix, par laquelle il ouvre, une fois pour toutes, l'accès au sanctuaire céleste et à la maison du Père (He 9, 24-28). Par rapport à Jésus, Moïse et tous les « médiateurs » de l'Ancien Testament entre Dieu et son peuple - les rois, les prêtres et les prophètes - ne se présentent que comme « figure » et « ombre des biens à venir », et non comme « l'expression même des réalités » ( He 10, 1).
Jésus est le Bon Pasteur annoncé à l'avance par les prophètes (Ez 34), celui qui connaît ses brebis une par une, qui offre sa vie pour elles et qui veut les rassembler toutes comme un seul troupeau avec un seul pasteur (Jn 10, 11-16). Il est le pasteur, venu non « pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28), qui, dans le geste pascal du lavement des pieds (Jn 13, 1-20), laisse aux siens le modèle du service qu'ils devront se rendre les uns aux autres, et qui s'offre librement comme « agneau innocent » immolé pour notre rédemption (Jn 1, 36 ; Ap 5, 6-12).
Par le sacrifice de la Croix unique et définitif, Jésus confère à tous ses disciples la dignité et la mission de prêtres de la nouvelle et éternelle Alliance. Ainsi s'accomplit la promesse que Dieu avait faite à Israël : « Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte » (Ex 19, 6). C'est tout le peuple de la Nouvelle Alliance - écrit saint Pierre - qui est constitué comme un « édifice spirituel », « un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 P 2, 5). Les baptisés sont les « pierres vivantes » qui construisent l'édifice spirituel, faisant corps avec le Christ, « pierre vivante,...choisie, précieuse auprès de Dieu » (1 P 2, 4). Le nouveau peuple sacerdotal, qui est l'Église, non seulement a dans le Christ son image propre et authentique, mais aussi reçoit de Lui une participation réelle et ontologique à son éternel et unique sacerdoce, auquel il doit conformer toute sa vie.
Au service de ce sacerdoce universel de la Nouvelle Alliance, Jésus a appelé à lui, au cours de sa mission terrestre, plusieurs de ses disciples ; avec l'autorité d'une mission spécifique, il appelle et institue les Douze « pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons » (Mc 3, 14-15).Ainsi, déjà durant son ministère public (Mt 16, 18) et ensuite, en plénitude, après sa mort et sa résurrection (Mt 28, 16-20 ; Jn 20, 21), Jésus confère à Pierre et aux Douze des pouvoirs tout à fait particuliers vis-à-vis de la communauté future et pour l'évangélisation de tous les peuples. Après les avoir appelés à le suivre, il les garde auprès de lui et il vit avec eux, leur communiquant par l'exemple et par la parole son message de salut; enfin, il les envoie à tous les hommes. Pour l'accomplissement de cette mission, Jésus confère aux Apôtres, avec la force de l'effusion pascale de l'Esprit Saint, la même autorité messianique qu'il a reçue du Père, qui lui a été conférée, et qui a été manifestée en plénitude par la Résurrection : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 18-20).
Jésus établit ainsi une stricte relation entre le ministère confié aux Apôtres et sa propre mission : « Qui vous accueille m'accueille, et qui m'accueille accueille Celui qui m'a envoyé » (Mt 10, 40) ; « Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette Celui qui m'a envoyé » (Lc 10, 16). Bien plus, dans le quatrième Évangile, à la lumière de l'événement pascal de la mort et de la résurrection, Jésus affirme avec beaucoup de force et de clarté : « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21 ; 13, 20 ; 17, 18). De même que Jésus a une mission qui lui vient directement de Dieu et qui rend présente l'autorité même de Dieu (Mt 7, 29 ; 21, 23 ; Mc 1, 27 ; 11, 28 ; Lc 20, 2 ; 24, 19), de même les Apôtres ont une mission qui vient de Jésus.
Comme « le Fils ne peut rien faire de lui-même » (Jn 5, 19), de sorte que sa doctrine n'est pas sa propre doctrine, mais la doctrine de Celui qui l'a envoyé (Jn 7, 16), de même Jésus dit aux Apôtres : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5) : leur mission n'est pas leur propre mission, mais la mission même de Jésus. Son accomplissement est possible non à partir des forces humaines, mais seulement avec le « don » du Christ et de son Esprit, avec la grâce sacramentelle : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 22-23). Ainsi, ce n'est pas en vertu de quelque mérite particulier, mais seulement en vertu d'une participation gratuite à la grâce du Christ, que les Apôtres poursuivent dans l'histoire, jusqu'à la fin des temps, la mission de salut du Christ lui-même en faveur des hommes.
Le signe et le présupposé de l'authenticité et de la fécondité de cette mission est l'unité des Apôtres avec Jésus et, en lui, entre eux et avec le Père, comme en témoigne la prière sacerdotale du Seigneur, synthèse de sa mission (Jn 17, 20-23).À leur tour, les Apôtres, institués par le Seigneur, s'acquitteront progressivement de leur mission en appelant, sous des formes diverses mais finalement convergentes, d'autres hommes, comme évêques, comme prêtres et comme diacres, pour accomplir la mission reçue du Christ ressuscité qui les a envoyés à tous les hommes de tous les temps.Le Nouveau Testament souligne unanimement que l'Esprit du Christ lui-même a introduit dans le ministère ces hommes choisis du milieu des frères. Par le geste de l'imposition des mains (Ac 6, 6 ; 1 Tm 4, 14 ; 5, 22 ; 2 Tm 1, 6), qui transmet le don de l'Esprit, ces hommes sont appelés et habilités à continuer le même ministère de réconcilier, de paître le troupeau de Dieu, et d'enseigner ( Ac 20, 28 ; 1 P 5, 2).
Les prêtres sont ainsi appelés à prolonger la présence du Christ, unique et souverain Pasteur, en retrouvant son style de vie et en se rendant en quelque sorte transparents à lui au milieu du troupeau qui leur est confié. Comme l'écrit de manière claire et précise la première Lettre de Pierre : « Les anciens qui sont parmi vous, je les exhorte, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui dois participer à la gloire qui va être révélée. Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l'élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau. Et quand paraîtra le Chef des pasteurs, vous recevrez la couronne de gloire qui ne se flétrit pas » (1 P 5, 1-4).
Dans l'Église et pour l'Église, les prêtres représentent sacramentellement Jésus Christ Tête et Pasteur, ils proclament authentiquement la Parole, ils répètent ses gestes de pardon et d'offre du salut, surtout par le Baptême, la Pénitence et l'Eucharistie, ils exercent sa sollicitude pleine d'amour, jusqu'au don total de soi-même, pour le troupeau qu'ils rassemblent dans l'unité et conduisent au Père par le Christ dans l'Esprit. En un mot, les prêtres existent et agissent pour l'annonce de l'Évangile au monde et pour l'édification de l'Église au nom du Christ Tête et Pasteur en personne. Telle est la manière typique et particulière dont les ministres ordonnés participent à l'unique sacerdoce du Christ. Par l'onction du sacrement de l'Ordre, l'Esprit Saint les configure, à un titre nouveau et spécifique, à Jésus Christ Tête et Pasteur, il les y conforme intérieurement et les anime de sa charité pastorale ; et dans l'Église, il en fait des serviteurs qualifiés pour l'annonce de l'Évangile à toutes les créatures et pour la plénitude de la vie chrétienne de tous les baptisés.
La vérité du prêtre telle qu'elle émane de la Parole de Dieu, c'est-à-dire de Jésus Christ lui-même, et de son dessein concernant la constitution de l'Église, est chantée en une joyeuse action de grâce liturgique dans la préface de la messe chrismale : « Par l'onction de l'Esprit Saint, tu as établi ton Fils unique prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle ; et tu as voulu que son unique sacerdoce demeure vivant dans l'Église. C'est lui, le Christ, qui donne à tout le peuple racheté la dignité du sacerdoce royal; c'est lui qui choisit, dans son amour pour ses frères, ceux qui, recevant l'imposition des mains, auront part à son ministère. Ils offrent en son nom l'unique sacrifice du salut à la table du banquet pascal: ils ont à se dévouer au service de ton peuple pour le nourrir de ta Parole et le faire vivre de tes sacrements ; ils seront de vrais témoins de la foi et de la charité, prêts à donner leur vie comme le Christ pour leurs frères et pour toi ».