« Je t'invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi » (2 Tm 1, 6).
Les paroles de l'apôtre Paul à Timothée peuvent à juste titre s'appliquer à cette formation permanente à laquelle tous les prêtres sont appelés en vertu du « don de Dieu » reçu à l'ordination. Ces paroles nous amènent à saisir toute la vérité et l'originalité de la formation permanente des prêtres. Un autre texte de Paul, où il écrit au même Timothée, nous y aide également : « Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, qui t'a été conféré par une intervention prophétique accompagnée de l'imposition des mains du collège des presbytres. Prends cela à cœur.Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t'écoutent » (1 Tm 4, 14-16).
Comme on attise le feu sous la cendre, l'apôtre demande à Timothée de « raviver » le don divin, de l'accueillir et de le vivre sans jamais perdre ou oublier cette « nouveauté permanente » propre à chaque don de Dieu, Lui qui renouvelle toutes choses ( Ap 21, 5), et par conséquent de vivre ce don dans toute sa fraîcheur et sa beauté première.
« Raviver » le don divin n'est pas seulement l'accomplissement d'un devoir confié à la responsabilité personnelle de Timothée, ou encore le résultat d'un effort de mémoire et de volonté. C'est le fruit du dynamisme de grâce propre au don de Dieu. En effet, c'est Dieu lui-même qui ravive son propre don, mieux encore qui libère l'extraordinaire richesse de grâce et de responsabilité qu'il recèle.
Par l'effusion sacramentelle de l'Esprit Saint qui consacre et envoie, le prêtre est configuré à Jésus Christ, Tête et Pasteur de l'Église, et il est envoyé pour accomplir le ministère pastoral. Ainsi, pour toujours et d'une façon indélébile, le prêtre est marqué dans son être comme ministre de Jésus et de l'Église. Il est intégré dans une condition de vie permanente et irréversible et il est chargé d'un ministère pastoral qui, étant enraciné dans son être et engageant toute son existence, est lui aussi permanent. Le sacrement de l'Ordre confère au prêtre la grâce sacramentelle qui le fait participer non seulement au « pouvoir » et au « ministère » salvifique de Jésus, mais aussi à son « amour ». En même temps, cette grâce assure au prêtre toutes les grâces actuelles qui lui seront données chaque fois que ce sera nécessaire et utile pour bien accomplir le ministère qu'il a reçu.
La formation permanente trouve ainsi son fondement propre et sa motivation originale dans le dynamisme du sacrement de l'Ordre.Il ne manque certainement pas de raisons, même sur le plan humain, pour inviter le prêtre à la formation permanente. Celle-ci est une exigence de sa croissance humaine : chaque vie est un cheminement constant vers la maturité qui exige une formation continue. C'est de plus une exigence du ministère sacerdotal, si on le considère dans sa nature générale commune aux autres professions comme service aux autres. Aujourd'hui, il n'y a pas de profession, d'engagement ou de travail qui ne demande une mise à jour continuelle pour demeurer efficace. L'exigence de « rester au pas » avec le cheminement de l'histoire est une autre raison humaine qui justifie la formation permanente.
Mais ces motifs et d'autres encore sont assumés et spécifiés par les raisons théologiques rappelées ici et approfondies dans ce qui suit.Le sacrement de l'Ordre, par sa nature de « signe » qui est caractéristique de tous les sacrements, peut être considéré, ce qu'il est réellement, comme Parole de Dieu: il est Parole de Dieu qui appelle et envoie, et il est l'expression la plus forte de la vocation et de la mission du prêtre. Par le sacrement de l'Ordre, Dieu appelle en présence de l'Église le candidat « au » sacerdoce. Le « viens et suis-moi » de Jésus est proclamé totalement et de façon définitive dans la célébration du sacrement de son Église ; il se manifeste et se communique par la voix de l'Église sur les lèvres de l'évêque qui prie et impose les mains. Et le prêtre répond dans la foi à l'appel de Jésus : « Je viens et je te suis ».
Commence alors cette réponse, cette option fondamentale, qui doit être réexprimée et réaffirmée au long des années par de si nombreuses autres réponses, toutes enracinées et vivifiées par le « oui » de l'ordination.En ce sens, il est donc possible de parler d'une vocation « dans » le sacerdoce. En réalité, Dieu continue à appeler et à envoyer quand il révèle son dessein de salut dans le déroulement de la vie du prêtre, dans les événements de la vie de l'Église et de la société. C'est dans cette perspective qu'apparaît la signification de la formation permanente ; elle est nécessaire pour discerner et suivre cette constante vocation ou volonté de Dieu. C'est ainsi que l'Apôtre Pierre est appelé à suivre Jésus même après que le Ressuscité lui a confié son troupeau : « Jésus lui dit : "Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas".
Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant ainsi parlé, il lui dit : "Suis-moi" » (Jn 21, 17-19). Il y a donc un « suis-moi » qui accompagne la vie et la mission de l'apôtre. C'est un « suis-moi » qui confirme l'appel et l'exigence de fidélité jusqu'à la mort (Jn 21, 22), un « suis-moi » pouvant signifier une suite du Christ par le don total de soi dans le martyre (214).Les Pères du Synode ont exprimé la raison qui montre la nécessité de la formation permanente et qui en révèle la nature profonde quand ils l'ont qualifiée de « fidélité » au ministère sacerdotal et de « processus de conversion continue » . C'est l'Esprit Saint, donné dans le sacrement, qui soutient le prêtre dans cette fidélité, qui l'accompagne et le stimule dans ce cheminement de conversion continue. Le don de l'Esprit ne remplace pas mais sollicite la liberté du prêtre afin qu'il coopère d'une manière responsable et assume sa formation permanente comme une tâche qui lui est confiée. De cette façon, la formation permanente est à la fois l'expression et la condition de cette fidélité du prêtre à son ministère, plus encore à son être même. Elle est donc amour de Jésus Christ et cohérence avec soi-même. Mais elle est aussi un acte d'amour envers le peuple de Dieu dont le prêtre est le serviteur. Il s'agit même d'un véritable acte de justice : le prêtre doit en rendre compte, car il est appelé à reconnaître et à promouvoir ce « droit » fondamental du peuple de Dieu comme destinataire de la Parole de Dieu, des sacrements et du service de la charité qui forment le contenu original et irréductible de son ministère pastoral. La formation permanente est nécessaire afin que le prêtre puisse répondre de façon appropriée à ce droit du peuple de Dieu.
L'âme et la forme de la formation permanente du prêtre sont la charité pastorale.
L'Esprit Saint, qui donne la charité pastorale, conduit et accompagne le prêtre dans une connaissance toujours plus profonde du mystère du Christ dont la richesse est insondable (Ep 3,14-19) et, d'un même mouvement, dans la connaissance du mystère du sacerdoce chrétien. Cette même charité pastorale incite le prêtre à se préoccuper toujours plus des attentes, des besoins, des problèmes et des sentiments des destinataires de son ministère, cela dans leurs situations concrètes, personnelles, familiales et sociales.
Voilà donc l'objectif de la formation permanente : un projet libre et conscient pour correspondre au dynamisme de la charité pastorale et de l'Esprit Saint qui en est la source principale et le soutien constant. En ce sens, la formation permanente est une exigence intrinsèque du don de l'ordination et du ministère sacramentel ainsi reçu. Elle se révèle toujours nécessaire, en tout temps. Aujourd'hui cependant, elle est particulièrement urgente, non seulement à cause de la mutation rapide des conditions sociales et culturelles des personnes et des peuples auprès desquels s'exerce le ministère presbytéral, mais aussi pour cette « nouvelle évangélisation » qui constitue la tâche urgente de l'Église en cette fin du second millénaire.