La diversité et la complémentarité des dimensions de la formation permanente nous en font mieux saisir la signification profonde : aider le prêtre pour que son être et son agir soient dans l'esprit et selon le style de Jésus le Bon Pasteur.La vérité est à faire ! Saint Jacques nous en avertit : « Mettez la Parole en pratique. Ne soyez pas seulement des auditeurs qui s'abusent eux-mêmes » (Jc 1, 22). Les prêtres sont appelés à « faire la vérité » de leur être, autrement dit à vivre « dans la charité » ( Ep 4, 15) leur identité et leur ministère dans l'Église et pour l'Église. Ils sont invités à une conscience toujours plus vive du don de Dieu, à en faire mémoire sans cesse. C'est bien l'exhortation de Paul à Timothée : « Garde le bon dépôt avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous » (2 Tm1, 14). Dans le contexte ecclésiologique déjà évoqué à plusieurs reprises, il est possible d'apprécier la signification profonde de la formation permanente du prêtre en fonction de sa présence et de son action dans l'Église mystère, communion et mission.
Dans l'Église « mystère », le prêtre est appelé, au moyen de la formation permanente, à conserver et à développer dans la foi la conscience de la vérité entière et étonnante de son être : il est serviteur du Christ et intendant des mystères de Dieu (1 Co 4, 1). Paul demande expressément aux chrétiens de le considérer selon cette identité et lui-même, le premier, vit conscient du don sublime reçu du Seigneur. Il doit en être ainsi pour chaque prêtre s'il veut demeurer dans la vérité de son être. Mais seule la foi, seul un regard avec les yeux du Christ rendent cela possible.
En ce sens, peut-on dire, la formation permanente vise à ce que le prêtre soit un croyant et le devienne toujours davantage, qu'il se voie toujours tel qu'il est en vérité avec les yeux du Christ. Il doit préserver cette vérité avec un amour reconnaissant et joyeux. Il doit renouveler sa foi en exerçant le ministère sacerdotal, se savoir serviteur de Jésus Christ et sacrement de l'amour de Dieu pour l'homme chaque fois qu'il est intermédiaire et instrument vivant du don de la grâce de Dieu aux hommes. Il doit reconnaître cette même vérité dans ses confrères, car tel est le principe de son estime et de son amour envers les autres prêtres.
Dans l'Église « communion », la formation permanente aide le prêtre à développer cette conscience que son ministère est ordonné en fin de compte à réunir la famille de Dieu dans une fraternité animée par la charité et à la conduire au Père par le Christ dans l'Esprit Saint (219).Le prêtre doit croître dans la conscience de la profonde communion qui le relie au peuple de Dieu ; il n'est pas seulement « devant » l'Église mais d'abord et avant tout « dans » l'Église. Il est frère parmi ses frères. Revêtu par le baptême de la dignité et de la liberté des enfants de Dieu dans le Fils unique, le prêtre est membre du même et unique corps du Christ ( Ep 4,16). La conscience de cette communion pousse à susciter et à développer la coresponsabilité dans une même et unique mission de salut en valorisant avec empressement et de bon cœur tous les charismes et les fonctions que l'Esprit répartit aux croyants pour la construction de l'Église. C'est d'abord et avant tout dans l'accomplissement du ministère pastoral, ordonné par sa nature au bien du peuple de Dieu, que le prêtre doit vivre et témoigner de sa profonde communion avec tous. Comme l'écrivait Paul VI, « il faut se faire les frères des hommes du fait même que nous voulons être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres. Le climat du dialogue, c'est l'amitié. Bien plus, c'est le service » . De façon plus spécifique, le prêtre est appelé à développer la conscience d'être membre de l'Église particulière à laquelle il est incardiné, c'est-à-dire intégré par un lien à la fois juridique, spirituel et pastoral. Une telle conscience suppose et développe l'amour particulier pour sa propre Église. En réalité, celle-ci est l'objet vivant et permanent de la charité pastorale qui doit guider la vie du prêtre. La charité pastorale le conduit, en effet, à partager l'histoire et l'expérience de vie de son Église particulière, avec ses richesses et ses fragilités, ses difficultés et ses espérances, et à travailler pour elle en vue de sa croissance. Ayant beaucoup reçu de son Église particulière et participant activement à son édification, chaque prêtre, uni à ses confrères, prolonge l'activité pastorale de ses prédécesseurs. C'est une exigence naturelle de la charité pastorale à l'égard de son Église particulière et de son avenir ministériel qui engage le prêtre à se soucier de se trouver, en quelque sorte, un successeur dans le sacerdoce.
Le prêtre doit grandir aussi dans la conscience de la communion qui subsiste entre les diverses Églises particulières, une communion enracinée dans leur être même d'Églises qui vivent localement l'unique et universelle Église du Christ. Une telle conscience de la communion inter-ecclésiale favorisera « l'échange des dons », en commençant par ces dons vivants et personnels que sont les prêtres eux-mêmes. D'où la disponibilité, mieux encore l'engagement généreux pour réaliser une distribution équitable du clergé . Parmi ces Églises particulières, il faut rappeler celles qui, « privées de la liberté, ne peuvent pas avoir leurs propres vocations », comme aussi « les Églises récemment sorties de la persécution et ces Églises pauvres qui, depuis longtemps et de la part de plusieurs, ont reçu de l'aide dans un esprit fraternel et en reçoivent encore » . Au sein de la communion ecclésiale, le prêtre est appelé en particulier à croître, par sa formation permanente, comme membre du presbyterium uni à l'évêque. Le presbyterium en toute vérité est un mystère ; il est en effet une réalité surnaturelle, car il s'enracine dans le sacrement de l'Ordre.
Voilà sa source et son origine, le « lieu » de sa naissance et de sa croissance. En effet, « les prêtres par le sacrement de l'Ordre sont rattachés par un lien personnel et indissoluble au Christ unique prêtre. L'ordination leur est conférée comme individus, mais il sont insérés dans la communion du presbyterium ensemble avec l'évêque (Lumen gentium, numéro 28 ); (Presbyterorum ordinis, numéro 7-8) ».Cette origine sacramentelle se reflète et se prolonge dans l'exercice du ministère presbytéral : du mystère au ministère. « L'unité des prêtres avec l'évêque et entre eux ne s'ajoute pas comme de l'extérieur à la nature distincte de leur service, mais elle en exprime l'essence, à savoir la mission du Christ prêtre à l'égard du peuple rassemblé dans l'unité de la Sainte Trinité » . Par cette unité presbytérale, vécue dans l'esprit de la charité pastorale, les prêtres sont témoins de Jésus Christ qui a prié le Père « pour que tous soient un » (Jn 17, 21).La physionomie du presbyterium est donc celle d'une vraie famille et d'une fraternité dont les liens ne sont ni de la chair ni du sang, mais de la grâce de l'Ordre. Cette grâce assume et élève les rapports humains, psychologiques, affectifs, amicaux et spirituels entre prêtres ; elle se manifeste partout et se révèle concrètement dans les formes les plus variées d'entraide spiri tuelle et aussi matérielle. La fraternité presbytérale n'exclut personne ; elle peut et doit avoir cependant ses préférences dans le sens de l'option évangélique pour qui a le plus besoin d'aide ou d'encouragement. Une telle fraternité « accorde une attention spéciale aux jeunes prêtres, entretient un dialogue cordial et fraternel avec ceux d'âge moyen ou avancé ainsi qu'avec ceux qui pour diverses raisons vivent des difficultés. Quant aux prêtres qui ont quitté le ministère ou qui n'y sont plus fidèles, non seulement elle ne les abandonne pas, mais elle les suit avec une attention encore plus fraternelle » . Les prêtres religieux résidant et travaillant dans une Église particulière font aussi partie, à un titre différent, de l'unique presbyterium. Leur présence constitue un enrichissement pour tous les prêtres. Leurs divers charismes particuliers, tout en invitant les prêtres à progresser dans la compréhension du sacerdoce, contribuent à stimuler et à accompagner leur formation permanente. Le don de la vie religieuse dans la communauté diocésaine, quand il va de pair avec l'estime sincère et le respect de la particularité de chaque institut et de chaque tradition spirituelle, élargit l'horizon du témoignage chrétien et contribue de diverses façons à enrichir la spiritualité sacerdotale. Il joue surtout ce rôle en ce qui touche le rapport adéquat et l'influence réciproque entre les valeurs de l'Église particulière et celles de l'ensemble du peuple de Dieu. De leur côté, les religieux seront attentifs à maintenir un esprit de vraie communion ecclésiale, une participation cordiale à la marche du diocèse et aux options pastorales de l'évêque, en offrant volontiers leur propre charisme pour l'édification de tous dans la charité .
Enfin, c'est dans le contexte de l'Église communion et du presbyterium qu'on peut le mieux faire face au problème de la solitude du prêtre qui a retenu l'attention des Pères synodaux. Il existe une solitude qui fait partie de l'expérience de tous et qui est absolument normale. Mais il existe aussi une solitude engendrée par toutes sortes de difficultés et qui, à son tour, provoque d'autres problèmes. En ce sens, « la participation active au presbyterium diocésain, les contacts réguliers avec l'évêque et les autres prêtres, la collaboration mutuelle, la vie commune ou fraternelle entre prêtres, ainsi que l'amitié et les rapports cordiaux avec les laïcs engagés activement dans les paroisses sont des moyens très utiles pour surmonter les effets de la solitude que parfois le prêtre peut expérimenter » .
La solitude ne crée pas seulement des difficultés ; elle présente aussi des avantages pour la vie du prêtre. « Acceptée dans un esprit d'oblation et de recherche dans l'intimité avec le Seigneur Jésus Christ, la solitude peut favoriser l'oraison et l'étude, comme elle peut aussi aider la sanctification et la croissance humaine » . Sans oublier qu'une certaine forme de solitude est nécessaire pour la formation permanente. Jésus savait souvent se retirer pour prier dans la solitude ( Mt 14, 23). La capacité de supporter une solitude bienfaisante est une condition indispensable au maintien de la vie intérieure. Il s'agit d'une solitude habitée par la présence du Seigneur qui, dans la lumière de l'Esprit, nous met en contact avec le Père. En ce sens, il est nécessaire de faire silence et de rechercher des espaces et des temps de « désert » pour la formation permanente intellectuelle, spirituelle et pastorale. En ce sens également, on peut affirmer que celui qui ne sait pas bien vivre sa solitude n'est pas capable de communion vraie et fraternelle.
La formation permanente est destinée à développer chez le prêtre la conscience de sa participation à la mission salvifique de l'Église. Dans l'Église « mission », la formation permanente du prêtre est non seulement une condition nécessaire, mais aussi un moyen indispensable pour raviver constamment le sens de la mission et en garantir une réalisation fidèle et généreuse. Une telle formation aide le prêtre à percevoir toute la gravité et en même temps la grâce admirable d'une obligation qui ne peut le laisser indifférent. Comme Paul, il doit pouvoir dire : « Prêcher l'Évangile, en effet, n'est pas pour moi un titre de gloire ; c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je ne prêchais pas l'Évangile ! » (1 Co 9,16). Cette formation aide à percevoir aussi l'intensité de la quête, explicite ou non, menée par les hommes que Dieu appelle au salut sans jamais se lasser.
Seule une formation permanente adéquate réussit à soutenir le prêtre dans cette fidélité essentielle et décisive pour son ministère. Comme l'écrit l'Apôtre Paul, « tout ce qu'on demande à des intendants [des mystères de Dieu], c'est que chacun soit trouvé fidèle » (1 Co 4,2). Quelles que soient les difficultés rencontrées, même dans les conditions les plus dures ou dans un état de fatigue compréhensible, le prêtre doit être fidèle avec toute l'énergie dont il dispose, et cela jusqu'à la fin de sa vie. Le témoignage de Paul doit être un exemple et un stimulant pour tout prêtre. « Nous ne donnons à personne aucun sujet de scandale - écrit-il aux chrétiens de Corinthe -, pour que notre ministère ne soit pas décrié. Au contraire, nous nous affirmons en tout comme des ministres de Dieu : par une grande constance dans les tribulations, dans les détresses, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les émeutes, dans les fatigues, dans les veilles, dans les jeûnes ; par la pureté, par la science, par la longanimité, par la bénignité, par un esprit saint, par une charité sans feinte, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu ; par les armes offensives et défensives de la justice ; dans l'honneur et l'humiliation, dans la mauvaise et la bonne réputation ; tenus pour imposteurs et pourtant véridiques ; pour gens obscurs, nous pourtant si connus ; pour gens qui vont mourir, et nous voilà vivants ; pour gens qu'on châtie, mais sans les mettre à mort ; pour affligés, nous qui sommes toujours joyeux ; pour pauvres, nous qui faisons tant de riches ; pour gens qui n'ont rien, nous qui possédons tout » (2 Co 6, 3-10).
La formation permanente, précisément parce qu'elle est « permanente », doit toujours être présente dans la vie des prêtres, à tout âge et dans toute condition de vie, quel que soit le niveau de responsabilité ecclésiale. Elle le sera évidemment en tenant compte des possibilités et des caractéristiques correspondant à la variété des âges, des conditions de vie et des fonctions assumées. La formation permanente est un devoir, avant tout, pour les jeunes prêtres. Selon une fréquence appropriée et un programme systématique de rencontres prolongeant le sérieux et la solidité de la formation reçue au séminaire, elle les conduit peu à peu à comprendre et à vivre la richesse unique de ce « don » de Dieu qu'est le sacerdoce. Elle leur permet aussi d'exprimer leurs aptitudes au ministère, entre autres par une insertion toujours plus convaincue et responsable dans le presbyterium, et par conséquent dans la communion et la coresponsabilité avec tous leurs confrères.Si un certain sentiment de « satiété » est compréhensible chez le jeune prêtre à peine sorti du séminaire face à de nouveaux temps d'étude et de rencontre, il faut écarter comme absolument fausse et dangereuse l'idée que la formation sacerdotale se termine en quittant le séminaire.
En participant aux rencontres de formation permanente, les jeunes prêtres se donneront un appui réciproque par le partage d'expériences et de réflexions sur la façon de traduire concrètement l'idéal sacerdotal qu'ils ont fait leur durant les années de séminaire. En même temps, leur participation active aux rencontres de formation du presbyterium pourra être un exemple et un stimulant pour les autres prêtres plus avancés en âge. En effet, ils témoigneront ainsi de leur amour envers l'ensemble du presbyterium et de leur enthousiasme pour répondre au besoin de l'Église particulière d'avoir des prêtres bien formés. Pour accompagner les jeunes prêtres dans cette première étape si délicate de leur vie sacerdotale et de leur ministère, il est plus que jamais opportun, sinon tout à fait nécessaire aujourd'hui, de créer une structure spéciale de soutien avec des conseillers et des maîtres appropriés. Les jeunes prêtres pourront y trouver, sous un mode structuré et suivi, l'appui nécessaire pour bien commencer leur service sacerdotal. Lors de rencontres régulières suffisamment longues et fréquentes, éventuellement dans un cadre de vie communautaire et en résidant ensemble, on leur donnera la possibilité de moments précieux de repos, de prière, de réflexion et d'échange fraternel. Il leur sera ainsi plus facile, dès le début, d'assurer l'équilibre évangélique de leur vie sacerdotale. Si les Églises particulières ne peuvent pas, à elles seules, offrir ce service à leurs jeunes prêtres, il sera opportun que les Églises voisines s'unissent pour dégager ensemble les ressources nécessaires et élaborer des programmes adaptés.
La formation permanente constitue également un devoir pour les prêtres d'âge moyen. En réalité, ils peuvent courir des risques multiples en raison même de leur âge, par exemple un activisme exagéré ou une certaine routine dans l'exercice du ministère. Ou encore la tentation de présumer de soi comme si l'expérience personnelle désormais éprouvée ne devait plus se confronter à rien d'autre ni à personne. Il n'est pas rare que le prêtre souffre alors d'une sorte de lassitude intérieure dangereuse, signe d'une désillusion résignée face aux difficultés et aux échecs. La réponse à cette situation est donnée par la formation permanente, par un examen continu de son équilibre personnel et de son action, par la recherche constante de motivations et de moyens pour sa mission. Le prêtre gardera ainsi un esprit vigilant et disponible aux requêtes en vue du salut, constamment renouvelées, que beaucoup adressent au prêtre, « homme de Dieu ».
La formation permanente doit intéresser aussi les prêtres d'âge avancé, appelés les anciens, qui, dans certaines Églises, forment le groupe le plus nombreux du presbyterium. Celui-ci doit leur témoigner sa reconnaissance pour le service fidèle qu'ils ont rendu au Christ et à l'Église, ainsi qu'une solidarité concrète qui tienne compte de leur condition. Pour ces prêtres, la formation permanente sera moins une question d'étude, de discussion et de mise à jour culturelle qu'une confirmation sereine et apaisante du rôle qu'ils sont encore appelés à jouer dans le presbyterium. Ce rôle sera défini non seulement par la poursuite du ministère pastoral, éventuellement sous des formes différentes, mais aussi par la possibilité que leur donne l'expérience de la vie et de l'apostolat de devenir eux-mêmes d'authentiques maîtres et formateurs des autres prêtres.
Même les prêtres qui, à cause de la fatigue ou de la maladie, se trouvent dans une condition de fragilité physique ou de lassitude morale peuvent être aidés par la formation permanente. Celle-ci les encourage à continuer à servir l'Église d'une façon sereine et courageuse, à ne pas s'isoler de la communauté ni du presbyterium, à réduire leur activité extérieure pour se consacrer aux activités de relation pastorale et de spiritualité personnelle capables d'étayer les raisons d'être et la joie de leur sacerdoce. La formation permanente les aidera en particulier à garder vivante la conviction, qu'eux-mêmes ont inculquée aux fidèles, d'être toujours des membres actifs dans l'édification de l'Église, spécialement par la force de leur union à Jésus Christ souffrant et à tant d'autres frères et sœurs qui dans l'Église participent à la passion du Seigneur. Avec eux, ils revivent l'expérience de Paul qui disait : « Je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Église » (Col 1, 24) .