La formation permanente des prêtres, diocésains ou religieux, est le prolongement naturel et tout à fait nécessaire du processus de structuration de la personnalité sacerdotale commencé et développé au séminaire ou dans la maison religieuse durant la formation en vue de l'ordination. Il est particulièrement important de percevoir et de respecter le lien intrinsèque entre la formation précédant l'ordination sacerdotale et celle qui vient ensuite. Car s'il y avait discontinuité ou même divergence entre ces deux étapes de la formation, il en résulterait immédiatement de graves conséquences pour l'activité pastorale et la communion fraternelle entre les prêtres, surtout entre ceux d'âges différents. La formation permanente n'est pas une répétition de celle qui a été acquise au séminaire et qu'il s'agirait simplement de revoir ou d'élargir par de nouvelles applications. Avec un contenu et surtout selon des procédés relativement neufs, elle se développe comme une réalité vitale et intégrée. Tout en s'enracinant dans la formation reçue au séminaire, elle exige adaptations, mises à jour et rectifications, sans pour autant opérer des ruptures ou des solutions de continuité.
D'autre part, la formation permanente se prépare dès le temps du séminaire. Il faut éveiller l'intérêt et le désir des futurs prêtres en leur montrant la nécessité, les avantages et l'esprit de la formation permanente, et en assurant les conditions de sa mise en œuvre.Parce que la formation permanente prolonge celle du séminaire, elle ne vise pas seulement une attitude pour ainsi dire professionnelle par l'apprentissage de nouvelles techniques pastorales. Elle doit plutôt garder vivant et complet tout un processus de maturation continue par l'approfondissement de chacune des dimensions de la formation (humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale) et de leur relation étroite et spécifique dans la charité pastorale.
Un premier aspect de cet approfondissement concerne la dimension humaine de la formation sacerdotale. Le prêtre doit grandir dans le contact quotidien avec les autres et dans le partage de leur vie de chaque jour ; il doit approfondir la sensibilité humaine qui permet de comprendre les besoins et d'accueillir les appels, de pressentir les demandes inexprimées, de partager les espoirs et les attentes, les joies et les soucis de la vie commune, d'être capable de rencontrer chacun et de dialoguer avec tous. Par-dessus tout, en connaissant et en partageant, c'est-à-dire en faisant sienne l'expérience humaine de la souffrance sous toutes ses formes, de l'indigence à la maladie, de la marginalité à l'ignorance, à la solitude et aux diverses pauvretés matérielles ou morales, le prêtre enrichit son expérience humaine qu'il rend plus authentique et transparente dans un amour croissant et ardent pour l'homme.
Pour l'épanouissement de sa formation humaine, le prêtre reçoit l'aide de la grâce de Jésus Christ : la charité du Bon Pasteur, en effet, s'est exprimée non seulement par le don du salut aux humains mais aussi par le partage de leur vie; le Verbe qui s'est fait « chair » (Jn 1, 14) a voulu connaître la joie et la souffrance, expérimenter la fatigue, partager les émotions et soulager la peine. En vivant comme un homme parmi les hommes et avec les hommes, Jésus Christ offre l'expression la plus complète, la plus authentique et la plus parfaite de ce qui est humain: nous le voyons prendre part à une fête aux noces de Cana, fréquenter une famille d'amis, s'émouvoir pour la foule affamée qui le suit, rendre à leurs parents des enfants malades ou morts, pleurer la perte de Lazare... Le peuple de Dieu doit pouvoir dire du prêtre, dont la sensibilité humaine s'est enrichie d'une expérience de plus en plus grande, quelque chose d'analogue à ce que l'auteur de la Lettre aux Hébreux dit de Jésus : « Nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché » (He 4, 15).
La dimension spirituelle de la formation du prêtre est une exigence de la vie nouvelle et évangélique à laquelle il est appelé d'une façon spécifique par l'Esprit Saint donné dans le sacrement de l'Ordre. L'Esprit, en consacrant le prêtre et le configurant à Jésus Christ Tête et Pasteur, crée un lien dans l'être même du prêtre ; ce lien doit être assumé et vécu d'une manière personnelle, c'est-à-dire consciente et libre, par une vie de communion et d'amour toujours plus riche et un partage toujours plus grand et radical des sentiments et des attitudes de Jésus Christ. Dans ce lien entre le Seigneur Jésus et le prêtre, lien ontologique et psychologique, sacramentel et moral, résident le fondement en même temps que la force nécessaire de cette « vie dans l'Esprit » et de ce « radicalisme évangélique » auquel chaque prêtre est appelé et que favorise la formation permanente sous son aspect spirituel.
Cette formation est également nécessaire pour le ministère sacerdotal, pour son authenticité et sa fécondité spirituelle. « Te consacres-tu au soin des âmes ? », se demandait saint Charles Borromée. Et il répondait ainsi dans un discours aux prêtres : « Ne néglige pas pour cela le soin de toi-même et ne te donne pas aux autres au point qu'il ne reste rien de toi et rien pour toi. Tu dois sans doute te souvenir des âmes dont tu es le pasteur, mais ne t'oublie pas toi-même. Comprenez, mes frères, que rien ne nous est aussi nécessaire que la méditation qui précède, accompagne et suit toutes nos actions : je chanterai, dit le prophète, et je méditerai (Ps 100, 1). Si tu donnes les sacrements, mon frère, médite ce que tu fais. Si tu célèbres la messe, médite ce que tu offres. Si tu récites les psaumes au chœur, médite à qui et de quoi tu parles. Si tu guides les âmes, médite sur le sang qui les a purifiées. Et que tout soit fait entre vous dans la charité (1 Co 16, 14). Ainsi nous pourrons surmonter les difficultés que nous rencontrons chaque jour, et elles sont nombreuses. Du reste, c'est ce qu'exige la tâche qui nous est confiée. Si nous agissons ainsi, nous aurons la force pour engendrer le Christ en nous et chez les autres » .
La vie de prière, en particulier, doit être en « réforme » permanente chez le prêtre. En effet, l'expérience enseigne que, dans le domaine de l'oraison, on ne peut vivre sur son acquis. Non seulement il faut chaque jour reconquérir la fidélité extérieure aux moments de prière, surtout ceux de la Liturgie des Heures et ceux qui sont laissés au choix personnel sans le soutien du rythme liturgique, mais encore faut-il spécialement rééduquer la recherche persévérante d'une vraie rencontre personnelle avec Jésus, un dialogue confiant avec le Père et une expérience profonde de l'Esprit. Ce que l'apôtre Paul affirme au sujet de tous les croyants qui doivent parvenir « à constituer cet Homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4,13) peut être appliqué d'une façon spécifique aux prêtres appelés à la perfection de la charité et donc à la sainteté ; leur ministère pastoral lui-même exige qu'ils soient des modèles vivants pour tous les fidèles.
La dimension intellectuelle de la formation demande aussi à être poursuivie et approfondie durant toute la vie du prêtre, en particulier par l'étude et un « aggiornamento » culturel sérieux et appliqué. Participant à la mission prophétique de Jésus et intégré dans le mystère de l'Église, maîtresse de vérité, le prêtre est appelé à révéler aux hommes à la fois le visage de Dieu et le vrai visage de l'homme en Jésus Christ. Cela exige cependant que le prêtre lui-même recherche ce visage et le contemple avec vénération et amour (Ps 26, 8 ; 41, 2). Ainsi seulement pourra-t-il le faire connaître aux autres. En particulier, la poursuite de l'étude de la théologie est indispensable pour que le prêtre puisse remplir fidèlement le ministère de la Parole, annonçant celle-ci sans confusion ni ambiguïté, la distinguant des opinions simplement humaines, si renommées et répandues soient-elles. Il pourra ainsi se mettre vraiment au service du peuple de Dieu en l'aidant à rendre compte, à tous ceux qui le réclament, de son espérance chrétienne (1 P 3,15). En outre, « en s'appliquant avec conscience et persévérance à l'étude de la théologie, le prêtre est en mesure d'assimiler sous une forme solide et personnelle l'authentique richesse de l'Église. Il peut alors accomplir la mission qui lui fait un devoir de répondre aux difficultés sur l'authentique doctrine catholique, de surmonter la tendance - la sienne et celle d'autrui - à la désapprobation et à l'attitude négative vis-à-vis du Magistère et de la tradition » .
L'aspect pastoral de la formation permanente est bien exprimé par l'Apôtre Pierre : « Chacun selon la grâce reçue, mettez-vous au service les uns des autres, comme de bons intendants d'une multiple grâce de Dieu » (1 P 4, 10). Pour vivre chaque jour selon la grâce reçue, le prêtre doit être toujours plus ouvert pour faire sienne la charité pastorale de Jésus Christ donnée par son Esprit dans le sacrement reçu. De même que toute l'action du Seigneur a été le fruit et le signe de sa charité pastorale, il doit en être de même pour l'activité ministérielle du prêtre. Par ailleurs, la charité pastorale est un don et, en même temps, un devoir, une grâce et une responsabilité réclamant notre fidélité ; il faut donc l'accueillir et en vivre le dynamisme jusque dans ses exigences les plus radicales. Cette même charité pastorale, comme il a été dit, incite et pousse le prêtre à toujours mieux connaître la condition réelle de ceux et celles à qui il est envoyé, à discerner les appels de l'Esprit dans les circonstances historiques où il se trouve, à rechercher enfin les méthodes les plus adaptées et les façons les plus utiles d'exercer aujourd'hui son ministère. La charité pastorale anime ainsi et soutient les efforts humains du prêtre afin que son activité pastorale soit adaptée, crédible et efficace. Mais ceci exige une formation pastorale permanente.
Le cheminement vers la maturité demande non seulement que le prêtre approfondisse sans cesse toutes ces dimensions de sa formation, mais aussi et surtout qu'il sache les intégrer avec harmonie au point d'en arriver peu à peu à l'unité intérieure qui sera assurée par la charité pastorale. En effet, celle-ci non seulement coordonne et unifie ces divers aspects de la formation mais elle leur confère leur qualité spécifique de formation du prêtre en tant que tel, c'est-à-dire comme image transparente et vivante, comme sacrement de Jésus le Bon Pasteur. La formation permanente aide le prêtre à surmonter la tentation de ramener son ministère à un activisme qui serait une fin en soi, de l'occuper de façon impersonnelle à toutes sortes de choses, si spirituelles ou sacrées soient-elles, ou encore de le réduire à un fonctionnariat au service de l'organisation ecclésiastique. Seule la formation permanente aide le « prêtre » à préserver avec un amour vigilant le « mystère » qu'il porte en lui pour le bien de l'Église et de l'humanité.